Qui est responsable de la réforme administrative ayant figuré
en tête de liste des programmes de tous les gouvernements, depuis
l’avènement de l’indépendance, sans jamais atteindre sa finalité?
A cette question, M. Béchara Merhèje, ministre d’Etat
pour la Réforme administrative, répond que “l’assainissement
de l’Administration est une œuvre à la dimension de la patrie. En
conséquence, c’est la responsabilité du gouvernement dans
son ensemble et non celle d’un ministre.”
Quant à son action, apprenons-nous, elle se limite à
l’exécution du programme pour le développement du secteur
administratif, prévoyant la mécanisation des administrations
officielles.
M. Merhèje a bien voulu émettre son opinion à
propos d’autres problèmes de l’heure: le plan de redressement économique,
sur la base du “projet du milliard de dollars” (rejeté à
deux reprises par le Conseil des ministres), la récupération
de la nationalité par les Libanais d’outre-mer, loin des tractations
politico-confessionnelles.
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MINISTRE D’ÉTAT POUR
LA RÉFORME ADMINISTRATIVEBÉCHARA MERHÈJE:
“L’ASSAINISSEMENT DE L’ADMINISTRATION, UNE
ŒUVRE À DIMENSION NATIONALE”
LA RÉFORME, UNE ŒUVRE PERMANENTE ET
DE LONGUE HALEINE
A la question: Qui est responsable de la réforme administrative
que le Cabinet Hariri a placée en tête de son programme?,
M. Merhèje répond: “La réforme de l’Administration
étatique et son développement, sont à la dimension
de la patrie. La responsabilité en incombe donc au gouvernement
dans son ensemble, non au seul ministre en charge de la réforme.
“Les différents gouvernements ont présenté des
projets de réforme depuis l’avènement du régime d’indépendance
en 1943. Sans les douloureux événements, l’administration
aurait été réorganisée et assainie.
“Il y a lieu de préciser que le mouvement réformateur
entamé sous le mandat du président Fouad Chéhab en
1959, s’est arrêté au terme de son sexennat et n’a progressé
depuis que légèrement. Or, la réforme est une œuvre
permanente et de longue haleine.”
- Votre département est chargé d’exécuter le
programme pour le développement administratif: à quelle phase
êtes-vous arrivé et la mécanisation des services officiels
est-elle en cours?
“L’exécution du projet s’effectue sur différents axes:
D’abord, celui des études, celles de vingt ministères ayant
été achevées, parce que certains de ces derniers ont
coopéré avec nous et facilité notre tâche.
MÉCANISATION EN COURS
“Ainsi, le ministère de l’Environnement s’est prêté
à la révision de la loi sur la base de laquelle il a été
créé et a approuvé la restructuration de ses services.
“Une loi a été promulguée portant création
de l’Institut public pour l’Habitat. Un projet a été soumis,
pour approbation, au Conseil des ministres, en vue de la mise sur pied
de l’Organisme public de l’aviation. Nous nous employons, actuellement,
à l’élaboration de projets de lois en vue de la restructuration
des ministères de la Santé, des Ressources hydrauliques et
électriques, de la Culture et de l’Enseignement supérieur,
de la Direction générale de l’Urbanisme.
“Le second axe est celui de la classification des fonctions publiques.
Nous en avons fini avec les fonctions des première et seconde catégories.
“Il y a, aussi, l’axe de la réhabilitation de l’administration
et des équipements. A cet effet, nous avons élaboré
un plan pour le soutien technique, en vertu duquel les institutions publiques
seront dotées de fax, de trois cent soixante cinq appareils-photos,
de quatre cent cinquante computers livrables en novembre prochain, alors
que cinq cents fonctionnaires suivent un cycle d’entraînement dans
le domaine de l’informatique.
“Enfin, l’axe de la mécanisation prévoit l’introduction
des techniques nouvelles au ministère de l’Education nationale,
au service de la mécanique, au ministère de la Justice, au
registre foncier, au ministère de l’Economie et du Commerce.
