S.Em. le cardinal Nasrallah Sfeir recevant M. Melhem Karam.


Le patriarche maronite entouré de M. Karam, du conseil exécutif et des conseillers de l’Ordre des journalistes.

EN RECEVANT MELHEM KARAM À LA TÊTE DU CONSEIL DE L’ORDRE DES JOURNALISTES
S.Em. Mgr SFEIR: “IL NOUS PEINE DE VOIR LE LIBAN MIS À L’ÉCART DANS LA RECHERCHE DE SOLUTIONS AUX PROBLÈMES DE LA RÉGION”

En recevant au siège patriarcal d’été à Dimane, vendredi dernier, M. Melhem Karam, président de l’Ordre des journalistes, à la tête du conseil exécutif de cette corporation, S. Em. le cardinal Nasrallah Sfeir a réitéré ses critiques contre les gouvernants, les blâmant “de ne rien entreprendre en vue d’extirper le mal à ses racines, alors que le Pouvoir doit être au service de tous les citoyens et de l’intérêt public, non de l’intérêt de ceux qui en détiennent les rênes”. L’éminent prélat a évoqué, par la même occasion, les problèmes de l’heure, ceux en rapport avec la naturalisation, insistant sur la nécessité de la déconfessionnaliser, la situation au Liban-Sud, la tournée du chef du département d’Etat US, le dialogue syro-chrétien, la question des personnes déplacées, de Jezzine, des scolarités, etc... “Notre situation, observe Mgr Sfeir, reste la même, alors que nous nous attendions à ce qu’elle s’améliore. Or, comme le dit le proverbe français, qui n’avance pas recule. Il nous peine de constater que le Liban est mis à l’écart dans la recherche de solutions au conflit du Proche-Orient, preuve en est que notre pays ne figure pas sur l’itinéraire de la tournée de Mme Madeleine Albright”.

UNIFIONS NOS RANGS
- On dit qu’elle viendra à Beyrouth à la fin de son périple?
“Elle sera la bienvenue. Malheureusement, le Liban est devenu une entité négligeable, au point qu’elle y vient en catimini, sans l’inscrire sur le programme de sa tournée dans la région. “Aussi, les Libanais doivent-ils unifier leurs rangs et adopter une attitude commune, car lorsqu’il prend connaissance de nos divisions, le monde nous traite à la légère. Nous devons savoir si nous nous trouvons dans une patrie où le sentiment national est bien incrusté”.

- La restitution de la nationalité libanaise aux émigrés est posée, aujourd’hui avec force: s’agit-il d’une question sérieuse?
“J’ai dit, hier, qu’une question d’une telle importance, ne devrait pas être considérée sous l’angle confessionnel, tel de vouloir recenser le nombre des membres des communautés pouvant bénéficier de la naturalisation. La patrie doit appartenir à tous ses fils et nous sommes fiers de la vie en commun. Pourquoi donc instituer une controverse sur ce sujet? Nous devons rester solidaires en faveur du Liban”.

QUID DU DIALOGUE SYRO-CHRÉTIEN?
- Des tentatives avaient été effectuées pour vous amener à participer au dialogue syro-chrétien: où en est ce dialogue?
“Cette affaire est posée depuis un certain temps et notre réponse est connue: nous ne sommes pas un Etat pour parler au nom de tous les citoyens. Quant aux portes de Bkerké, elles sont ouvertes devant quiconque veut y venir. Mais si nous devions effectuer une visite à Damas, celle-ci devrait avoir un sens; sinon pourquoi l’entreprendrions-nous?”

- Une invitation aurait-elle été adressée à votre Béatitude pour l’effectuer?
“Non, je n’ai reçu aucune invitation”.

- Votre discours semble avoir changé; pourquoi?
“Je n’ai pas changé de ton. Des délégations me rendent visite et demandent à connaître mon avis à propos de la situation. J’accède à leur désir et ce que j’ai dit dans le passé, je le répète aujourd’hui. Si la Presse met en relief certaines de mes déclarations, c’est son affaire; je n’y suis pour rien”.

-Vous n’avez pas fait de commentaires à propos de débarquement israélien héliporté d’Ansarieh qui a opéré une soudure entre l’Armée et la Résistance?
“J’ai dit le jour où cette opération a eu lieu, que cet état de choses se perpétuera en l’absence d’une solution. Cela signifie que la vie se transformera en enfer, tant que la paix ne sera pas instaurée. “Naturellement, nous ne sommes pas pour l’effusion de sang, mais pour la paix qui doit prévaloir, en définitive, pour mettre un terme à cette situation déplorable”.

