"NOTRE OBJECTIF EST DE SORTIR SAMIR GEAGEA DE PRISON PAR LES MOYENS POLITIQUES ET DÉMOCRATIQUES"
Au cœur
de la capitale fédérale et dans l’une de ses plus belles
artères (M. Street) un édifice dresse sa masse imposante
où les “Forces libanaises” ont leur bureau depuis 1978, ce dernier
poursuivant ses activités, en dépit de la dissolution des
F.L. par le gouvernement libanais en 1994.
Deux drapeaux, libanais et américain, y sont fixés et
des portraits accrochés aux murs. Celui du Dr Geagea fait vis-à-vis
au portrait de Bachir Gemayel. Les drapeaux des Kataëb et des Forces
libanaises sont, également, visibles en cet endroit spacieux où
une riche bibliothèque groupe des ouvrages sur le Liban, les Etats-Unis
et le Proche-Orient.
Quiconque visite le siège des F.L, n’a pas l’impression de se
trouver dans le centre d’un groupe politique ou partisan interdit, d’autant
qu’on constate un va-et-vient continuel de personnes (libanaises ou américaines)
tenant des réunions de travail.
M. Robert Farah est tout sourire et, avec le café, il nous remet
un exemplaire de la revue mensuelle que le bureau publie en arabe.
Tout en reconnaissant que les F.L. ne peuvent exercer aucune activité
au Liban depuis leur dissolution, il observe que la décision gouvernementale
ne s’applique pas aux membres des Forces libanaises à l’étranger.
Aussi, afin d’assurer la continuité de leurs activités, celles-ci
ont-elles constitué un organisme en vue de leur expansion et organisé
un congrès à Washington en juin 1994. Cet organisme comprenait,
alors, quatre membres: MM. Robert Farah, Camille Tawil, Rachid Rahmé
et Tony Kiddissé directeurs, respectivement, des bureaux de Washington,
de France, de Grande-Bretagne et du Brésil, le dernier nommé
ayant pris en charge la direction du bureau de l’Emigration.
“Les quatre membres, dit M. Farah, qui tiraient leur légalité
du Dr Geagea et des “Forces libanaises”, s’emploient à réorganiser
l’institution. Ils sont parvenus à préserver son unité
et à regrouper les différentes sections. Un an et demi plus
tard, bon nombre de nos camarades ont rallié nos rangs, après
avoir été contraints de quitter le pays.
LE CONSEIL POLITIQUE DES F.L. À L’ÉTRANGER
“Ceci nous a amenés à élargir le champ de nos activités, en mettant sur pied le conseil politique formé de: Robert Farah président; Joseph Rizk, secrétaire général; Nabil Tawil, vice-président. Le conseil compte en tout treize membres qui se partagent les responsabilités à la tête des comités de travail et sections. Cent dix représentants des F.L. sont répartis en divers points du globe et maintiennent le contact avec le bureau de Washington. “Nous assumons ces charges à titre temporaire, ajoute M. Farah, en attendant que le chef recouvre sa liberté; les Forces libanaises pourront, alors, reprendre leur action comme par le passé. Le conseil politique est l’instance centrale à travers laquelle nous entretenons des relations avec toutes les parties autrefois liées ou en rapport avec notre mouvement. De même qu’avec les membres du Congrès US qui maintiennent le contact avec nous. Il est vrai que les F.L. ont été dissoutes à Beyrouth, mais partout à l’étranger, les responsables ont présent à l’esprit notre parti, lequel ne peut être supprimé d’un trait de plume.” |
Nous ambitionnons d’édifier un Etat moderne, libre et souverain Les jugements rendus contre le chef des F.L. ont des motivations politiques |
POUR UN LIBAN DÉMOCRATIQUE
- Sur quelle base établissez-vous vos relations?
“Les Forces libanaises ont, dès leur fondation, visé à
édifier une patrie véritable. Elles réalisent, aujourd’hui,
après les douloureux événements, que le Liban ne peut
se relever par l’intermédiaire d’une seule fraction, celle qui détient
les rênes du pouvoir. Tel est le sujet de notre critique. Le Dr Samir
Geagea qui a aidé à l’application de l’accord de Taëf,
a contribué, efficacement, à la dissolution des milices,
au renforcement de la sécurité et à la transposition
des Forces libanaises du cadre sécuritaire et militaire au cadre
politique.
“Notre objectif est d’édifier un Liban nouveau sur des bases démocratiques
saines.”
- Qui prête l’oreille à vos critiques et réclamations?
