“LE SMOG DE LOS ANGELES”
INFESTE BEYROUTH
Le lundi
13 octobre, une aube livide et grise dominait notre capitale et sa grande
banlieue, recouvertes d’un immense nuage brun opaque s’étendant
vers la mer et, surtout, vers l’embouchure de Nahr el-Kalb.
Le temps était très chaud; pas un souffle de vent
ne venait rafraîchir les poumons des milliers de Libanais qui,
très tôt ce matin, descendaient vers leur capitale
pour vaquer à leurs occupations.
Beyrouth à peine visible, baigne dans son
“smog” photochimique toxique.
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L’incinérateur de la Quarantaine en pleine
action à proximité du port touristique du Grand Beyrouth.
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Nuage opaque blanc dû au fonctionnement
continu des carrières et asphalteuses de Nahr el-Mot, aux portes
de la capitale.
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ATMOSPHÈRE POUSSIÉREUSE, PUANTE
ET IRRITANTE
Les premiers arrivés de la montagne proche sur les routes principales
ou les autoroutes du littoral, étaient surpris par un air puant
et corrosif qui, au niveau des yeux, provoquait un larmoiement douloureux,
accompagné d’une rhinite, symptôme d’un nez qui coule.
Ces syndrômes préliminaires étaient suivis d’une
oppression respiratoire marquée par des quintes de toux incoercibles,
surtout chez les enfants. Les personnes âgées ressentaient
une sensation d’étouffement, accompagnée d’un asthme bronchique
très pénible pour les cardiaques.
Cette pathologie oculaire, nasale et respiratoire, avait atteint les
citadins et les habitants de la banlieue éloignée. Nous avions
déjà fait ces mêmes constatations en octobre 1992 avec
le professeur Francis Elias el-Khoury, responsable du département
de pneumologie à l’Hôtel-Dieu de France. Il s’agissait, alors,
de lésions et d’insuffisances broncho-pulmonaires respiratoires,
provoquées par le même phénomène d’inversion
de température polluant, accompagné par l’inhalation forcée
de gaz nocifs émis par des carburants frelatés utilisés
en ce temps-là au Liban.
Un rapport conjoint préparé avec cet éminent pneumologue
et adressé au ministre du Pétrole, a remis les choses en
place, en renvoyant à l’expéditeur toute la cargaison de
cette essence toxique...
Le Dr Francis el-Khoury recontacté à nouveau sur ces
états d’oppressions respiratoires actuelles, a confirmé la
nocivité de ce nuage polluant recouvrant Beyrouth et ses faubourgs.
De plus, il approuvé les mesures préventives curatives
que nous avions proposées.
Pour les syndromes-type: rhinites ophtalmies, céphalées
et même allergies cutanées, nous avons contacté un
médecin très expérimenté; le Dr Annibal Moumdjian
qui, après étude, nous a donné son avis éco-médial
sur lequel nous nous sommes basés pour présenter les mesures
préventives et celles des premiers soins.
L’incinération abusive de pneus de camions
au-dessous de Roumié.
MESURES DE PROTECTION ET DE TRAITEMENT
Nous citons le lavage à grande eau des yeux irrités et
l’application, sur le visage, d’un linge imbibé d’eau bicarbonatée,
qui sera ensuite placé sur le cou, les épaules, les bras
irrités par cette rosée matinale corrosive.
Dans les cas plus graves, il faut s’adresser, pour chaque cas, à
des médecins spécialisés.
Dans les pharmacies, nous avons remarqué sur perscription médicale,
la livraison de bains et gouttes oculaires, ainsi que de gouttes nasales,
de sirops anti-tussifs et décongestionnants, de lotions et crèmes
traitant les brûlures et les allergies cutanées,
Quant à l’origine de ces amas gigantesques de particules et
de gaz irritants, nous l’avions étudiée depuis une semaine
avec notre collègue, le Dr Wilson Rizk, suivant la méthodologie
scientifique appliquée dans ce cas, avec l’esprit du “Programme
des Nation Unies pour l’Environnement (PNUE), organisme mondial le plus
qualifié pour ces recherches éco-toxicologiques.
Tout a commencé par l’arrivée soudaine, le soir du dimanche
12 octobre, d’un vent poussiéreux et chaud émanant des zones
désertiques africaines. Suivi d’une période d’inversion de
température, qui a accumulé sous un grand dais atmosphérique
d’air froid situé à quelques centaines de mètres de
haut, une couche paradoxalement chaude mais très dense, car saturée
de particules de poussières et de suies, ainsi que de gaz polluants
de diverses origines, ceux des incinérateurs de déchets solides,
des malaxeuses - asphalteuses, des cheminées des usines industrielle
ou des stations thermo-électriques. Avec, de plus, les poussières
de certaines carrières fonctionnant encore.
Et, surtout, les gaz et suies particulaires résultant d’une
circulation intense et anarchique aux entrées de notre capitale.
L’inconcevable dépotoir du “jurd” d’Ouyoune
al-Simane à 2500 mètres d’altitude.
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Les camions transportant du gravier, de l’asphalte
ou de l’idéalite devraient circuler la nuit.
