L’HISTOIRE RACONTÉE PAR WALID BEY |
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Réuni
en catastrophe pour faire face à la rébellion ouverte de
la classe politique, au vent de front qui souffle sur une partie des ministres,
au raz de marée de la contestation, au grondement des défavorisés
et des démunis, le Conseil des ministres est ressorti avec une décision
majeure: la suppression des titres honorifiques, héritage de l’empire
ottoman. Réjouissez-vous, bonnes gens, après des siècles
d’occupation, notre territoire vient enfin d’être libéré
du joug de la Sublime Porte.
Désormais - souveraineté récupérée oblige - plus de “Fakhamet al-Raïs” (traduit littéralement: Sa Somptuosité), plus de “Dawltou” (Sa Puissance), plus de “Maali al-Wazir” (Sa Hauteur), plus même le moindre “Saadat” (Son Bonheur, mais qui ne fait pas le nôtre). Il n’y aura plus que “Sayed” pour tout le monde. Y compris pour ceux qui ne le sont pas. Car n’est pas sayed qui prétend l’être. Il ne faut surtout pas oublier de prendre en compte la déception que pourraient ressentir nos deux vice-présidents qui, sans le dawltou sombreraient dans un anonymat dont ils ont eu toutes les peines du monde à en sortir. Il faut dire, aussi, que tout le monde ne partage pas le même souci, Walid Joumblatt, par exemple. Il n’a pas besoin, d’un titre, lui, pour se faire remarquer. Il a suffisamment d’actions d’éclat à son actif pour émerger du lot. Ce qui le préoccupe, ce serait plutôt la place que lui et les siens occuperont dans l’Histoire. Nous avons tous entendu le seigneur de Moukhtara réclamer à cor et à cri un nouveau manuel d’Histoire qui tienne compte de la “vérité historique”. Mais personne ne soupçonnait que la “vérité historique” de M. Joumblatt commençait par l’émir Fakhreddine II. Evidemment, tout le pays savait - depuis qu’il avait confisqué Beiteddine - qu’il avait une dent et même tout un râtelier, contre l’émir Bachir, à cause de l’inimitié qui l’opposait à Bachir Joumblatt. Mais on imagine mal ce qui pousse sayed Walid à s’en prendre à Fakhreddine. En effet, dans une interview accordée à “La Revue du Liban”, notre ministre des Déplacés déclare: “- Je considère Fakhreddine al-Maani comme ayant trahi la cause arabe et islamique. C’est un traître et non un héros national. Il en est de même de Bachir al-Chéhabi”. Pour Bachir al-Chéhabi, nous savons déjà de quel péché il s’est rendu coupable. Mais qu’en est-il de Fakhreddine? Il paraît qu’il s’était trouvé en conflit avec Ali Joumblatt, après avoir été son allié. C’est, sans doute, ce genre d’arrogance qui lui vaut aujourd’hui d’être accusé de “maronitisme politique” et de traîtrise envers l’Islam et l’arabisme. En un mot, cette disqualification devrait former la trame essentielle de nos nouveaux manuels d’Histoire - récrits par le représentant actuel de la dynastie, en même temps que porte-parole inspiré d’un milliard de musulmans et de 300 millions d’Arabes. Ainsi en est-il et les puissances du mal ne prévaudront pas contre lui. Que ceux qui se bercent encore de fausses illusions ne se demandent plus qui peuvent bien être ces puissances des ténèbres contre lesquelles Walid bey (c’est encore un titre ottoman) se déchaîne régulièrement jusqu’à l’apoplexie. Y aurait-il, à ses yeux, une espèce pire que les chrétiens et, plus particulièrement, les maronites?! A une question faisant mention des relations historiques qui ont toujours existé, dans la Montagne, entre chrétiens et druzes, il va encore plus loin pour rectifier: “- Il n’y a pas de relations historiques, ceci est un leurre. Quand les druzes ont été battus en 1860 avec les Joumblatt, Moukhtara a été transformé, grâce à l’impérialisme français et au maronitisme politique en prison. Comment parler de relations privilégiées quand les Ordres des moines ont fait main basse sur les biens-fonds des druzes?” Et pourtant, c’est bien sous le mandat français et grâce à l’appui sans faille de l’archevêque maronite, Mgr Augustin Boustany, que la grand-mère de Walid Joumblatt, sitt Nazira, est devenue le leader incontesté de la Montagne, aussi bien des druzes que des chrétiens. Pour ce qui est du vol des biens-fonds druzes par les moines maronites, le maître actuel de Moukhtara s’inscrit en faux contre les déclarations de son père Kamal Joumblatt selon lesquelles les chrétiens seraient venus au Chouf parce que les Joumblatt leur avaient offert des terres à cultiver et sur lesquelles ils avaient le droit de bâtir maisons, couvents, écoles et églises. Il faudrait donc s’entendre: sont-ils venus en invités privilégiés où en conquérants sanguinaires auprès desquels Attila et ses Huns feraient figure de premier prix d’honneur? Enfin, pour laisser le dernier mot à sayed Walid: “Ce pays n’est pas une patrie. C’est un conglomérat de tribus”... Là, il parle en expert hautement qualifié. A l’entendre donc parler en termes de ségrégation confessionnelle et à le voir agir en nostalgique de la guerre, nous aurions du mal à le démentir. |
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