“Ceci est une autre affaire. D’ailleurs, qui prête l’oreille au Liban
tout entier en ce moment? Nous reconnaissons le chef de l’Etat, l’Assemblée
et le gouvernement, mais nous sommes en désaccord avec eux sur la
façon d’édifier l’Etat moderne.
“Les Libanais ont pu mettre fin à la guerre à travers l’accord
de Taëf. Mais cet accord n’est pas parfait, l’Etat n’ayant pas permis
à une fraction politique, dont les “Forces libanaises” à
s’adonner à l’action politique.”
- Certains membres du conseil politique ont fait l’objet de condamnations
judiciaires; comment peuvent-ils en faire partie?
“Ce sont nos compagnons de lutte. Nous n’avons rien à voir avec
les jugements rendus par la Justice contre le Dr Geagea et nos camarades,
étant entendu que les sentences ont des motivations politiques.
Je dirai ici, entre parenthèses, que nous sommes persuadés
de l’innocence du Dr Geagea et de nos camarades quant aux chefs d’accusation
qu’on leur impute. D’ailleurs, l’opinion mondiale et libanaise réalise
parfaitement le mobile des poursuites engagées contre eux.”
- Ghassan Touma est-il membre du Conseil politique?
“Certainement. Et comme je l’ai dit, nous sommes certains de l’innocence
de nos compagnons de lutte, d’autant que la manière dont ils ont
été poursuivis et condamnés cache un esprit revanchard.”
NOS RELATIONS AVEC L’ADMINISTRATION US
- L’Administration américaine réagirait-elle, positivement,
vis-à-vis des Forces libanaises?
“Il va sans dire que nous comptons bien des partisans et des alliés
ayant la nationalité américaine. Il s’agit d’Américains
d’origine libanaise soutenant notre cause, partant de l’intérêt
des Etats-Unis au Liban. L’Administration US prend en considération
leur point de vue comme du nôtre.
“Nous nous efforçons, essentiellement, d’obtenir la liberté
de l’action politique dans notre pays, ce à quoi ne peuvent pas
s’opposer des Etats foncièrement démocratiques, tels les
USA, la France et d’autres encore, afin de pouvoir contribuer à
édifier notre patrie.
“Puis, les Américains ont des intérêts et des priorités;
aussi, s’intéressent-ils au Liban et leur politique à son
égard est claire. De plus, ils aspirent à instaurer la paix
au Proche-Orient, à travers des traités de paix à
conclure entre les Etats arabes, le Liban en tête et Israël.
“Lorsque nous nous entretenons avec les responsables américains,
nous concentrons notre échange de vues sur les moyens à mettre
en œuvre afin de réaliser l’entente nationale inter-libanaise et
d’édifier un Etat moderne.”
- Vous êtes prêts à tourner la sombre page du
passé. Or, avant d’être arrêté et condamné,
le Dr Geagea avait été pressenti à deux reprises pour
faire partie du gouvernement, mais il a décliné l’offre qui
lui était faite...
“Il n’était pas nécessaire pour le Dr Geagea d’accepter un
portefeuille ministériel. Ne peut-on s’adonner à la politique
qu’en étant membre du Cabinet?
“Le Dr Geagea avait ses raisons pour ne pas faire partie du gouvernement
et avait nommé Roger Dib à sa place. Les Forces libanaises
avaient donc participé au pouvoir, tout en constatant que l’accord
de Taëf était mal appliqué. Le discours politique est
inexistant, aujourd’hui, de même que l’action politique dans son
ensemble, celle-ci étant restreinte à une fraction qui la
pratique selon sa propre conception.
“Actuellement, l’homme politique ne dispose pas d’une liberté propre:
il doit se ranger ou sortir du jeu. Si vous ne suivez pas leur ligne politique,
vous êtes considéré comme un adversaire et vous devez
être en prison. Cette logique n’est pas acceptée de notre
part.”
Et de poursuivre: “Il existe aujourd’hui au Liban une terminologie politique
déterminée. On dit, par exemple, d’un ministre que c’est
un opposant ou un perturbateur. En tant que “Forces libanaises”, nous déplorons
que les responsables ne profitent pas des erreurs du passé pour
songer à un Liban nouveau et prospère, affranchi des tares
du passé. Je crois que ceux qui détiennent les rênes
du pouvoir s’y opposent de crainte d’être affectés par une
pratique saine de la démocratie et de la liberté.”
POURQUOI LE BOYCOTTAGE EN 92 ET 96?
