Chronique


Par JOSE M. LABAKI  

 

BAZAR BUDGÉTAIRE ET COMBINES DE MARGOULINS?!

Le cabinet Hariri vient de boucler à l’arraché le budget de l’année comptable 1998, mijoté, truffé, amputant entre autres, quatre budgets non des moins importants tels que la Santé, la Culture, les Travaux publics et les Affaires étrangères. Les priorités fixées dans ce budget déficitaire, ont fait l’objet d’un troc net et clair entre les chefs de l’Exécutif et du Législatif pour que le bazar budgétaire soit conclu de gré à gré. L’humeur du temps n’est sans doute pas étrangère à ce chef-d’œuvre de combines.
Les Libanais ont longtemps vécu la politique du donnant-donnant, qui nous rappelle en l’occurrence, la fable de la poule et du cochon. “Tu sais, dit la poule au cochon, nous pouvons conclure un bon négoce entre nous”. “Quoi donc, dit le cochon?” Sans hésiter, la poule lui répond: “Des œufs au jambon”. Le cochon découvre que pour mener à bien cette action commune, il doit accepter d’être coupé en morceaux”. Morale de la fable: toute négociation repose sur le donnant-donnant. Comprenne qui voudra.
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Les Libanais, anxieux, s’interrogent: Comment peut-on être rassuré avec un déficit budgétaire de 8 milliards de L.L., dont le service de la dette publique constitue à lui seul la moitié?
On leur dira que le Liban créateur de richesses, le Liban des entrepreneurs, viendra au secours du Liban des temps difficiles, ceux des petites gens qui s’accrochent à une bouée de sauvetage de leurs acquis.
Toutefois, dans un monde qui roule à toute allure, où tout change spontanément, il subsiste d’étranges permanences. Le nouveau programme économico-financier établi par le tandem Hariri-Sanioura, relève d’un certain “Keynésianisme” abâtardi qui s’est soldé souvent par un échec fatal. Tout se passe, en effet, comme si le couple mentionné tente de retrouver le climat propice à faire basculer une économie déjà éprouvée, en perte de vitesse incontournable, en essayant, autant en emporte le vent, de maintenir un Etat monopoliste, végétant dans un système libéral désuet, en proie à toutes les démesures. Piètres qualités d’un mauvais entrepreneur, laissant derrière lui des erreurs et des déficits bloquant l’évolution d’une société dépourvue du rôle qu’elle pourrait jouer, si jamais elle était appelée à contribuer à des tâches productives.
Pour plus de maladresse et de confusion, on tient à appliquer, vaille que vaille, un régime d’austérité budgétaire au risque d’une dévaluation monétaire catastrophique à tous les égards. Autant dire que c’est vouloir résoudre la quadrature du cercle, car la simple annonce d’une telle mesure, entraînerait aussitôt une fuite de capitaux pire que celle des malencontreuses années de guerre.
Et l’opinion de clamer: existe-t-il encore une chance pour une planification socio-économique façonnée cahin-caha à son insu? Y a-t-il encore une marge de redressement pour une économie en mauvaise posture, démunie de ressources matérielles et financières, pour lutter contre une inflation galopante et permettre une plus juste répartition de revenus de la croissance, s’il en est une, indispensable à la qualité de la vie et l’efficacité de l’économie nationale?

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M. Hariri et consorts auront-ils élaboré un budget d’austérité pour rétablir la confiance avec l’opinion ou s’agit-il d’une offre plutôt politique dont devrait prévaloir la classe aisée, au détriment des salariés et des laissés-pour-compte qui sont en perte de confiance à l’égard d’un gouvernement qui incarne à leurs yeux un système arbitraire farci de faux-fuyants?
Ce n’est peut-être pas M. Hariri en tant que tel qui est en cause, mais le système qui laisse trop à désirer. Les Libanais en ont assez d’être administrés d’en haut par les dirigeants qui ordonnent et gaspillent aveuglément, d’encaisser les coups durs d’un système qui appelle à l’optimisme quand tout s’en va à vau l’eau. N’est-ce pas se moquer des gens que de les convaincre que pareils sortilèges pourraient encore avoir une quelconque résonance?
Faut-il que les gouvernants soient aussi surpris par la médiocre situation socio-économique pour s’en remettre aux hégémonies étrangères et mettre à chaque instant de l’ordre dans la maison et que nous soyons, en fin de compte, acculés à mettre le doigt sur notre plaie qui se gangrène?
M. Hariri est-il en train de jouer à l’embuscade? Est-ce la logique perverse d’un Exécutif tâtonnant qui a perdu l’équilibre, en se blessant avec l’arme redoutable et sacrée de l’opinion qui, au départ, lui a fait pleine confiance?
Les Libanais, dans la tourmente, s’interrogent: à quand la purge d’un système dont l’impo-pularité éclate au grand jour? Pour attaquer le mal à la racine, on ne se contente pas de crier au loup. Quand on sollicite la confiance des gens sans l’obtenir, même pas à l’arraché, il faut s’attendre à toutes les conséquences, aussi lourdes soient-elles.
Reste enfin à savoir si, dans l’état où se trouvent les Libanais, ils seront encore longtemps gouvernables?
Comment pourront-ils se réapproprier les lois et les règles qui les protègent contre les abus et les outrecuidances des responsa-bles, s’ils ne dénoncent pas, ouverte-ment, ceux qui, les enfreignant sans vergogne, les détournent à leur profit aux dépens de leurs desti-nataires, qui sont les contri-buables, puisqu’en définitive, c’est en leur nom que les lois sont promulguées? 

 
 
La manie politique de rebaptiser les
problèmes, au lieu d’œuvrer à les résoudre est un symptôme de perpétuelle vieillesse capable de les faire éclater tous à la fois.

Michel Chiha
(Politique intérieure)


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