MÈRE TERESA BIENVENUE AU PARADIS


Vue de la cérémonie religieuse au stade
Netaji: officiants et invités.


Hillary Clinton s’incline devant la
dépouillede Mère Teresa.


Le corps des religieuses de l’Ordre
des Missionnaires de la charité dans
leurs saris blancs bordés de bleu.


Une vue de l’assistance. De gauche à droite:
la reine Nour, Bernadette Chirac, Hillary Clinton,
Aline Chrétien, Sonia Gandhi.

“Le 10 septembre 1946, Jésus s’adresse à notre mère dans un train. Il lui parle de la soif immense et, surtout, des pauvres parmi les pauvres. Il lui demande de fonder cette congrégation pour être au service des pauvres parmi les pauvres. Dans sa simplicité, sa liberté, elle a compris ce que lui demandait Jésus et la prière de Marie qui lui demandait de faire ce que Jésus lui demandait. La mission de Mère Teresa était une mission d’amour rappelant à chaque personne qu’elle est précieuse et aimée de Jésus. “Ce que vous faites aux pauvres, vous le faites pour moi.” On possède tout, en possédant Jésus. “Priez pour nous pour que nous puissions poursuivre l’esprit et les œuvres de Mère Teresa.”


Une vue de la foule.


Les soldats d’élite portant le cercueil
découvert depuis Saint Thomas.
A l’arrière-plan la foule des déshérités.

C’est en ces termes que sœur Nirmala - qui depuis son élection à la tête de la congrégation des Missionnaires de la Charité, en mars dernier, a refusé le titre de “Mère” qui ne convient qu’à une seule, Mère Teresa - s’est adressée aux quinze mille invités qui ont assisté aux obsèques de Mère Teresa, au stade Netaji de Calcutta, au million de fidèles qui ont suivi le cortège, aux quatre mille membres de la congrégation soutenus par mille volontaires servant dans six cents institutions de cent vingt pays. Et, aussi, aux millions de téléspectateurs et sympathisants que la vieille femme, ridée, courbée, ramassée sur elle-même, décédée le 5 septembre, d’un arrêt cardiaque, à l’âge de 87 ans, avait remués au plus profond de leur cœur. Aussi, sœur Nirmala, une hindoue népalaise de la branche des brahmanes convertie au catholicisme (détentrice d’une maîtrise en sciences politiques et dotée d’une vaste culture) a-t-elle souhaité à Mère Teresa “bienvenue au paradis”. Son message, lors de cette cérémonie multiconfessionnelle, était suivi d’une série d’autres venant de l’archevêque de Canterbury, de l’église du nord de l’Inde, des religions hindoue et musulmane, des sikhs qui ont tous salué la mémoire de la “sainte de Calcutta” qui avait porté dans ses bras plus de trois mille morts.

