|
|
A partir du 19 septembre, le président de la République tchèque, M. Vaclav Havel, effectue une visite officielle au Liban. A cette occasion, il sied de retracer la vie, l’œuvre et l’action de ce grand homme politique et de lettres, dont le nom est étroitement lié au combat ayant ramené son pays dans le giron du monde libre et démocratique, après plus de 40 ans de totalitarisme.
TÉMOIGNAGE D’UN DIPLOMATE FRANÇAIS
Pour présenter Vaclav Havel, j’ai choisi de reprendre
le témoignage d’un diplomate français, M. Yves Barelli, qui
fut en poste à Prague et a bien connu le président Havel.
Dans le livre qu’il lui consacre sous le titre: “L’amour et la vérité
doivent triompher de la haine et du mensonge”, il écrit: “Vaclav
Havel n’est pas un président comme les autres. Il est même
tout à fait atypique selon les canons internationaux. Pourtant,
il reste au-delà d’une image personnelle bien établie, assez
dans la tradition de ce pays, dont il incarne admirablement les valeurs
humanistes de tolérance, de vérité et de justice.
“N’ayant jamais appartenu à un parti politique, ni exprimé
de préférence particulière, Havel est politiquement
inclassable. Plutôt que de se raccrocher à des étiquettes
politiques existantes, il préfère se comporter comme il estime
devoir le faire. Aux autres, éventuellement, de le juger et de le
classer, s’ils le peuvent”. L’auteur de l’ouvrage qui, visiblement, a beaucoup
d’admiration pour le président Havel, poursuit: “Comme écrivain
dramaturge, (spécialiste du théâtre de l’absurde, prisé
des Tchèques depuis Kafka), comme dissident et, maintenant, comme
président, Havel est un amoureux de la liberté. Il n’a cessé
de démonter le système totalitaire en montrant comment, dans
un tel contexte, les gens étaient amenés à collaborer
en dépit de leur opposition, participant ainsi malgré eux
à la pérennité de ce même système. “C’est
dans un esprit chrétien, lui le laïc, qu’il appelle au pardon
et refuse la chasse aux sorcières. Il estime que la meilleure arme
pour débarrasser le pays de son passé et les gens de leurs
complexes, ce sont les valeurs éthiques de la tolérance,
de l’humanisme et de la justice. Havel tient la morale comme la qualité
suprême que doit rechercher l’homme politique”.
FIDÈLE AUX VALEURS DE SA PATRIE
Mais qui est Vaclav Havel? Reprenons sa biographie: il est né
le 5 octobre 1936 à Prague, d’une famille de businessmen bien connue.
Il termine ses classes primaires en 1951, mais son appartenance à
un “background bourgeois” limite ses options pour les hautes études
dans un pays désormais à régime communiste. Il travaille,
alors, comme technicien dans un laboratoire de chimie, en poursuivant le
soir ses études secondaires qu’il termine en 1954. De 1955 à
1957, il suit des études d’économie à la Faculté
technique de l’université de Prague, pour faire, ensuite, son service
militaire. De retour, il s’engage dans le domaine théâtral
qui l’attire particulièrement. A l’A.B.C. théâtre de
Prague, il est engagé comme stagiaire; puis, on le retrouve au théâtre
de la Balustrade, toujours à Prague, en tant qu’assistant-directeur
et dramaturge. Ce même théâtre présentera en
1963, sa première pièce: “La garden-party” qui connaîtra
un succès international. De 1962 à 1966, il étudie
l’art dramatique à l’académie d’art de Prague et épouse,
en 1964, Olga Splichalova.
UN LONG COMBAT POLITIQUE
Havel va, constamment, mener un long et tenace combat politique
qui aboutira à la libération de son pays du joug communiste.
Il sera, tout d’abord, d’une activité débordante pour la
démocratisation et le renouveau culturel au cours de cette brève
période de réformes que fut le “printemps de Prague” et prit
fin le 21 août 68, par l’invasion des tanks soviétiques et
du “pacte de Varsovie”. Il s’oppose à cette invasion et à
la ligne dure qui en résulte. En conséquence, ses travaux
sont bannis de la Tchéchoslovaquie. Il quitte Prague, se donne à
l’écriture, tout en poursuivant son combat contre le régime
communiste. En 1975, il a l’audace et le courage d’écrire une lettre
ouverte au président Gustav Husak critiquant, ouvertement, le gouvernement.
1977 constitue un premier tournant important dans ce combat: Havel sera
un des co-fondateurs et l’un des trois porte-parole de la “Charte 77 des
droits humains”. Cette charte avait pour objectif d’attaquer le régime
sur le terrain de la morale, en lui demandant de respecter ses propres
lois socialistes. La “Charte 77” le mettait dans l’embarras, en témoignant
devant la population que la résignation n’était pas inévitable;
elle redonnait confiance à ceux qui espéraient encore et,
mauvaise conscience, à ceux qui avaient choisi la compromission.
RÉVOLUTION DE VELOURS
Havel fut emprisonné, à maintes reprises, pour
ses idées de 1979 à 1983. Ce furent quatre difficiles années
en détention, d’où il sortit malade. Il y écrit ses
“Lettres à Olga”, sa femme. Après sa libération, il
publie trois de ses meilleures pièces: “Large désolation”,
Temptation” et “Ruelle éclairée”. Sa dernière détention
sera de janvier à mai 1989. En novembre 1989, Vaclav Havel devint
l’un des leaders du “Forum civique”, mouvement d’opposition et fer de lance
de la “Révolution de velours” qui mit fin au régime communiste.
Le 29 décembre 1989, il est élu président de la Tchéchoslovaquie.
Au lendemain des premières élections parlementaires libres,
il est réélu le 5 juillet 1990 pour deux ans, en tant que
président de la République fédérative tchèque
et slovaque. Au lendemain de la séparation entre ces deux Etats
devenus chacun une entité indépendante, il est élu,
le 26 janvier 1993, premier président de la République tchèque.
Ses œuvres théâtrales sont jouées à l’étranger
et ses livres traduits dans plusieurs langues. Il est détenteur
de prix, décorations et titres académiques honorifiques:
la Grande croix de la Légion d’honneur (France 1990), membre d’honneur
de la Légion royale britannique (1991), prix Indira Gandhi (1994)
et médaille de la liberté de Philadelphia (USA 1994). Le
27 janvier 1996, son épouse Olga meurt. Le 4 janvier 1997, lors
de sa convalescence après une opération aux poumons, il épouse
Dagmar Veskrnova (44 ans), actrice de théâtre, de télévision,
de cinéma populaire et aimée des Tchèques.
UN SOUFFLE DE LIBERTÉ
Le Liban reçoit, aujourd’hui, Vaclav Havel. “Un personnage
hors du commun”, écrit encore le diplomate Yves Barelli dans son
livre “Révolution de Velours”. “Doté de qualités humaines
exceptionnelles, Havel correspond parfaitement à l’attente de ses
compatriotes qui préfèrent les hommes sincères aux
hommes brillants, les gens simples aux ambitieux et pour lesquels la vérité
a toujours davantage compté que le succès. Ils ont, cette
fois, la vérité et le succès”. Espérons pour
notre part, que la visite officielle du président Vaclav Havel au
Liban apportera avec elle, pour notre pays, un véritable souffle
de liberté et de démocratie.