Bloc - Notes 


Par ALINE LAHOUD 

 

LE LIBAN, QUEL AVENIR?

Que ceux qui se bercent d’illusions quant à un éventuel changement de gouvernement renoncent à leurs rêves euphorisants. M. Hariri est là pour un certain bout de temps et son départ n’est nullement envisageable dans un avenir prévisible. Autant faire avec. Nous faisons avec. En fait, nous ne faisons que faire avec depuis cinq ans que cela dure. Cela durera jusqu’à ce que ceux qui l’ont amené décident de le reprendre. Et ce n’est pas demain la veille. Pourquoi pas après tout. Il n’est pas évident que nous ayons mieux. Sans compter que dans sa branche, c’est un vrai crack. Le seul ennui est que sa branche n’est pas la nôtre, ni ses préoccupations, ni ses priorités, ni sa perception des gens et des choses, ni ses ambitions, ni son regard sur l’avenir. Pour tout dire, il est, avec le pays qu’il gouverne, en complète rupture de rythme. Mais à part ça, madame la marquise... à part ça, nous aimons bien sa façon de marcher comme une division blindée occupant le terrain. Nous aimons bien sa façon de considérer que c’est lui qui reçoit Chirac à l’Elysée, que c’est tout juste dû à un caprice du destin si la Maison-Blanche a échu à Bill Clinton plutôt qu’à lui et le regard gentiment protecteur qu’il a eu pour le prince Charles et le roi Juan Carlos. Nous aimons bien le monopole qu’il se réserve sur le royaume séoudien et l’exclusivité qu’il semble revendiquer sur le Vatican et ce style ex-cathedra qu’il a emprunté à son copain Jean-Paul II. Et pourquoi pas, après tout, puisque ce pape ne s’en sert plus. En un mot, c’est un homme remarquable, qui détesterait qu’on ne le remarque pas. Et Dieu sait s’il se fait remarquer! Surtout sur la scène intérieure où il fait déjà la pluie et le beau temps et où il se propose de régner en maître absolu. Sur sa lancée et toujours dans le style Jules César mâtiné d’Ivan le Terrible, le voici qui s’en prend maintenant à la loi électorale, activement aidé - sinon devancé - sur ce terrain-là par un autre candidat à l’absolutisme impérial, M. Nabih Berri en personne. Nous savons tous que la loi électorale dont nous a pénalisé le parlement précédent et qui nous a infligé nos actuels élus, n’est pas le nec plus ultra de ce qu’on fait en matière de démocratie. Que cette loi a été - en dépit de la décision du Conseil Constitution-nel - imposée par le fait accompli, qu’elle a pris en otage la volonté populaire, gommé purement et simplement la plus large tranche de la nation et consacré un déséquilibre scandaleux entre les différentes communautés et les différentes régions. Nous savons, aussi, à travers les élections par-tielles, organisées à la suite de l’invalidation du man-dat de certains députés, que les électeurs se sentent directement concernés et mieux représentés dans le cadre du caza que dans celui du mohafazat où le choix des candidats obéit à une coalition de leaders locaux téléguidés par un mot d’ordre venu d’ailleurs. Aveugle devant l’évidence, ou trop conscient de ce que pourraient être les conséquences d’un choix librement représentatif, le Premier ministre, solide-ment épaulé par le président Berri, s’apprête à se lancer dans un projet de loi qui fait du Liban une circonscription unique. Autrement dit, personne ne représentera plus personne, à part les randonneurs de la route de Damas et les favoris parachutés par un régime déjà à plusieurs reprises désavoué par le corps électoral. Sur quelles bases établirait-on les listes des candidats et qui présiderait ces listes? Probablement messieurs Berri et Hariri, avec un lot de consolation pour le Hezbollah et quelques miettes pour le seigneur de Moukhtara. Inutile de préciser que ce genre d’entente cordiale ne pourrait que marginaliser les véritables leaders sunnites de Beyrouth, Tripoli et Saïda, disperser un large éventail chiite de différentes sensibilités politiques, paralyser une bonne partie de la volonté druze, rejeter les chrétiens dans les ténèbres extérieurs et plus particulièrement les maronites, passés, eux, au laminoir. Quel est le but ultime de ces menées pas très catholiques (c’est le cas de le dire) et à quoi tend cette politique qui ne peut conduire qu’au pire? Enfin, quel avenir les décideurs planifient-ils pour le Liban? Voudrait-on préparer le terrain à l’implantation et provoquer par contrecoup la cantonisation qu’on n’agirait pas autrement.


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