Saturnale

Par MARY YAZBECK AZOURY  
HÉLAS! LE LIBAN N’EST PAS UN PAYS PÉTROLIER!
L’enfer est pavé de bonnes intentions.
Rafic Hariri en a d’excellentes.
Il veut faire du Liban un pays super moderne, doté de palaces, de réseaux routiers, d’aéroports, de complexes touristiques, une grande place financière, etc...
Il veut cela vite et bien! A l’exemple des pays pétroliers!
Il oublie une chose!
Le Liban n’est pas un pays pétrolier!
Dans les pays pétroliers, quand on veut faire vite, on paie le double ou le triple du prix demandé, car le temps c’est de l’argent.
La construction d’un palais de 1 milliard de dollars exige un an... On paie 3 milliards pour l’avoir en trois mois. Le pétrole est là sous les pieds. Un, deux, trois milliards de dollars peu importe, tant que le pétrole est roi, tant que le pétrole est  là... Pas de problèmes!
Mais au Liban?
Le grand problème c’est que le Liban n’a pas de gisements pétrolifères. On paie donc double et triple certains projets et des fonctionnaires “hors cadre” choisis parmi les “fidèles”... C’est bien, quand on paie tout cela de sa propre poche, mais quand on les paie de la poche du malheureux contribuable, rien ne va plus.
Or, on a fait croire aux naïfs libanais tout au début de la période “haririenne” (qu’on nous permette cet adjectif) que c’est Rafic Hariri qui payait de ses propres deniers... Puis, on s’est rendu compte que c’est le peuple qui payait.
L’argent ne sortait pas des caisses “haririennes” malgré la légende contraire. Mais il sortait bien et continue à sortir de la poche des malheureux libanais matraqués de taxes indirectes.
Aujourd’hui, tout le Liban s’en rend compte!
Les dépenses luxueuses, les voyages somptueux, les palaces des mille et une nuits, les tournées spectaculaires, les invitations hollywoodiennes, c’est le Libanais qui les paie.
Et maintenant il en a assez de payer.
C’est un peu tard, mais mieux vaut tard que jamais.
Le style “haririen” adopté, aussi, par tous les responsables (il faut bien en convenir) le style de la IIème République a certainement beaucoup de panache. Mais il faut y mettre un terme!
Trop, c’est trop.
***
DIES IRAE
“Jour de colère.
... “Quelle ne sera pas la terreur lorsque le Juge se présentera pour tout scruter avec rigueur...”
Mais les responsables libanais s’en moquent...
Pour l’instant, ils jouissent de tout, ne se privent de rien et passent outre les critiques. Le bulldozer est en marche.
Les conseillers sont là pour leur conseiller de poursuivre. Car au cas où ils conseilleront des choses qui déplaisent à leurs maîtres, ils ne seront plus conseillers.
Ils leur cachent le déplaisir des citoyens, leur cachent tout ce qui pourrait gâcher leur bonheur. Ce sont les thuriféraires payés grassement par les... Libanais.
Aucune plainte, ne peut atteindre ces responsables, car leur entourage occulte tout ce qui n’est pas à leur avantage, tout ce qui peut les troubler.
Jusqu’à quand durera ce manège?
Jusqu’au jour de colère... Non pas du Très-Haut, mais d’un peuple qui a atteint le raz-le-bol qui, n’ayant plus rien à perdre, se risquera à se révolter.
Et ce ne sera plus une simple révolte, mais une révolution.
***
“LE CHŒUR DES HÉBREUX”
Pauvres, pauvres Libanais... Ils sont menés par le bout du nez par des ignares qui poussent de hauts cris pour une bêtise, en criant au lèse majesté, au sacrilège (à propos d’un ballon portant un certain drapeau).
Une des plus belles publicités qui passe sur tous les écrans, a pour fond musical, “le Chœur des Hébreux” de l’opéra Nabucco, de Verdi.
Heureusement qu’il ne s’est pas trouvé encore un imbécile de censeur pour se plaindre que c’est à la Gloire de nos ennemis et de l’interdire. En attendant, “le Chœur des Hébreux” continue à chanter la liberté et à enchanter les amateurs de belle musique.
***
“QUAND LE BÂTIMENT VA...”
Rien ne va plus.
Le bâtiment au Liban, en tant que tours en béton, se porte parfaitement bien.
Même en montagne, on voit surgir ces horreurs à des prix faramineux, prohibitifs.
Même si une large proportion de ces bâtiments n’est pas habitée, qu’importe! Le bâtiment va très bien...
Or, l’aphorisme véritable est “Quand le bâtiment va... tout va.” Devenu proverbe, il résulte d’un discours de Martin Nadaud, ancien ouvrier maçon, député à l’Assemblée législative en 1849. C’est lui qui a lancé ce fameux cri....
Au Liban, tout se passe à l’envers. Le Liban est l’exception qui confirme la règle..!
Mais il ne faut pas être trop pessimiste, “Le pire n’est point, tant que nous pouvons dire: Voici le pire”. Et l’auteur n’en est pas le signataire des Saturnales, mais Shakespeare, dans “Le Roi Lear”.
***
“SEUL LE SILENCE EST GRAND”
Le Musée Historique National de Moscou qui a ouvert ses portes, il y a deux semaines, sur la Place Rouge du Kremlin, après plusieurs années de travaux, ignore complètement la période soviétique. Il expose pompeusement l’Histoire du Grand Empire Russe dont la nouvelle Russie est si nostalgique.
Or, pendant 74 ans, de 1917 à 1991, l’Histoire a commencé pour les Soviétiques avec la Révolution de 1917, présentée comme l’”Aube de l’Humanité”. Les écoliers consacraient aux sept décennies soviétiques plusieurs années d’études émaillées de discours de Lénine, de Karl Marx et des dirigeants de l’”heure”... Et une année seulement pour la période allant de la préhistoire jusqu’en 1917.
Aujourd’hui, pour un grand nombre de Russes, c’est le jour de la vengeance: ils veulent oublier le “cauchemar” soviétique.
A toutes les critiques émanant des nostalgiques du communisme (et il y en a), le directeur du Musée Alexandre Chkourko explique que “l’Histoire demande du recul”.
Cela s’applique, aussi, au Liban. Les jeunes Libanais n’ont pas de livre d’histoire libanaise contemporaine et pour cause... Comment écrire l’Histoire du Liban de 1975 à nos jours?
Ce n’est pas assez de dire “c’est la guerre des autres” et de s’en laver les mains! Sans doute, guerre des autres, mais adoptée et patronnée largement par des Libanais. Or, il suffit d’un mot, d’un adjectif, pour déclencher les haines, pour rouvrir les plaies non encore cicatrisées.
Donc que faire? Peut-être, il serait bon de se limiter à certains faits indiscutables, sans commentaires et sans analyse, en attendant le jour où l’on trouvera un comité d’auteurs objectifs, qui pourraient écrire l’Histoire de ces années tragiques.
Aujourd’hui, imitons les Russes en disant:
“Seul le silence est grand...” 
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