Saturnale


Par MARY YAZBECK AZOURY.

“JE CRAINS LES GRECS...”
Virgile dans l’Enéide écrit: “Je crains les Grecs, même quand ils font des présents”... Il est de même de Nabih Berri, le chef du Législatif. Le va et vient de M. Miguel Angel Moratinos, l’émissaire de l’Union Européenne ne lui dit rien de bon. Il craint que M. Moratinos ne veuille lui faire un cadeau empoisonné, à l’exemple du cheval de Troie: c’est-à-dire, d’œuvrer pour maintenir au Liban, et principalement au Sud du Liban les 350.000 réfugiés palestiniens qui y vivent. “Nous sommes aux aguets. Nous lutterons contre l’implantation des Palestiniens sous toutes ses formes de la même manière que nous luttons contre l’occupation israélienne” du Liban-Sud, a ajouté M. Berri, qui recevait au Parlement des centaines de jeunes Libanais résidents ou émigrés. En sus, M. Berri a accusé ouvertement, en le nommant, le Canada pays-hôte de nombreux Libanais, de “fomenter un complot contre les Libanais en tentant ouvertement et secrètement, d’implanter au Liban les Palestiniens”. Commentaire de jeunes Libanais émigrés: “Que reviendrons-nous faire dans cette galère...? Restons où nous sommes et nous y sommes fort bien”. Et dire que ce congrès était destiné à faire revenir les jeunes de la diaspora au Liban. On peut qualifier cela de la très haute “diplomatie”.

***

LE MOT “RIDICULE” N’EST PAS ARABE “
Fouillez tous les dictionnaires, Mounjed arabes, je vous défie de trouver le mot ridicule” déclarait le président Fouad Chéhab en 1960. Et il ajoutait, “D’ailleurs chez les Arabes, le ridicule ne tue pas.” Il est possible que le mot “ridicule” soit enfin rentré aujourd’hui dans les Mounjed... Mais ce qui est certain c’est que le ridicule demeure aussi inoffensif, particulièrement chez les Libanais. Car autrement 99% des responsables disparaîtraient. Se contredire, fanfaronner, reculer, se lancer des injures, s’accuser réciproquement, “faire de l’opposition interne” c’est-à-dire s’opposer aux décisions gouvernementales, tout en restant à l’intérieur du cabinet, pour jouir de tous les avantages financiers et autres, s’invectiver publiquement, faire une salade de l’Exécutif, avec le Législatif et le Judiciaire, ne semblent pas du tout ridicules à ceux qui sont au pouvoir. On ne peut les nommer “responsables” car ceci implique une notion fort difficile et inconnue chez ceux qui mènent la danse au Liban. Et pourtant la Rochefoucauld écrivait que le “ridicule déshonore plus que le déshonneur”. Mais qui a donc jamais entendu parler de La Rochefoucauld malgré tous les Doctorats “Honoris Causa” détenus par les gouvernants?

***

FESTIVALS? CHERS, TRÈS CHERS FESTIVALS...
Danse, musique, théâtre, cinéma et autres manifestations artistiques et culturelles font vibrer la Ville Eternelle (Rome) au rythme de “L’été romain”. Chaque soir, Rome se réveille au rythme musical de “l’Estato Romana”, une des plus grandes manifestations culturelles au monde. Des millions de personnes, parmi eux et surtout des touristes ont déclaré présents à plus de 80 manifestations organisées chaque soir dans la capitale romaine, pour la cinquième édition de “l’Estata Romana”. L’an dernier, cette manifestation avait recueilli plus de 5 millions de personnes. Cette année, on s’attend à ce que le chiffre atteigne 8 millions... Le cinéma, le théâtre, la danse classique et contemporaine, la musique sont à l’affiche et ont pour cadre les jardins, les parcs, les monuments de la Ville Eternelle, mais aussi la périphérie de Rome Au total, dix-sept manifestations sont uniquement consacrées au cinéma en plein air et sont en mesure de répondre à tous les goûts de tous les âges. Il est aussi possible de voir les films en version originale. Un drive-in géant peut recevoir plus de 4000 voitures simultanément. Au pays du bel canto, la musique tient nécessairement une place importante. Au Stade Olympique de Rome, plus de 10.000 personnes ont assisté plusieurs soirs de suite à l’opéra Turandot de Puccini. Verdi, Rossini, Bizet sont aussi au programme. Le billet pour ces concerts de très haute qualité n’excède pas 15.000 lires ou 8 dollars US... c’est-à-dire 12.000 L.L. le prix le plus cher; les autres manifestations sont pour la plupart gratuites, certains spectacles perçoivent une entrée symbolique, mais aucune manifestation ne dépasse les 8 dollars par personne. Même Maurice Béjart, même les “Danseurs de l’Académie Royale du Cambodge” venus de très loin...