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CIRCULATION ET POLLUTION À ÉTUDIER
Pour ce dernier cas, une étude détaillée où
ce sujet nous a été gracieusement offerte avec une collaboration
anglo-canadienne par M. William Zard Aboujaoudé, écologiste
convaincu. Ce document précieux comprend des listes individuelles
de tous les gaz et particules rejetés par la circulation automobile
sur l’autoroute, limité, depuis Nahr el-Kalb jusqu’à Beyrouth
et ses rues principales. Avec la densité de la circulation accompagnée
à chaque instant de l’indice en microgrammes, par mètre cube,
de tous lez gaz et particules émis, cités plus haut.
Nous supposons que cette analyse de l’air ambiant a été
effectuée par un mini-laboratoire électronique muni de différents
capteurs placés presqu’au niveau du sol, dits “à proximité”.
Avec un enregistrement numérique des gaz du type monoxyde de carbone
CO, ou bioxyde de carbone (CO2) ou ozone (O3), oxydes d’azote (NOx), hydrocarbures
(HC) dioxyde de soufre (SO2), ou particules métalliques type plomb
(Pb)....
LE “SMOG” PHOTOCHIMIQUE, FORMATION DU “PAN”
Tous ces polluants: gaz carbonique, monoxyde de carbone, ozone, oxydes
d’azote, oxydes de soufre, mercaptan et méthane, benzopyrène,
hydrocarbures (benzène, tolluène), suies et particules métalliques
emprisonnées, étroitement, dans ce nuage chaud vont, sous
l’action des ardents rayons solaires, se combiner entre eux comme dans
une “marmite de sorcière” et donner naissance à l’un des
plus dangereux gaz de notre planète, le “PAN” (Peroxy - acetyl-nitrate)
aussi dangereux que la redoutable dioxyne.
Ce gaz qui a des doses infinitésimales, donne cette odeur dite
de gaz, brûle les yeux et enflamme les paupières, produit
des rhinites, provoque des insuffisances et des congestions pulmonaires,
tout en irritant souvent gravement la peau.
Ce PAN est un agent à action cancérogène imprévisible,
débutant en ce sens et éliminant, graduellement, toutes nos
défenses immunologiques.
Il se cache dans ce nuage brun caustique où il s’est formé
qu’on appelle “smog photochimique de Los Angeles” détecté
pour la première fois dans cette ville de Californie dans les années
70.
Celui d’Athènes, formé il y a quatre ans a été
nommé “Nephos”.
De quel nom va-t-on baptiser celui de Beyrouth apparu à trois
reprises: en 1992 et en 1997?
FIN DE L’ÉPISODE ET CONCLUSION
Ce vendredi 17 octobre, le “smog” beyrouthin commence à perdre
de sa nocivité maximale. Mais le soir, avec un abaissement de la
température et les quelques gouttes d’un début d’orage, un
dernier sursaut a secoué cette immonde “bête” atmosphérique.
Une odeur puante et irritative insoutenable s’est dégagée
sondainement entre Bourj-Hammoud et Antélias.
Il faudrait ajouter un facteur important; celui de nos égouts
dont la plupart coulent à l’air libre et qui ont répandu,
en ce début d’orage, des quantités considérables de
gaz du type mercaptan (hydrocarbure sulfuré toxique), hydrogène
sulfuré reconnaissables à leur odeur aillacée et d’œufs
pourris.
Espérons que de fortes précipitations de pluies libèreront
le Liban et sa capitale de cette gangue très polluante et toxique
qui nous axphixe depuis presque une semaine.
En conclusion, nous demandons à M. Akram Chéhayeb, ministre
de l’Environnement, quelques mesures drastiques indispensables:
- Arrêter et réhabiliter nos principaux dépotoirs
non contrôlés, dont ceux d’Ouyoune el-Simane et du fleuve
Abou-Ali.
Pour celui de Bourj-Hammoud, il doit être traité, car
avec l’humidité hivernale, il va recommencer à puer.
- Arrêter les incinérations d’ordures. M. Chéhayeb
a arrêté l’incinération d’Amroussié et le mercredi
15 octobre a fermé celui de la Quarantaine en pleine tourmente toxique.
Il faut continuer au niveau des incinérations anarchiques des
ordures dont les pneus de voitures.
- Arrêter le jour et, surtout la nuit, le fonctionnement des
carrières et des malaxeuses asphalteuses très polluantes
et poussièreuses de Nahr el-Mot.
- Vérifier la qualité de nos carburants.
- Solutionner le problème lancinant des embouillages monstres
matinaux très polluants. Pourquoi ne pas avoir recours à
la circulation alternée?
- Contrôler la vétusté des véhicules au
parc automobile. Vérifier le bon fonctionnement des milliers de
générateurs électriques très polluants.
- Exiger la présence de filtres techniques valables sur les
cheminées des usines et stations thermo-électriques.
- Enfin, trouver rapidement une solution au problème de nos
eaux d’égouts mal collectées qui contaminent nos eaux et
dégagent des odeurs insoutenables en pleine ville.
- Cesser de faire du compostage très malodorant d’ordures ménagères
près des zones résidentielles comme à Marmalé,
Amroussié et à la Quarantaine...
Pour un Liban propre et vert.
PIERRE MALYCHEF
“Global 500 Forum” de l’UNEP
WILSON RIZK “Groupe Liban Vert”
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