Chronique
 
 

BENJAMIN NETANYAHU RENONCE-T-IL AU GRAND ISRAËL?

Alors que la tension en Israël et dans les territoires occupés bat son plein, Benjamin Netanyahu, lui, n’est pas à son zénith, non plus dans la meilleure situation pour négocier avec quiconque, à plus forte raison, avec Yasser Arafat, contesté qu’il se trouve, au sein de son propre parti et par l’opinion. Ce qui n’a pas échappé à un politicien aussi futé que Yasser Arafat, pour lui imposer comme à l’accoutumée, de longues et épuisantes négociations. Le Premier ministre israélien doit, tôt ou tard, sortir de cette impasse pour affirmer sa crédibilité, ce dont Yasser Arafat est fort conscient et il entend profiter des valses-hésitations de son partenaire, pour obtenir de celui-ci, fut-ce à l’arraché, des engagements précis et formels sur le retrait des forces israéliennes des territoires occupés, en application des accords d’Oslo et de Taba. Israël n’a pas honoré ses engagements, entre autres, le gel des colonies juives en Cisjordanie et Jérusalem-Est, ou le maintien de la présence juive dans le quartier de Ras-el Amoud, dans la partie arabe de la Ville-Sainte, nouveau casse-tête après celui d’Hébron; ceci enlise toute négociation concernant un règlement définitif du conflit israélo-arabe, dont le blocage reste entier. Toutefois, pour engager de nouvelles discussions, Yasser Arafat aurait exigé un calendrier précis pour les trois étapes du retrait israélien de Cisjordanie qui, selon les accords d’Oslo, auraient dû intervenir avant le 7 septembre 97. Mais Benjamin Netanyahu ne veut pas aller au-delà de l’engagement d’un retrait des zones rurales palestiniennes qui était prévu pour fin mars de l’année en cours. 
L’Administration américaine et la Communauté européenne croient que la vraie raison de ce blocage, c’est la confiance réciproque qui, jusqu’à présent, fait défaut. Elles espèrent, toutefois, surmonter ce handicap, en appelant les deux parties à Washington autour d’une table ronde à cet effet. Mais croient surtout, et d’abord, qu’il faudrait multiplier les contacts directs entre Netanyahu et Arafat, ce dernier se sachant en position de faiblesse actuellement, face à un interlocuteur aussi puissant militairement, capable de toutes les manœuvres et des coups de tête. Il se méfie profondément surtout des intentions profondes du leaders du Likoud, parti du Grand Israël, qui va de la Méditerranée au Jourdain. Or, il s’est avéré que Benjamin Netanyahu a probablement renoncé, du moins en pratique, à ce rêve qui reste cependant celui des extrémistes du Likoud. Américains et Européens voudraient qu’il parvienne à convaincre Yasser Arafat, en admettant le retrait israélien d’Hébron, en y substituant toutefois une enclave juive et en s’engageant à réaliser à son tour la prochaine étape prévue par les accords d’Oslo et l’agenda établi à Taba (34 dispositions), à savoir: l’évacuation des campagnes palestiniennes de la Cisjordanie (la Judée et la Samarie bibliques). Benjamin Netanyahu prouverait qu’il admet, effectivement, le partage du Grand Israël, tout comme Yasser Arafat accepterait le partage de la Palestine. C’est ce virement qui provoque la colère des colons juifs, divise le Likoud et le gouvernement lui-même, en faveur des frondeurs conduits par Ariel Sharon. 
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Et ce n’est pas tout. Benjamin Netanyahu va plus loin. Il compte faire ingurgiter à ses troupes l’idée d’un Etat palestinien démilitarisé certes, à souveraineté limitée. D’aucuns, dont Yehuda Lankry, ancien ambassadeur d’Israël à Paris, l’affirment publiquement: “Le partage d’Israël, dit-il, est un fait. Le seul problème, est de savoir quelles seront les frontières de ce partage”. Raison pour laquelle B. Netanyahu tient à entamer au plus tôt les négociations sur le règlement final du conflit israélo-palestinien, avant même d’avoir pris des engagements sur les ultimes étapes de l’évacuation par l’accord intérimaire; car une fois cette évacuation effectuée, l’Autorité palestinienne sera en possession de près de 80% des terres de Cisjordanie. Ainsi, les futures frontières de l’Etat palestinien seraient pratiquement tracées. 
Les Palestiniens sont d’accord pour reprendre immédiatement les négociations sur le règlement final qui porterait en l’occurrence, sur des sujets aussi délicats que Jérusalem, le sort des réfugiés etc..., mais ils voudraient être sûrs que seront appliquées parallèlement toutes les dispositions des accords d’Oslo et de Taba qui prévoient le retrait israélien de la majeure partie de la Cisjordanie. Les Américains, eux, comprennent parfaitement les préoccupations des Palestiniens, mais essaient de convaincre Yasser Arafat d’être un peu plus souple, car s’il exige dès lors de B. Netanyahu un engagement détaillé sur les phases suivantes du retrait, il risque de pousser celui-ci dans les bras des ultras, tout en contrecarrant son évolution vers le centre de la scène politique. 
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A son tour, B. Netanyahu sait que la droite nationaliste et religieuse a voté pour lui. Mais il sait, aussi, qu’il n’aurait pas gagné sans les nombreuses voix du Centre qui ont répondu à sa promesse de poursuivre le processus de paix engagé par le gouvernement travailliste. S’il doit être réélu dans quatre ans, les voix des colons et des ultras ne lui suffiront pas. C’est pour cette même raison qu’il vise le Centre, et il a pour cela le soutien des députés du Likoud groupés autour de David Levy, du parti russe, du parti de la troisième voix et du parti orthodoxe Sefarade (Shas). Yasser Arafat a de bonnes raisons de se méfier de B. Netanyahu. Celui-ci essaiera de confiner le futur Etat palestinien dans des frontières aussi étroites que possible et de réduire au minimum ses attributions. 
Tels sont les enjeux du partage de la Palestine en deux Etats: un israélien et un palestinien. Tout se passe comme si B. Netanyahu aurait fait siennes les thèses du gouvernement travailliste qui, il y a cinq ans à peine, étaient acceptées par la gauche, mais rejetées par l’immense majorité des Juifs, partisans du Likoud et tra-vaillistes confondus. Suren-chère, quadrature du cercle ou réalité? L’avenir nous le dira. 
 
  

“Le partage d’Eretz Israël est un fait. Le seul problème aujourd’hui, est de savoir quelles seront les frontières de ce partage.” 

Yehuda Lankry 
(Ancien ambassadeur d’Israël à Paris)


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