Chronique
 


De RENE AGGIOURI  

 
 
INCOHÉRENCES
Faut-il s’en étonner? Les Etats arabes réunis au Caire n’ont pas été capables de s’entendre pour exercer une pression sérieuse sur Israël. Ils ont, sans doute, renouvelé leur refus de la “normalisation” tant que le processus de paix est bloqué; mais ce renouvellement même d’une ancienne décision n’indique-t-il pas que celle-ci n’est pas encore respectée également par tous les Etats membres de la Ligue? Ils n’ont surtout pas réussi à s’entendre pour annuler la conférence économique prévue dans deux mois à Qatar et dont un des objets est de permettre à Israël d’accélérer, justement, cette “normalisation” que, par ailleurs, on affirme vouloir suspendre. 
Quand Netanyahu bloque le processus de paix, c’est de l’Amérique que les Etats arabes réclament une pression sur lui. 
Pourquoi voulez-vous que l’Amérique fasse pour eux ce qu’eux-mêmes sont impuissants à faire? 
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Cette conférence de Qatar, c’est Washington qui y tient. L’annuler, c’est au-delà d’Israël, déplaire aux Américains. Il n’en est pas question, surtout pour un émirat du Golfe. On laisse ce soin à la Syrie. Et si celle-ci reçoit un certain appui de l’Egypte et de l’Arabie séoudite, c’est peut-être que ces deux derniers savent très bien que rien ne fera revenir Qatar sur sa volonté de réunir cette conférence. 
Ainsi, chacun tient son rôle dans cette tragi-comédie dont la conséquence la plus notoire est d’étaler au grand jour, une fois de plus, la paralysie des Arabes face à Israël, de souligner le caractère factice de la solidarité arabe et, enfin, de nourrir les rancœurs et les frustrations qui forment le terreau des mouvements populaires de révolte. 
Dès lors, pourquoi un Netanyahu se gênerait-il? Mais comment l’Amérique, qui, elle, a d’autres responsabilités, ne mesure-t-elle pas à quel point cette politique qu’elle soutient, fragilise les gouvernements qu’elle veut pourtant mobiliser contre le “terrorisme”? 

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Pendant longtemps, la partie se jouait à deux: Union soviétique et Bloc occidental dirigé par les Etats-Unis. Aujourd’hui, les Etats-Unis tiennent toutes les cartes et n’ont plus d’adversaire qu’eux-mêmes. 
Plus exactement, Israël, leur associé privilégié, leur a fabriqué, par ses intransigeances, un adversaire insaisis-sable et imprévisible: le “terrorisme”. 
Que disait donc cette mère juive, citée ici-même la semaine dernière, qui venait de perdre une fille de 14 ans dans l’attentat de Jérusalem? “Tout ce que nous faisons dans les terri-toires, c’est de produire chaque semaine quelques kamikazes potentiels de plus. Ils sont notre miroir.” 
“Notre miroir”? Qu’est-ce que cela signifie sinon que c’est Israël lui-même qui est, non pas l’allié des Etats-Unis, mais le véritable adversaire de sa politique officielle en Proche-Orient? 
A l’ombre de cette politique déclarée, manipuler les pions arabes pour essayer de conclure une paix aux conditions de M. Netanyahu, ne mènera qu’à des catastrophes. 
Refuser de placer Israël devant ses responsabilités et vouloir, en même temps, ignorer les sentiments des populations frustrées, telle est la quadrature du cercle pour Mme Albright. 
Mais pour amener Washington à revoir sa politique, encore faut-il que les gouvernements arabes présentent un front commun, fondé sur les conditions de la paix accep-tées à Madrid. Ils ne cessent, sans doute pas, de proclamer leur entente là-dessus mais se laissent, en réalité, entraîner sur des voies obliques destinées à contourner ces condi-tions pour permettre à Israël d’échapper à ses engagements. 

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C’est une partie difficile et rendue encore plus difficile par toutes les fautes commises depuis Madrid qui ont sapé le front arabe et laissé libre cours aux manœuvres des adversaires d’une paix juste et globale. 
Toute l’histoire du conflit de Palestine est illustrée par les conséquences de ce genre de politique manœuvrière qui se retourne, finalement, contre Israël lui-même et contre la crédibilité et les intérêts de son puissant protecteur: l’Amérique. 
La crise morale qui secoue, aujourd’hui, la société israélienne n’a apparemment pas d’échos aux Etats-Unis. Ils portent les œillères d’un lobby juif complètement ignorant des véritables données de la situation en Orient. 
L’Amérique est si loin... Et l’Europe, si proche, n’a pas de voix - ou pas assez pour se faire entendre. 

 
 
 

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