Bloc - Notes

Par ALINE LAHOUD 
 
 

ET VOGUE LA GALÈRE

Encore un coup d’épée dans l’eau. Décidé-ment, une des principales tâches du gou-vernement semble être de courcircuiter le Conseil constitutionnel. Après la super-cherie de la loi électorale, voilà la loi relative aux élections municipales et communales qui tourne à la grosse farce. Invalidée parce que son ajournement à l’an 99, décidé par le parle-ment, a été considéré comme anticonstitutionnel, elle se trouve quand même remise aux calendes grecques par le fait accompli. 
Le gouvernement, faux témoin, laisse faire M. Berri qui monte aux barricades plus souvent qu’à son tour et semble adorer ça. M. Berri ne veut pas entendre parler de ces élections si la loi qui s’y rapporte n’est pas accompagnée d’une nouvelle loi électorale et d’une loi organisant la décentra-lisation administrative. 
En attendant que ces lois soient concoctées et décidées par le Conseil des ministres, envoyées au parlement, débattues par ledit parlement et votées, nous serons bien en 1999. Et que le Conseil constitutionnel aille se rhabiller. On n’apprend pas à de vieux singes à faire la grimace. 
Notre Premier ministre peut donc dormir sur ses deux oreilles et avoir, en plus, assez de temps pour courir à Damas consulter les grands frères à propos de la restitution de la nationalité aux émigrés, pers-pective qui lui donne des palpitations nerveuses. Surtout quand on songe que 80% de ces émigrés appartiennent aux communautés chrétiennes. Horreur et grincements de dents! Les avons-nous brimés, laminés, marginalisés au point de nous faire taper sur les doigts par toutes les organi-sations des droits de l’homme, pour nous heurter finalement à un mur démographique qui devien-drait rapidement incontournable! Reclaquement des dents et tam-tam d’alerte rouge. 
Alerte rouge et tocsin aussi chez M. Walid Joumblatt qui n’arrive pas à pardonner aux chré-tiens en général et aux maronites en particulier, non seulement d’exister mais en plus d’être installés à la présidence de la République et - paradoxe des paradoxes - à Bkerké. Il faut dire que la lettre “b” semble poursuivre Walid bey d’une sombre malédiction: Bkerké, Baabda, Bal-louné, Bouez, Bachir, Bahjat Gaïth... A un point tel que, renonçant pour le coup aux oripeaux teenagers dont il s’affuble d’habitude, le seigneur de Moukhtara a fait l’effort de revêtir costume sombre et cravate assortie pour venir dire leur fait à ces “croquemitaines” qui peuplent ses cauche-mars. 
Comme une chorale bien rodée, la claque a aussitôt pris la relève, relayée à son tour par M. Omar Meskaoui pour qui le problème du Liban qu’il convient de résoudre n’est autre que le cardinal Sfeir lui-même. Pourquoi s’en offusquer? N’est-il pas, après tout, tout à fait logique qu’un ministre des Transports souffre d’un transport au cerveau? Et chez ce monsieur, ça devient chroni-que. 
Au milieu de ce déballage prémédité et malodo-rant, le Premier ministre garde un silence prudent. En fait, il planche sur le milliard de dollars qu’il n’arrive pas à se procurer malgré la boulimie fiscale de son exécuteur des hautes œuvres, Fouad Sanioura. 
Le chef du gouvernement tient absolument à majorer et le bidon de benzine et les taxes douanières sur tout ce qui bouge, y compris les produits alimentaires de première nécessité. Michel Murr qui, lui, sait flairer le vent, a beau souligner le risque d’un tel comportement, il a beau suggérer d’autres sources pour rassembler le milliard de dollars de rançon exigée d’un peuple pris en otage, rien ne semble y faire. 
Pour tout dire, nous avons beau exhiber, devant qui veut bien se coiffer d’un casque, les prodiges de notre reconstruction, nous ne sommes pas en-core sortis de la guerre. C’est toujours la logique des milices qui continue à régner de haut en bas de l’échelle du pouvoir. Ce sont toujours ces “jar-diniers de l’enfer” (1) qui attisent le feu. Et qu’on ne compte surtout pas sur un Omar Meskaoui ou sur un Walid Joumblatt pour jouer à la fois les pyromanes et les pompiers. 

(1) Titre d’un ouvrage écrit par un ex-ambassadeur de France, Paul-Marc Henry, sur la guerre du Liban.



 Home