Chronique


Par JOSE M. LABAKI  

 

AMÉRICANUS IMPERIUM

Et d’ajouter: “son orgueil, son agressivité, sa xénophobie et ses ambitions planétaires continuent à fonctionner au quotidien. Le danger qu’elle fait courir au nouvel ordre mondial, a bien mis en évidence son inefficacité.”
Confrontée à l’intransigeance irakienne d’empêcher la commission onusienne d’effectuer des investigations sur les armes bactériologiques, chimiques et nucléaires; d’expulser les experts américains dans la dite commission; d’abattre en l’occurrence l’avion de reconnaissance américain U2 effectuant des vols à haute altitude pour le compte de l’ONU; et après l’échec de la délégation onusienne de convaincre le régime irakien de revenir sur sa décision, en dépit de l’hostilité de ses partenaires à toute escalade militaire contre l’Irak, l’administration “clintonienne” semble vouloir faire seule le va-t’en guerre! En effet, jusqu’à la fin de la guerre froide en 1991, la hantise américaine d’une menace menée par les Etats du tiers-monde, les “régimes parias” comme il plaît aux tenors du Pentagone de les appeler, une mise en garde s’avérait impérative, face à l’émergence d’un éventuel concurrent potentiel avec une grande possibilité de l’emporter. La priorité était donc au maintien d’une machine de guerre tous azimuts pour affronter deux conflits régionaux non des moins inquiétants, l’un avec la Russie à cause des ressources pétrolières en Mer Caspienne, et l’autre avec le Japon, pour garantir la navigation en Mer de Chine.
L’opinion scandalisée s’interroge: les scénarios américains de cette fin de siècle sont-ils l’œuvre des stratèges américains ou de la CIA?
De toute évidence, la stratégie militaire américaine va bon train. Le Congrès, lui, ne reste pas les mains croisées, toujours aux aguets, contre toute menace en provenance des “régimes parias” et celles qui viendraient principalement de la Russie et de la Chine, raisons pour lesquelles le budget militaire américain devrait se maintenir toujours à l’échelle de ces risques.
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Depuis l’effondrement de l’Union soviétique, les Américains s’activent sans relâche, à identifier le “nouvel adversaire”, afin de le contourner, stratégiquement et logistiquement, travail de titan. Depuis une décennie ou peu s’en faut, le Pentagone se mobilise à cet effet. La guerre du Golfe en 1990, était un signe avant-coureur de la persistante stratégie téléguidée contre tout obstacle aux intérêts américains dans le monde, venant surtout de pays hostiles à l’Occident, arguant que pour y faire face, les Etats-Unis devraient maintenir une force militaire à tous crins. Cette insistance, a beau satisfaire le président Clinton et son ministre de la Défense, William Cohen, elle n’a pourtant pas convaincu ceux qui, au Pentagone et au Congrès croient que la menace des régimes parias n’était pas suffisamment convaincante pour assurer d’aussi importants budgets militaires. L’Amérique devrait se méfier plutôt d’autres adversaires plus potentiels et plus redoutables, éventuellement, la Russie et la Chine.
Le risque d’une nouvelle guerre froide, les rapports russo-américains et sino-américains n’étant pas au zénith, peuvent à tout moment créer un climat de défiance à l’égard de ces concurrents potentiels. Un durcissement chinois sur Taïwan et la Mer de Chine, un autre que la Russie ferait sur l’exploitation pétrolière en Mer Caspienne, commencent à influencer les stratèges américains, allant jusqu’à remettre en cause les anciens postulats stratégiques et à une intensification de la diplomatie américaine de plus en plus manifeste, prête à la confrontation, avec Saddam Hussein ou quiconque oserait toucher aux intérêts des Etats-Unis.

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Sommes-nous à la veille d’un ordre mondial à sens unique et sans contrepoids? L’Américanus Imperium, revient-il avec force envers et contre tous?
La résistance à l’hégémonie américaine suppose la création d’un contrepoids capable de prendre la relève. C’est à l’Europe unie qu’il incombe de l’entreprendre. Depuis le début du siècle, les Etats-Unis se sont attribué le monopole de l’emploi de la force à l’échelle planétaire, à la conquête d’une légitimité, fut-elle à l’arraché. On en constate les effets dans les accords d’ALENA, du GATT et dans l’organisation mondiale du commerce (OMC) où la diplomatie américaine, à son corps défendant, joue toutes les cartes, aussi hasardeuses fussent-elles.
Si un tel climat de défiance continue à prévaloir à l’encontre de concurrents potentiels ou autres, toute la donne internationale serait remise en question. Le risque d’une nouvelle guerre froide et l’apparition de symptômes conflictuels internationaux ne devraient pas être exclus.
Dans la pire des hypothèses, verrons-nous demain un monde en perte d’équilibre, où l’Amérique dicte ses lois technologiques, culturelles et militaires, le tout soutenu par une realpolitik à multiples facettes, aux débordements et aux incartades de laquelle il va falloir mettre un terme? Le chantage nucléaire est révolu. Le sort de la démocratie et de l’humanité se jouera-t-il à la roulette américaine?
Certes, l’histoire a pour cadre les millénaires, alors que la vie, ne constitue qu’un petit nombre d’années, où chaque société recommence l’histoire sans pour autant la finir. A ce stade, l’Amérique fait école! Aujourd’hui, le Conseil de Sécurité, en réunion extraordinaire, face à la crise irako-américaine, fera-t-il exceptionnellement preuve d’objectivité - ou va-t-il comme à l’accoutumée obéir au diktat américain? 

 
 
““La machine à conquérir américaine va en guerre à toute allure, envers et contre tous. Gardons-nous de toute indulgence à son égard et de nous résigner à l’inévitable.”

Jean-François Revel
(Comment les démocraties finissent)

 

 


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