Invité par la librairie “Sélection” afin de présenter
son dernier ouvrage “La légende de demain”, il a préféré
s’adresser “à ceux qui préparent leur vie”, tout en “demandant
pardon” aux autres.
Au programme, des matières, comme les mathématiques,
outil suprême pour l’étude statistique des populations; la
biologie, pour aborder le thème d’actualité qu’est le patrimoine
génétique, ou encore, l’Histoire, mais pas n’importe laquelle,
puisque c’est l’histoire de l’évolution qu’Albert Jacquard a parcourue,
celle qui ne remonte pas à moins de 3 milliards d’années.
En une heure de temps, il a remonté le temps, traversé
l’espace, révisé toutes les découvertes scientifiques,
pour, enfin, situer notre époque - “révolutionnaire” et mettre
le point sur la complexité de l’homme, principale source de richesse
du monde de demain.
Discours plein d’images et de simplicité mais, surtout, d’humour,
puisque visant un public de jeunes.
Extraits d’une leçon... A retenir.
Rompre avec les traditions, tel est le thème de “La légende
de demain”. Et qui dit traditions, dit héritage du passé.
Passé qu’Albert Jacquard a retracé, afin de pouvoir situer
notre époque et de la qualifier de “révolutionnaire”, puisqu’elle
assiste à la transformation d’un grand nombre de choses. “Les jeunes
d’aujourd’hui, affirme-t-il, ont la chance de vivre dans une telle période”.
Période où toutes sortes de choses sont révisées,
redéfinies: “L’électron qui était présenté
aux élèves de mon temps, comme étant un grain de sable
est, aujourd’hui, défini comme un paquet d’ondes”.
Nouvelles découvertes, nouvelles techniques et nouveaux mots
mais, aussi, nouveaux concepts, revus et corrigés, au fur et à
mesure de l’évolution du génie de l’homme, tel le temps,
autrefois défini comme étant “une sorte d’horloge suisse
sur les genoux du créateur”, réduit “au nombre de tic-tac
qui s’écoulent pendant la durée d’un événement”
et qui se retrouve complètement bouleversé par la découverte
de la relativité, en 1905, par Einstein. La notion de temps perd,
alors, son caractère absolu et devient, “indissociable des mouvements
de l’espace”.
Plus tard, Einstein affirmera que le temps diminue au fur et à
mesure qu’on approche d’une masse.
Ne perdant toujours pas le fil de ses idées, l’auteur poursuit,
en précisant l’importance du “Big Bang” et les conséquences
qu’a eues cet événement sur le même concept du temps,
en introduisant la notion du temps “créateur”, puisque ce “dernier
n’existe que parce que des événements ont lieu”. Avant le
Big Bang, “Rien n’existait”, affirme-t-il.
Albert Jacquard prononce, alors, le mot-clé de sa conférence:
“Complexité”, “puisque tout se fait par un élan de complexité”,
explique-t-il, avant d’illustrer son idée par un exemple des plus
schématiques, ne manquant pas d’humour, celui du noyau d’Hélium.
“Un noyau d’Hélium ne sait rien faire à lui tout seul.
Mais avec l’apparition des forces et des interactions subtiles, un pouvoir
inattendu peut naître lorsque trois noyaux d’Hélium se réunissent.
C’est l’apparition de l’atome de carbone qui sait tout faire”.
Cette idée de la complexité, Albert Jacquard la développe
de nouveau, en racontant “l’histoire de l’A.D.N”, cette structure “hyper-complexe”,
née il y a des milliards d’années qui “respire”, “digère”
et “vit”.
Que veut dire vivre et être vivant?, s’interroge-t-il avant de
répondre: “Rien. Il y a une continuité entre l’inerte et
le vivant”.
Et c’est justement cette absence de barrière entre l’inerte
et le vivant qui provoque, ce que Albert Jacquard appelle: “la vision d’un
monde fait de complexité”.
Complexité qui est à la base de l’événement
avec un grand E: la procréation. La production sexuée ainsi
introduite, il se lance dans une tirade des plus amusantes. “Quelle drôle
d’idée de se mettre à deux pour en faire un troisième”
sur le hasard génétique.
Calcul de probabilités à l’appui et formules statistiques
(10 300 Log 2 spermes par être humain), tellement chères à
ce diplômé de l’X (Ecole polytechnique), nous voilà
arrivés à la naissance du “chef-d’œuvre de l’Univers”, “champion
de la complexité”: L’être humain (“Moi”! plaisante Albert
Jacquard).
Puis, passant aux choses non moins sérieuses, il affirme que
les deux plus grands exploits de l’être humain sont la science, ultime
outil de libération et la création d’un réseau d’interaction
et de mise en commun avec les autres qu’est le langage.
“Le monde de demain ne doit pas ressembler au monde d’aujourd’hui”,
explique-t-il, car il faut comprendre que notre terre est limitée
et qu’il ne faudra pas la détruire”.
“Ceci est possible en changeant la vision de l’homme, en changeant
son regard sur l’autre. Cet autre qu’il doit regarder, non comme un obstacle,
mais comme une source de richesse et d’échange. La compétition
est suicidaire!”
Puis, se reprenant, il avoue: “C’est utopique, oui! mais je continue
à croire qu’il est possible de changer le monde, grâce à
chacun de nous, à travers sa construction d’un tissu sans
fin avec l’autre”.
Et il conclut par une citation de Machiavel: “Prince, si tu veux la
révolution, fais-la”, avant d’ajouter: “Nous sommes les princes
de la terre”.
Superbe leçon d’optimisme. En attendant que les princes - têtes
couronnées ou pas - écoutent l’appel..