Faut-il
s’en étonner? Les Etats arabes réunis au Caire n’ont pas
été capables de s’entendre pour exercer une pression sérieuse
sur Israël. Ils ont, sans doute, renouvelé leur refus de la
“normalisation” tant que le processus de paix est bloqué; mais ce
renouvellement même d’une ancienne décision n’indique-t-il
pas que celle-ci n’est pas encore respectée également par
tous les Etats membres de la Ligue? Ils n’ont surtout pas réussi
à s’entendre pour annuler la conférence économique
prévue dans deux mois à Qatar et dont un des objets est de
permettre à Israël d’accélérer, justement, cette
“normalisation” que, par ailleurs, on affirme vouloir suspendre.
Quand Netanyahu bloque le processus de paix, c’est de l’Amérique
que les Etats arabes réclament une pression sur lui.
Pourquoi voulez-vous que l’Amérique fasse pour eux ce qu’eux-mêmes
sont impuissants à faire?
***
Cette conférence de Qatar, c’est Washington qui y tient. L’annuler,
c’est au-delà d’Israël, déplaire aux Américains.
Il n’en est pas question, surtout pour un émirat du Golfe. On laisse
ce soin à la Syrie. Et si celle-ci reçoit un certain appui
de l’Egypte et de l’Arabie séoudite, c’est peut-être que ces
deux derniers savent très bien que rien ne fera revenir Qatar sur
sa volonté de réunir cette conférence.
Ainsi, chacun tient son rôle dans cette tragi-comédie
dont la conséquence la plus notoire est d’étaler au grand
jour, une fois de plus, la paralysie des Arabes face à Israël,
de souligner le caractère factice de la solidarité arabe
et, enfin, de nourrir les rancœurs et les frustrations qui forment le terreau
des mouvements populaires de révolte.
Dès lors, pourquoi un Netanyahu se gênerait-il? Mais comment
l’Amérique, qui, elle, a d’autres responsabilités, ne mesure-t-elle
pas à quel point cette politique qu’elle soutient, fragilise les
gouvernements qu’elle veut pourtant mobiliser contre le “terrorisme”?
***
Pendant longtemps, la partie se jouait à deux: Union soviétique
et Bloc occidental dirigé par les Etats-Unis. Aujourd’hui, les Etats-Unis
tiennent toutes les cartes et n’ont plus d’adversaire qu’eux-mêmes.
Plus exactement, Israël, leur associé privilégié,
leur a fabriqué, par ses intransigeances, un adversaire insaisis-sable
et imprévisible: le “terrorisme”.
Que disait donc cette mère juive, citée ici-même
la semaine dernière, qui venait de perdre une fille de 14 ans dans
l’attentat de Jérusalem? “Tout ce que nous faisons dans les terri-toires,
c’est de produire chaque semaine quelques kamikazes potentiels de plus.
Ils sont notre miroir.”
“Notre miroir”? Qu’est-ce que cela signifie sinon que c’est Israël
lui-même qui est, non pas l’allié des Etats-Unis, mais le
véritable adversaire de sa politique officielle en Proche-Orient?
A l’ombre de cette politique déclarée, manipuler les
pions arabes pour essayer de conclure une paix aux conditions de M. Netanyahu,
ne mènera qu’à des catastrophes.
Refuser de placer Israël devant ses responsabilités et
vouloir, en même temps, ignorer les sentiments des populations frustrées,
telle est la quadrature du cercle pour Mme Albright.
Mais pour amener Washington à revoir sa politique, encore faut-il
que les gouvernements arabes présentent un front commun, fondé
sur les conditions de la paix accep-tées à Madrid. Ils ne
cessent, sans doute pas, de proclamer leur entente là-dessus mais
se laissent, en réalité, entraîner sur des voies obliques
destinées à contourner ces condi-tions pour permettre à
Israël d’échapper à ses engagements.
***
C’est une partie difficile et rendue encore plus difficile par toutes
les fautes commises depuis Madrid qui ont sapé le front arabe et
laissé libre cours aux manœuvres des adversaires d’une paix juste
et globale.
Toute l’histoire du conflit de Palestine est illustrée par les
conséquences de ce genre de politique manœuvrière qui se
retourne, finalement, contre Israël lui-même et contre la crédibilité
et les intérêts de son puissant protecteur: l’Amérique.
La crise morale qui secoue, aujourd’hui, la société israélienne
n’a apparemment pas d’échos aux Etats-Unis. Ils portent les œillères
d’un lobby juif complètement ignorant des véritables données
de la situation en Orient.
L’Amérique est si loin... Et l’Europe, si proche, n’a pas de
voix - ou pas assez pour se faire entendre. |
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