FUNÉRAILLES D’ÉTAT À LA “MADONE DES BIDONVILLES”
Quoique occultée quelque peu par les funérailles planétaires de la princesse Diana, la mort de Mère Teresa avait quand même provoqué une immense “onde d’amour” dans le monde, suscité une profonde émotion à travers toute l’Inde et mobilisé les hautes autorités du pays qui ont décrété deux journées de deuil national. A l’annonce de sa mort, le Premier ministre, Inder Kumar Gujral, a interrompu ses activités, pris l’avion de New Delhi pour venir s’incliner devant sa dépouille à la maison-mère des Missionnaires de la charité de Calcutta. Son exemple a été bientôt suivi par les Indiens, toutes catégories sociales confondues, attendant le long de files de plusieurs kilomètres pour lui rendre hommage. L’afflux des visiteurs fut tel qu’il devint impératif de la transporter en l’église Saint-Thomas où, déposée dans un cercueil de verre, recouverte de son sari blanc bordé de bleu, elle reposait pour l’éternité. Des funérailles nationales réservées aux chefs d’Etat et aux Premiers ministres furent décidées pour “la Madone des bidonvilles”. Et l’armée qui a pris soin de la veiller et de conduire son cortège, a déployé pour elle tous les fastes de ce monde qu’elle avait toujours refusés. Tôt le samedi 13 septembre, des soldats d’élite de l’armée indienne ont porté son cercueil découvert sur un affût de canon historique qui avait transporté en 1948 la dépouille du Mahatma Gandhi et, en 1964, celle de Jawaharlal Nehru, remorqué à un camion où avaient pris place des religieuses de l’ordre conduites par Sœur Nirmala et des officiers de l’armée. Onze véhicules militaires ont accompagné le cortège ayant suivi un parcours de cinq kilomètres dans les rues de Calcutta, capitale du Bengale occidental qui compte quinze millions d’habitants. La foule est dense, disciplinée, rompant toutefois par moments les barrages en dépit des onze mille policiers déployés. Dans ses rangs, tous les laissés pour compte auxquels Mère Teresa a dédié sa vie: lépreux, malades, handicapés, aveugles qui n’ont pas eu droit de cité au stade Netaji où se déroule la cérémonie funèbre. Dans ce stade, ont déjà pris place: le président de l’Inde K.R. Nrayanal, le Premier ministre Inder Kumar Gujral, le “Chief minister”du Bengale occidental le communiste Jyoti Basu (l’un de ses meilleurs interlocuteurs), le président de la République italienne, Oscar Luigi Scalfaro venu la veille accompagné de la seule survivante de la famille de Mère Teresa, sa nièce habitant la Sicile; le président albanais Rexhep Meidani, les reines Sophie d’Espagne; Nour de Jordanie; de l’ancienne reine des Belges, Fabiola; des présidents américain et français Hillary Clinton et Bernadette Chirac, Sonia Gandhi, épouse de l’ancien Premier ministre Rajiv, petits-fils de Nehru, l’épouse du Premier ministre du Canada, Aline Chrétien, du Premier ministre du Bengladesh, cheikh Hassina Khaled...

IL EST BIEN PLUS EXALTANT DE DONNER QUE DE RECEVOIR
La messe des funérailles en anglais accompagnée de chants et d’hymnes en bengali et hindia, est célébrée par l’archevêque de Calcutta Mgr Henry D’Souza qui évoque dans son oraison funèbre l’héritage de Mère Teresa, suivi de l’archevêque de Bombay, Simon Pimenta lequel lit en anglais le chapitre cinq de l’Evangile selon Saint-Mathieu et qui résume le message de Mère Teresa. Le secrétaire d’Etat du Vatican, le cardinal Angelo Sodano, délivre le message de Jean-Paul II qui indique dans l’essentiel combien le don d’amour est supérieur à tous les autres et qu’il est bien plus exaltant de donner que de recevoir. “La sainteté, la bonté et l’amour”sont encore fort heureusement reconnus dans le monde. A l’heure de l’offrande, une orpheline et un lépreux s’avancent vers l’autel où sont inscrits ces mots: “Works of love are works of peace.” A l’issue de la cérémonie qui a duré deux heures, le convoi prend la direction inverse que celle du départ, cette fois sous la pluie. Mère Teresa est inhumée à la maison-mère des Missionnaires de la charité, tandis que les Ghurkas, soldats d’élite de l’armée indienne, tirent quatre salves de fusil et que quatre clairons entonnaient l’adieu aux armes. Rien n’est fini. Tout recommence. Les Missionnaires de la charité vont continuer à soulager les miséreux, les malades, les mourants. La polémique au sujet du prosélytisme de Mère Teresa qui n’a cherché qu’à “faire d’un musulman un meilleur musulman, un Indien un meilleur Indien», de l’image désastreuse qu’elle a donnée à Calcutta, son engagement contre l’avortement, ses ressources manquant de transparence, pourrait s’apaiser ou se poursuivre. Peu importe. Une sainte s’est rendue au paradis. Et son processus de canonisation est en marche.

EVELYNE MASSOUD


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