“La mécanisation requiert beaucoup de temps et nous nous y attelons
sans répit, avec les moyens dont nous disposons.”
LA MISSION DES ORGANISMES DE CONTRÔLE
- Votre département a, également, pour mission de
superviser les activités des diverses institutions officielles et
de procéder à la réhabilitation des fonctionnaires,
ce qui suppose un contrôle continu de votre part des rouages de l’Etat...
“Le ministère de la Réforme n’a pas à superviser
les institutions officielles d’une manière directe, cette tâche
étant du ressort des organismes de contrôle, le Conseil de
la fonction publique (CFP) en tête.
“Nous prenons en charge l’entraînement technique dans un domaine
restreint, celui de l’informatique notamment, en coopération avec
le CFP.
“Puis, la lutte contre la corruption administrative est du ressort
de ces mêmes organismes, comme de la magistrature et, tout particulièrement,
le Parquet financier. Toujours est-il que nous pouvons placer l’Administration
dans le climat de l’assainissement et de la réforme.”
- Auriez-vous élaboré un plan pour combattre les pots-de-vin
dans les services publics?
“Les pots-de-vin ou ce qu’on appelle, couramment, corruption administrative,
ne se limitent pas à un Etat ou à un groupe de pays. C’est
un phénomène dont pâtissent de nombreux Etats.
“La lutte contre ce fléau exige un plan de longue portée;
autrement dit, un plan pour le développement administratif visant
à moderniser l’administration et à la faire évoluer.
Il faut, également, simplifier les formalités administratives,
relever le niveau des fonctionnaires et les motiver au double plan moral
et matériel.
“Enfin, le renforcement des organismes de contrôle et l’élargissement
de leurs attributions peuvent aider à combattre la corruption sous
toutes ses formes.”
METTRE L’ADMINISTRATION À L’ABRI DE
LA POLITIQUE
- Le principe visant à séparer la politique de l’administration
est-il applicable au Liban?
“En fait, il est demandé de mettre l’administration à
l’abri des ingérences politiques. Celles-ci sévissent, généralement,
lors de la nomination des fonctionnaires de la première catégorie
dans les institutions publiques.
“Dans ce contexte, il sied de signaler que le projet de loi relatif
à l’échelle des salaires et des échelons, prévoit
la constitution d’une commission de spécialistes ayant à
sa tête le président du Conseil de la fonction publique et
pour tâche d’étudier les dossiers des candidats aux fonctions
des première et seconde catégories.
“Il s’agit de retenir les trois meilleurs candidats pour chaque fonction,
parmi lesquels le Conseil des ministres aura à choisir. Cette proposition
renforce le Conseil de la fonction publique et constitue, à mon
avis, une évolution qualitative courageuse, en ce sens que le Conseil
des ministres cèderait à la commission des spécialistes
le droit de désigner les fonctionnaires des première et seconde
catégories.”
QUID DE LA MODERNISATION?
- Les Cabinets successifs du président Hariri se sont engagés
à moderniser l’administration et à renforcer les organismes
de contrôle. Qu’ont-ils réalisé dans ce domaine jusqu’à
ce jour?
“J’ai fait état de ce qui a été accompli jusqu’ici
au plan de la réhabilitation administrative et dans d’autres domaines;
l’opération se poursuit sans tapage.”
- Pourquoi le projet des permutations parmi les fonctionnaires de
la première catégorie, pourtant approuvé par le Conseil
des ministres, n’a-t-il pas encore reçu un début d’exécution?
“Le Conseil de la fonction publique a été chargé
d’étudier ce dossier, parce qu’il est de sa spécialisation
et j’estime impérieux d’appliquer ce projet dans le plus bref délai.”
- Le chef du gouvernement dit que l’administration étatique
souffre de trois tares: la pléthore de fonctionnaires, la corruption
et le déphasage des agents de l’Etat, en ce sens que ces derniers
ont perdu tout contact avec la réalité et ont besoin de recyclage.
Pourquoi ne pas élaborer un plan global destiné à
remédier à cet état de choses?