PAS DE TRAITÉ DE PAIX SÉPARÉ POUR LE LIBAN
- Bkerké fait-il partie du dialogue en cours entre le Liban et la Syrie?
“Ya-t-il un dialogue? De toute façon, nous ne voulons pas revenir au passé”

- Le Liban-Sud peut-il cohabiter avec l’occupation?
“Nous ne cessons de réclamer la fin de l’occupation et le Liban ne peut signer, unilatéralement, la paix qui est indivisible. Il ne peut vivre en paix, alors que son voisin est en état de guerre. La paix doit être juste et globale et le Liban n’aspire pas à une paix séparée, ni au Sud ni à Jezzine. “L’Egypte a signé un traité de paix séparé avec Israël, mais ceci n’a pas permis l’échange de visites entre Egyptiens et Israéliens. “Un consensus national doit être réalisé autour des questions vitales engageant l’avenir de la nation. Je cite, à titre d’exemple, l’affaire de la naturalisation. Dans les Etats évolués, on accorde la nationalité à des personnes ayant rendu quelque service au pays. Hier, les Etats-Unis ont accordé la nationalité à Mère Teresa, parce qu’elle a rendu d’insignes services au peuple américain. “Il n’est pas permis que cette affaire soit traitée d’une manière arbitraire, sans qu’on sache qui a obtenu la nationalité, pour quel motif et s’il réside dans le pays. En ce qui concerne les émigrés libanais, l’Etat les supplie de revenir. Peut-on s’attendre au retour de huit millions de Brésiliens d’origine libanaise?

RENFORÇONS LES LIENS AVEC LES ÉMIGRÉS
“Les Libanais d’outre-mer constituent une force à ne pas dédaigner et nous devrions pouvoir renforcer leurs liens avec la mère-patrie, comme le fait Israël par rapport aux Juifs de la diaspora. Puis, nous devons reconnaître à nos émigrés le mérite d’avoir soutenu leurs frères résidents durant les douloureux événements et agir de manière à ce qu’ils se sentent chez eux et parmi leurs concitoyens quand ils viennent au pays de leurs pères et de leurs ancêtres”.

- La situation à Jezzine est-elle en voie de s’améliorer et porte-t-elle à l’optimisme?
“Les différentes parties se prêtent,maintenant, à l’échange de vues et c’est ce que nous avons toujours souhaité. A l’instar du Sud, Jezzine est une partie chère du Liban; aussi, doit-on éviter de contraindre les habitants de cette localité à l’exode, d’autant qu’ils ont donné la preuve de leur patriotisme. Et c’est pourquoi on ne s’explique pas le grand nombre de victimes tombées parmi sa population.”

- Comment jugez-vous la visite de Mme Albright au Proche-Orient?
“Nous sommes pour l’instauration d’une paix juste et globale dans la région. Notre vœu le plus cher est d’être en mesure de traiter nos problèmes, sans l’ingérence de qui que ce soit. Car lorsqu’il entre dans l’âge adulte, l’homme devient maître de sa décision et de son avenir, sinon il reste placé sous tutelle. Ceci est un mépris de l’homme et de sa capacité à s’auto-gérer. Nous devons prendre en charge nos propres affaires.”

DE LA DETTE PUBLIQUE ET DES DÉPLACÉS
- Quelle est votre opinion à propos de la situation sociale dans son ensemble?
“La situation laisse à désirer, ainsi que je l’apprends de tant de visiteurs. L’Etat est tenu d’être au service de tous les citoyens, non de ceux qui y détiennent les rênes du pouvoir, ainsi que le souligne l’exhortation apostolique. “Puis, une patrie surchargée de dettes vit dans des conditions peu saines. D’aucuns disent qu’aucun pays n’est sans dettes. Oui, mais dans ce cas, un Etat ayant contracté des dettes dépassant sa capacité de les rembourser, risque de perdre sa souveraineté et son indépendance, car le créditeur impose sa volonté au débiteur.”

- Qu’auriez-vous à dire, Eminence, des personnes déplacées?
“J’ai envisagé d’entreprendre des visites aux déplacés dans toutes les régions, à commencer par Baalbeck, Deir el-Ahmar et le Chouf. Mais des obstacles ont émergé et m’ont décidé à y renoncer, pour le moment. “Je suis prêt à me rendre partout, à condition que ma présence ne provoque pas de divisions. Je me suis rendu, récemment, à Ehden et Hasroun où ma visite était unanimement attendue; il ne faut pas tout politiser chez nous, d’autant que le but de mes visites est d’unir et non de diviser les gens.”

- Vous avez demandé aux écoles catholiques de ne pas majorer les scolarités...
“Je me suis inspiré de l’exhortation apostolique, selon laquelle aucun enfant en âge scolaire ne doit rester sans instruction, pour des considérations d’ordre financier. Or, l’Etat demande aux écoles de majorer les salaires des enseignants; comment celles-ci peuvent-elles agir dans ce sens, sans majorer les scolarités. C’est un cercle vicieux. Enfin, en ce qui concerne les résolutions 425 et 520, le chef spirituel de la communauté maronite se prononce en faveur de leur application, mais non de l’une indépendamment de l’autre.”


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