Ce n’est pas la première agression - souhaitons que ce sera la dernière! - dont est victime notre ami et collaborateur, l’éminent écologiste Pierre Malychef. Parce qu’il est le défenseur acharné et courageux de notre environnement, parce qu’il dénonce les abus et les atteintes graves à notre qualité de vie, parce qu’il n’hésite pas à tirer la sonnette d’alarme chaque fois que le danger menace la santé publique de ses concitoyens... Pierre Malychef a été lâchement agressé. C’est que Pierre Malychef dérange. Qui dérange-t-il? Ceux qui ternissent la belle image naturelle de notre pays et font le commerce honteux des déchets toxiques, transformant nos vallées en dépotoirs et notre environnement en foyer d’épidémie endémique. Une véritable mafia des déchets industriels toxiques transfrontières.
“UNE ÉMOTION PUBLIQUE PLUS GRANDE QU’À
MA SORTIE DE PRISON”
“Rien ne me fera taire. Et je suis plus que jamais déterminé
à poursuivre mon combat écologique” nous a lancé Pierre
Malychef en nous accueillant dans sa pharmacie à Jal el Dib, l’oeil
encore au beurre noir, mais le visage serein.
”Ce qui me stimule le plus, explique-t-il, ce sont les nombreuses marques
de sympathie qui m’ont été témoignées après
cette attaque. Il y avait bien sûr des personnalités officielles
dont les ministres Akram Chéhayeb et Béchara Merhège
mais surtout beaucoup de compatriotes anonymes qui m’ont téléphoné.
Même à ma sortie de prison (où j’ai passé une
semaine) en mars 95, l’émotion avait été grande certes,
mais la réaction populaire n’a pas été aussi massive
qu’aujourd’hui. Cela me touche au plus profond de moi-même et constitue
un formidable stimulant à mon action.”
- Comment cela s’est-il passé?
“Ce soir-là de la Toussaint, j’ai été accosté
à Bsalim, en face de ma maison, par une auto de passage. Le passager
à côté du conducteur m’a demandé la direction
de la route de Broummana et au moment où je me suis penché
pour répondre, j’ai reçu en plein visage un très violent
coup de poing accompagné de l’injonction, en arabe: “Ne t’occupes
plus de déchets!” Et le véhicule démarra en trombe
dans l’obscurité. Pratiquement assommé et titubant, je ne
pus faire que quelques pas avant de m’étaler de tout mon long, en
subissant encore plusieurs contusions et chocs au niveau des membres supérieurs
et inférieurs. Relevé par un ouvrier syrien de passage, je
fus transporté chez mon fils, proche, qui m’a donné les premiers
soins surtout au niveau de l’oeil gauche très tuméfié,
ayant accusé le choc principal; il a aussi étanché,
une hémorragie produite par des griffures plus ou moins profondes.
J’ai été ensuite examiné et traité par le Dr
Annibal Moumdjian, un de mes anciens étudiants à la Faculté
Française de Médecine. Quelques jours plus tard, mon oculiste
Dr Paul Saad m’a fait subir un examen approfondi de l’oeil gauche touché,
mais grâce à Dieu, il a constaté qu’il n’y avait aucun
décollement de rétine qui aurait pu arriver avec un choc
aussi violent.”
UNE VISION ENCORE TROUBLE
- Et aujourd’hui comment vous sentez-vous?
“J’ai une vision toujours un peu trouble et des céphalées.
Mais à part cela, tout va bien.”
- Comptez-vous porter plainte?
“Je ne comptais pas porter plainte, mais à la demande expresse
du ministre de l’Environnement, j’ai déposé une plainte contre
inconnu par l’intermédiaire de Me Ghafari qui, en même temps,
est l’avocat de l’Ordre des médecins avec lequel je collabore en
qualité de conseiller du comité de l’Environnement et de
la Santé publique de cet organisme qui englobe tous les médecins
du Liban”.
Outre les ministres Chéhayeb et Merhège, l’avocat de
ce dernier, Me Hani Souleyman, le Dr Albert Moukheiber, l’ancien député
Samir Aoun ont contacté M. Malychef pour manifester leur réprobation.
L’Ordre des Médecins du Liban, l’Ordre des Pharmaciens, l’Association
pour la protection du consommateur et la plupart des organisations non-gouvernementales
(O.N.G.) écologiques du Liban ainsi que des dizaines de groupes,
comités populaires et des individus exprimèrent directement
leur sympathie à notre écologiste national sauvagement agressé.
Il en fût de même pour deux propriétaires d’hôpitaux,
les docteurs Samir Serhal et Farid Aboujaoudé. Rappelons que ce
dernier avait soigné et sauvé Malychef en juillet 1988 quand
il était à l’article de la mort, gravement intoxiqué
par les déchets de Chnanhir dont il était officiellement
chargé pour effectuer des prélèvements et les examiner.
Pierre Malychef nous signale aussi: “Notre ami Fouad Hamdane à
qui nous avons donné toutes nos études et photos des déchets
toxiques italiens de 1987-88, nous a contactés de Londres, au nom
de la puissante organisation “Green-Peace International”. Egalement plusieurs
de mes frères du groupe mondial “Global 500 Forum” de l’UNEP (Programme
des Nations-Unies pour l’Environnement) pour stigmatiser cette attaque
et m’encourager à continuer. Il en fut de même du président
de l’Ordre des journalistes qui m’a téléphoné de Tunis;
un appel qui m’a beaucoup touché.”
LE GOUVERNEMENT DOIT AGIR FERMEMENT
Nous ne dénoncerons jamais avec assez de force, cet acte ignoble,
d’une lâcheté caractérisée, effectué
sauvagement, par des éléments mafieux que Malychef et son
groupe dénoncent depuis plus de douze ans pour sauver les régions
libanaises et leurs habitants d’une pollution et intoxication graves pouvant
être produites par des déchets dangereux introduits maintes
fois au Liban par des trafiquants qui cherchent à faire fortune
en menaçant gravement la santé et la salubrité publiques.
Il est grand temps que le gouvernement libanais réagisse vigoureusement
et d’une manière intraitable contre ces trafiquants de malheur,
surtout maintenant que notre pays dispose, enfin, d’un ministre de l’Environnement
intègre et déterminé.