QU’EST-IL RESTÉ DU COMMUNISME
À SON QUATRE-VINGTIÈME ANNIVERSAIRE?
Les éléments
loyalistes engagés vis-à-vis des principes de Lénine
et Staline étaient peu nombreux dans les rues de Moscou, pour célébrer
le quatre-vingtième anniver-saire de la Révolution communiste,
celle du 7 novembre 1917.
A cette occasion, une question se pose d’elle-même d’une manière
pressante: Qu’est-il resté de l’idéologie communiste ayant
marqué tout un siècle? La réponse est que ce qui en
est resté est dérisoire, au point de ne pouvoir remplir un
petit carré dans la mémoire humaine.
En Afrique, les régimes marxistes ou supposés l’avoir
été, ont été balayés et se sont acclimatés
avec l’air du temps. Tels l’Ethiopie et l’Angola, deux Etats accusés
par certains gauchistes d’œuvrer dans l’intérêt et au service
du mercantilisme américain.
Dans le continent américain, seul Cuba milite en faveur de l’intérêt
du communisme, contre vents et marées, tout en continuant à
brandir le fanion de la révolution prolétarienne opposée
à l’impérialisme.
En Asie, la Chine paraît être communiste en permanence
d’une façon officielle, mais avec une couleur rouge terne, non vive,
si bien que Jiang Zemin n’a rien trouvé de mieux que d’ouvrir une
séance à Wall Street, lors de sa dernière visite aux
Etats-Unis.
A l’ombre de leur colosse voisin, le Vietnam et le Laos ont paru, à
leur tour, sous l’emprise du «léninisme de marché»
(Market Leninism). Quant à l’étrange régime nord-coréen,
il a troqué la démocratie populaire contre la monarchie.
En Europe, quelques centaines de mètres du mur de Berlin sont
encore préservés pour la curiosité de l’Histoire,
eux qui portent le souvenir du bloc soviétique. L’Union soviétique
a implosé de l’intérieur et ceux qui restaient attachés
à la direction ou y sont revenus, comme en Roumanie, en Pologne
et en Lithuanie, ont fini par céder le leadership à d’autres.
Quant aux héritiers du grand parti communiste italien, ils sont
revenus au pouvoir mais aux dépens d’un changement total dans la
social-démocratie. Leurs camarades français, eux, n’ont qu’un
rôle minuscule, celui d’être le soutien des socialistes de
Lionel Jospin, tout en étant actifs dans les pourparlers avec les
routiers en grève et avec les syndicats.
Le proverbe restant en vigueur qui s’exprime de la sorte: «Le
grand paradoxe au sein d’un grand idéal, aboutit toujours à
un grand crime», le communisme est tombé, tout en étant
attaché à des finalités réfractaires à
toute discussion, la théorie du marché ayant supplanté
celle de Carl Marx.
Ainsi, de nouvelles idéologies ont chassé d’anciennes
idéologies devenues impropres au temps où nous vivons, en
dépit des promesses, de l’annonce de jours heureux et de la propagation
d’idées devant émaner de sa théorie «unique
en son genre». Aussi, les festivités grandioses sortant de
l’ordinaire, ayant caractérisé le communisme dans le passé,
se sont-elles estompées.
Toujours est-il que nous ne pouvons que reconnaître un mérite
au communisme, propagateur de rêves, celui d’avoir forcé le
capitalisme sauvage, le capitalisme du XIXème siècle, à
se réformer et à tendre vers la justice sociale.
Aujourd’hui, après s’être débarrassé de
son ennemi traditionnel, ce capitalisme paraît enclin à retomber
dans ses «erreurs initiales».
Si le capitalisme persistait dans son style
à courte vue, la réaction serait imminente et inévitable,
sous la forme de la relance de la gauche dans maints grands Etats d’Europe
occidentale, ce que montrent des indices que nous avons commencé
à percevoir aujourd’hui. Les rêves illusoires du communisme
qui voulait faire de l’homme la finalité du progrès, sont
morts, parce qu’il l’a broyé, au lieu de le faire évoluer
et de le revitaliser.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets dans des climats
similaires, la leçon permanente est valable, aussi, pour le capitalisme
qui perd chaque jour son éclat humain à la fin du second
millénaire.