***

Des prix à faire frémir les organisateurs libanais de festivals qui, paradoxe, souvent faute de qualité, font payer la prestation des dizaines de fois plus chers que n’importe où au monde! Qu’on se rappelle le chanteur Demis Roussos qui, au cours d’une soirée s’est contenté de chanter de 23h30 à 0h15 minutes. Et pourtant, les spectateurs avaient casqué le prix minimum de 80.000 L.L. (55$) allant jusqu’à 125.000 L.L. (85$)... pour 45 minutes de chant... Pourquoi ces organisateurs s’imaginent-ils devoir imposer “des boissons” ou “un dîner” inclus...? Quant aux autres festivals, mieux vaut ne rien dire. Bien sûr l’éternelle excuse: “après 15 ans de guerre”. La vérité? Dans les pays civilisés tels que l’Italie, ce genre de manifestation de prestige est subventionné soit par l’Etat, soit par la municipalité, soit par les “sponsors”... Au Liban, si l’on pensait moins “tours en béton” et davantage, musique, culture, ne serait-ce pas divin? Mais quel est le commerçant qui oserait risquer son cher argent ou or dans des manifestations culturelles? Il y en a, mais une infime minorité. A Rome “L’Estato Romana” a coûté la coquette somme de 3 millions de dollars à la charge de la mairie de Rome et de “sponsors” privés.

***

“SI À 60 ANS...”
“Si à 60 ans, vous n’avez pas réalisé vos ambitions, PLACE AUX JEUNES... et allez vous faire F....” (dixit Fouad Chéhab). Les jeunes? Les jeunes semblent être aujourd’hui l’intérêt de tous les gouvernements du monde, qui réfléchissent un tant soit peu à l’avenir de leur pays. Qu’en est-il au Liban? Qui demande leur avis aux jeunes? On les invite par-ci par-là à une rencontre-débat chez le Premier ministre, chez le chef du Législatif, chez X ou Y... Juste pour sauver les apparences? Mais qui les écoute? Qui répond à leur attente? Pour faire un stage n’importe quel stage, n’importe où, n’importe quand, n’importe comment, la grande majorité des jeunes a dû faire le porte-à-porte des banques, des grandes entreprises, des grandes sociétés. Si certains ont été acceptés, avec force pistons et sans la moindre rémunération - même symbolique, la plupart ont été priés (façon polie de s’exprimer) d’aller se faire... F... ailleurs, considérant que c’est une perte de temps de charger un employé de les initier à un travail quelconque, s’ils ne sont pas sûrs qu’ils resteront au travail. Pourtant, toutes ces grandes “boîtes” qui font des millions de dollars de bénéfices annuels, n’auraient-ils pu prévoir dans leurs budgets et programmes, l’emploi de quelques jeunes en été? N’auraient-ils pu débourser quelques milliers de dollars pour leur donner une petite “motivation” qui couvrirait au moins les frais de leurs déplacements? Non, ils ont exigé “l’art pour l’art”, alors que ces gens pratiquent la devise, “toujours plus d’argent, encore plus d’argent et rien sans argent”... à croire qu’ils emporteront à la manière de Harpagon, le tout au Paradis.. ou plutôt en Enfer.


Home
Home