Chronique


Par JOSE M. LABAKI

LE SIONISME: UN SYNDROME REDOUTABLE

Et d’enchaîner: “Netanyahu, tu nous mènes à une guerre injustifiable”. Certes, avoir Israël à sa frontière, c’est avoir un adversaire redoutable. Etrange aventure de la realpolitik anglo-saxonne. C’est là que se déroule au quotidien, l’expérience politico-militaire la plus dévastatrice des temps modernes, la combinaison paradoxale du racisme et du terrorisme intellectualisés à outrance. Tout le drame est là. Tout le long de l’Histoire, depuis la domination byzantine et depuis l’Islam, l’Ancien Monde est la région où les Juifs ont été les mieux accueillis, les plus respectés et le moins persécutés, - alors qu’ailleurs, que n’ont-ils pas enduré! Au Liban, l’antisémitisme n’existe pas et ne peut jamais exister, autrement ce serait contre sa raison d’être, contre sa tradition universaliste, contre ses mœurs politiques établies depuis des lustres. Et c’est, justement, l’exemplarité du Liban qui devrait servir d’école pour empêcher l’existence anachronique d’un Etat raciste et aussi agressif qu’Israël! Hier encore, le sionisme mondial célébrait à Bâle en Suisse, son centenaire, (1897-1997). La polémique sur les relations de la Suisse avec le régime nazi et le blocage du processus de paix au Proche-Orient, ont terni l’éclat de ce malencontreux anniversaire. En effet, le scandale des fonds juifs en déshérence et du blanchiment de l’or nazi, les révélations sur le comportement hélvétique lors de la Seconde Guerre mondiale, les violents affrontements opposant au quotidien la diaspora juive aux autorités et aux banques suisses, on ne pouvait imaginer climat plus déplacé pour le centenaire du mouvement sioniste, à la mémoire de son fondateur, visionnaire du sionisme, Théodore Herzl. Et l’opinion publique israélienne de s’interroger: le sionis-me fondateur serait-il révolu? Y aurait-il une solution au problème juif, en dehors de la normalisation de la condition juive? Y a-t-il vraiment une conscience natio-nale juive, pour éradiquer la politique désastreuse du sionisme, dont Benyamin Netanyahu est l’exécu-teur? Pour nombre de Juifs, “le mythe d’une terre sans peuple, pour un peuple sans terre”, n’est qu’un simple slogan. Les Juifs, toutes tendances confon-dues, ont toujours reconnu qu’il y a un problème arabe et qu’il faut, à tout prix, corriger l’injustice historique faite au peuple palestinien. Les Travaillistes, eux, le savent et c’est pourquoi, ils ont, de tout temps œuvré dans cette direction. Les accords d’Oslo en sont la preuve. Toutefois, la volonté de conquête enra-cinée dans la tradition juive n’est pas un phénomène nouveau, elle a toujours existé. La “guerre de six jours”, marque surtout le retour du messianisme, mais il n’y a jamais eu rupture entre le sionisme fondateur et la religion. A aucun moment, les fondateurs dits de gauche n’ont soustrait cette composante identitaire. En dépit du poids politique et démographique croissant des religieux, la société israélienne se veut de plus en plus ouverte. La laïcité et le libéralisme que l’on voit à Tel Aviv, n’existaient pas il y a trente ans. Si toutefois les religieux se radicalisent, c’est plutôt pour assurer leur survie, contre la déjudaïsation de l’Etat. Les générations montantes, elles, ne voient pas dans la religion un recours identitaire comme leurs progéniteurs, l’Etat leur fournissant un cadre qui leur assure entre autres, l’identité. Méfions-nous, le sionisme tel que rêvé par son fondateur Théodore Herzl, n’est point dépassé; au contraire, il est devenu un produit d’exportation, un syndrome redoutable. Mais qu’à cela ne tienne: pour l’intelligentsia israélienne, la paix avec les voisins arabes sur une base de justice et d’égalité, est une condition sine qua non pour la survie d’Israël. “La politique de Benyamin Netanyahu, va plutôt nous faire perdre du temps plutôt qu’en gagner”, scandent les intellectuels israéliens de par le monde.

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Et les Etats-Unis, dans tout cela? L’Amérique, partenaire à part entière, a toujours été pour les Juifs l’appui et la référence indispensables à tous égards. Pour les six millions de Juifs américains, le sionisme est une émotion plutôt qu’une idéologie. Aux Etats-Unis et peut-être dans le reste du monde, il n’est pas de communauté juive qui ne soit engagée plus à fond en faveur d’un Etat étranger, mais la plupart d’entre elles n’ont jamais eu l’intention de s’y intégrer, que ce soit avant ou après la création de l’Etat d’Israël. Pour les 33 précurseurs qui ont débarqué en 1654 dans ce qui allait devenir New York, comme pour les six millions de Juifs qui vivent aujourd’hui aux Etats-Unis, la vraie terre promise s’appelle l’Amérique. D’où la relation passionnée, fluctuante et inconfortable de celle-ci avec l’Etat d’Israël, comme plus récemment avec les lobbystes religieux. Le sionisme et l’avenir de la Palestine ont profondément divisé les Juifs américains, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Mais l’argent des Juifs américains tout comme leur influence, restent essentiels pour l’Etat d’Israël, comme ils le furent à sa naissance. Jusqu’en 1920, seule une petite minorité se rend en Palestine, pour quel motif? Le problème juif est par essence révolutionnaire et socialiste; pour des raisons théologiques, les Juifs orthodoxes majoritaires en Europe de l’Est sont viscéralement antisionistes. Et pour la majorité, le problème se résume à la sécurité physique et à la survie matérielle, la Palestine demeurant une option idéologique. Depuis la quatrième immigration en Terre Sainte, au début du siècle, toutes les vagues d’immigration ont correspondu à des situations de fuite et de sauvetage. C’est cela même qui fait la basse marée juive vers Israël, le sionisme étant une solution de dernier recours. En conclusion, notre sempiternel adversaire est le sionisme, sous toutes ses formes, “l’israéla-trie” menaçante de Benya-min Netanyahu et ses com-pères en premier.


“La guerre est au coin de la rue, seul un aveugle n’en voit pas la menace.”

Ehud Barak (Chef du parti travailliste)


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