- Durant toutes les étapes ayant suivi la fin de la guerre, les Forces libanaises pratiquaient le boycottage sur toute la ligne... “Ce n’est pas vrai. En 1992, nous avons boycotté les législatives après avoir désespéré d’améliorer les conditions conformément auxquelles elles se sont déroulées et appris que 87% des Libanais allaient boycotter le scrutin, en raison du caractère inique de la loi électorale qui répartissait les circonscriptions sur base soit du caza, soit du district. “En 1996, nous ne pouvions prendre position, car notre chef était incarcéré. Nous avons considéré que les élections ne nous concernaient pas et, d’ailleurs, nous ne jouissions pas de la liberté politique.” - Cette année, les Forces libanaises ont organisé un
congrès au centre FIAP à Paris auquel ont pris part des personnes,
tel Ghassan Touma, ayant été condamnées par la Cour
de Justice. Quel était l’objet de ces assises et quels en ont été
les résultats et les répercussions? |
Nous
veillons à n’exposer à aucun risque nos camarades restés
au pays natal |
NOUS N’EXPOSONS NOS CAMARADES DU LIBAN À
AUCUN RISQUE
- Au Liban, vos camarades peuvent-ils se mouvoir avec autant de facilité?
“Pas du tout, aussi veillons-nous à ne pas les exposer inutilement.
Notre action est purement politique et notre objectif prioritaire est de
libérer le Dr Geagea, le chef, le responsable et la personne. Nous
poursuivrons notre marche, si long que soit le temps d’attente.”
- Votre congrès a adopté des recommandations “diplomatiques”;
le gouvernement libanais a-t-il réagi et dans quel sens?
“Les résolutions traduisaient nos convictions et n’étaient
pas de caractère “diplomatique”, comme vous les qualifiez.
“Ainsi que je vous l’ai déjà dit, nous nous préoccupons
de sortir le Dr Geagea de prison et d’édifier un Etat moderne, juste
et démocratique, où les libertés seraient sauvegardées
et qui jouirait de la souveraineté absolue. Dans nos recommandations,
nous nous sommes adressés au président de la République,
en sa qualité de gardien de la Constitution, lui demandant d’agir
à l’effet de remédier au déséquilibre dont
pâtit le Liban où la loi des deux poids et deux mesures est
appliquée, ce qui est inacceptable.”
- Comment sont vos rapports avec Bkerké et coordonnez-vous
avec le siège patriarcal?
“Je profite toujours de la présence de S.Em. le cardinal Sfeir à
Rome pour aller lui présenter mes hommages et prendre sa bénédiction,
ce que je ne peux faire au Liban. Je l’ai rencontré dernièrement
et il m’a renseigné sur la situation intérieure et sur les
retombées de la visite du Souverain Pontife.”
LE PATRIARCHE SFEIR EST LE PÈRE DE TOUS
LES MARONITES
- Bénit-il votre action?
“Sa Béatitude ne bénit pas une action politique déterminée,
mais toutes les actions visant à réformer les institutions,
car il ne s’adonne pas à la politique du point de vue partisan.
C’est le père de tous les maronites et une haute instance religieuse
dont la parole et l’action ont un impact au plan national. Les constantes
qu’il ne cesse de proclamer et les principes sur base desquels il agit
sont connus de tous.”
- Vous attendez-vous à réussir dans votre démarche
visant à libérer le Dr Geagea?
“Nous sommes optimistes, mais nous sommes sûrs de l’injustice qui
le frappe avec nos autres camarades, de même que l’institution dont
ils se réclament, laquelle a beaucoup donné en faveur d’un
Liban libre et souverain.”
PAS DE CONTACT AVEC LE GOUVERNEMENT LIBANAIS
- Coordonnez-vous votre action avec le Rassemblement national?
“La coordination est inexistante, mais nos positions se ressemblent et
se rapprochent.”
- Auriez-vous des contacts avec le gouvernement libanais, ne serait-ce
que d’une manière indirecte, pour lui faire part de vos points de
vue?
“Non, mais nous effectuons des contacts avec un certain nombre de diplomates
libanais à l’étranger. Nous les rencontrons certaines fois,
partant du fait que nous portons l’identité libanaise.”
- Comment est-il procédé au financement de vos bureaux
à l’étranger?
“Avec l’aide des camarades et amis. Le bureau de Washington existe depuis
près de vingt ans, ce qui nous a fourni l’occasion d’approcher les
Libanais d’Amérique du nord, ceux des Etats-Unis, du Mexique, du
Canada, d’Amérique latine, en plus de ceux d’Europe et d’Australie.
Nous avons noué de grandes amitiés et celles-ci n’admettent
pas que nos bureaux ferment leurs portes.”