“Ceci est du ressort du Conseil de la fonction publique et je crois
qu’après la mise au point des cadres d’une manière définitive,
il sera possible d’assainir l’administration d’une manière rationnelle.
“Quant à la corruption, elle relève des organismes de
contrôle: l’Inspection centrale, la Cour des comptes et les instances
judiciaires.
“En ce qui concerne le recyclage des fonctionnaires, il incombe à
l’Institut national pour l’administration et le développement. Nous
contribuons à une partie de cette opération, en ce qui concerne
l’initiation à l’utilisation du computer. D’ailleurs, les techniques
modernes sont introduites, progressivement, dans les administrations publiques,
ce qui favorisera une évolution qualitative dans les services publics.”
QU’EN EST-IL DES DÉPENSES ET DU GASPILLAGE?
- Après le “plan du milliard” dont le montant a été
ramené à 800 millions, le gouvernement majore les impôts
et taxes. Pourquoi ne procèderait-il pas plutôt à la
réduction des dépenses et à l’arrêt du gaspillage?
“Je ne crois pas que deux Libanais soient en désaccord sur la
concrétisation du “plan du milliard” qui est une nécessité
vitale, puisqu’il concerne des questions touchant à la stabilité
socio-économique.
“Les citoyens veulent accélérer le retour des personnes
déplacées, souhaitent ardemment le développement des
régions rurales, le relèvement du niveau de l’école
publique, de l’enseignement professionnel et technique, de même que
le renforcement du secteur sanitaire.
“Les divergences portent, essentiellement, sur le mode de financement.
Or, le gouvernement n’a d’autre choix que de recourir à l’emprunt
à long terme; de relever les impôts et taxes ou de combiner
les deux formules. Nous avons conscience des dangers pouvant découler
de cette double option. Aussi, estimons-nous que les prêts doivent
être obtenus à des taux réduits et à long terme,
de manière à ce que leur remboursement s’étale sur
plusieurs générations de Libanais.
“Quant aux impôts et taxes, ils doivent être étudiés,
afin de ne pas surcharger les citoyens de condition modeste et à
revenu limité. Nous préconisons la recherche d’autres sources
de financement, notamment les domaines maritimes, l’exploitation des biens
publics et des municipalités.”
AUTOUR DE LA NATURALISATION DES ÉMIGRÉS
- Qu’auriez-vous à dire à propos de l’idée
du chef de l’Etat visant à restituer la nationalité aux Libanais
d’outre-mer, ceci ayant pour but, selon certains milieux, de rétablir
le déséquilibre démographique provoqué par
le décret de naturalisation promulgué au temps où
vous déteniez le portefeuille de l’Intérieur?
“La reprise de la nationalité par les émigrés
attachés à leur origine et à leur identité
ne pose aucun problème. Quant à ceux qui ont été
privés de ce droit par le traité de Lausanne (de 1924), l’Etat
leur a fourni maintes fois l’occasion de récupérer la nationalité;
leur cas ne se pose donc plus.
“Les émigrés qui se sont expatriés après
1924, pourraient avoir renoncé à leur nationalité,
conformément aux lois des pays où ils sont établis
et n’ont pas enregistré leurs enfants auprès des consulats
libanais. Ceux parmi eux qui ont conservé un extrait de l’état-civil,
peuvent obtenir la nationalité par le canal de la Justice ou en
vertu de décrets.
“La proposition présidentielle devrait être étudiée
dans un climat paisible, loin de toute considération d’ordre confessionnel.
Au cours d’une récente visite au Canada, j’ai pris connaissance
à l’ambassade du Liban à Ottawa, des registres prouvant que
les émigrés obtiennent avec facilité les documents
de naissance et les extraits d’état-civil, les formalités
étant accomplies maintenant au moyen du computer.
“Les services qualifiés de l’ambassade accordent plus de trois
mille attestations à des descendants de Libanais leur permettant
d’obtenir la nationalité ou tous autres documents officiels. Parfois,
des plaintes sont formulées sur le retard mis à achever les
formalités et ceci nous incite à trouver une solution à
ce problème.”
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