A l’occasion de l’anniversaire de la révolution d’octobre et
quatre-vingts ans après la mainmise du bolchevisme sur le pouvoir,
le président Boris Eltsine, paraît soucieux de tourner, définitivement,
la page du 7 novembre 1917. «Cette révolution, a-t-il dit,
a été une erreur historique mortelle», faisant allusion
aux massacres de Katyn, village de Pologne où cinq mille officiers
polonais ont été tués d’une balle dans la tête
tirée sur l’ordre de Staline.
La question qui se pose est la suivante: quel est le nombre des victimes
anéanties par cette révolution? La réponse est que
leur nombre excède quatre-vingts millions, selon les auteurs du
«Livre noir du communisme» paru, il y a quelques jours. D’après
ce qu’a dit Georges Marchais, ancien secrétaire général
du parti communiste français, le bilan a été négatif
dans l’ensemble, bien que Marchais soit de ceux qui ont été
formés à l’école de Moscou.
Quant à Robert Hue, l’actuel secrétaire général
du parti communiste français, il considère «qu’un drame
humain intéresse des peuples entiers; c’est une marche sauvage exécrable».
Il l’a déclaré dans une conférence contre le stalinisme,
donnée après avoir accédé au poste de secrétaire
général du PCF.
Le réveil et le retour sur soi s’amplifient chaque jour et le
deuil idéologique sévit avec lenteur. Cependant, il est demandé
aux peuples de ne pas désespérer de la longue mémoire
dont jouissent les citoyens militants.
Telle est la révolution qui s’est déclarée le
soir du 6 novembre 1917 et s’est déroulée le 25 octobre,
selon l’ancien calendrier Julien. Vladimir Ilitch Oulianov, connu sous
le nom de Lénine, a lancé l’appel à la désobéissance
à Pétrograd, entamant ainsi un pouvoir absolu, sans partenaires,
du «véritable socialisme», exercé durant soixante-quatorze
ans sur l’empire russe géant.
Au cours d’une guerre féroce contre l’Allemagne, Lénine,
le «révolutionnaire prolétarien, le penseur artisan
du parti communiste d’Union soviétique, le guide des ouvriers partout
dans le monde», selon l’encyclopédie soviétique, a
pu écrire la fin d’une expérience socialiste démocratique,
élaborée par un gouvernement provisoire ayant à sa
tête Kerenski et précipitant ainsi la fin du tsarisme.
Le 7 novembre, le destroyer «Aurore» venant de l’île
de Kronstadt, a bombardé le palais d’hiver à Petrograd, la
capitale. Le Conseil des soviets désignait un conseil de commandement
formé des commissaires du peuple, sous la présidence de Lénine,
Trostky ayant été nommé ministre des Affaires étrangères
et Staline, ministre des nationalités.
Trois hommes et trois destins ayant fait trembler le monde. Le pouvoir
bolchevik était instauré sept années plus tard, dont
quatre vécues dans une guerre civile sanglante, avant d’être
légalisé et que soit créée l’Union soviétique.
Après la mort de Lénine en 1924, l’éviction de
Trotsky en 1926 et son assassinat en 1940 dans son lieu d’exil au Mexique,
Staline s’est emparé du pouvoir d’une manière féroce
durant plus de trente ans, dans le nouvel empire soviétique qui
a pris fin en 1991 avec la chute du mur de Berlin.
Entre 1917 et 1991, soixante-quatorze années
se sont écoulées, au cours desquelles le monde était
partagé entre deux blocs profondément hostiles, ayant placé
l’humanité en permanence au bord de la guerre nucléaire.
A cette époque, les révolutions et les guerres se sont multipliées,
encouragées par les deux blocs en diverses régions du globe.
Au cours de ces années s’est aggravé le drame du goulag et
un rideau de fer hermétiquement fermé est tombé.
Le penseur et écrivain Soljenitsyne devait, nécessairement,
intervenir, en publiant son ouvrage: «L’archipel du goulag»,
dont la première partie a paru en 1972, pour poser bien des points
d’interrogation. Les fondements du communisme se sont-ils ébranlés
pour le faire disparaître sans espoir de retour? Lénine et
Staline ont-ils perdu leurs plus fervents admirateurs?
Mais les gens n’ont pas reçu jusqu’aujourd’hui des réponses
à ces questions. |
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