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PAS D’INGÉRENCE DANS LES AFFAIRES LIBANAISES
Dès le commencement de sa visite, le président Scalfaro
a donné le ton et s’est refusé à se laisser embarquer
dans des questions ou réponses qui pouvaient une seconde laisser
penser que l’Italie se mêle des affaires intérieures libanaises.
Tout ce qui a été dit, a été “en général”
mais pour être compris “en particulier”.
S’adressant aux membres de l’Assemblée législative, à
la Place de l’Etoile, le président Scalfaro a déclaré:
“Vous êtes des élus, dans la langue de ma patrie, élu
est celui qui a reçu un mandat après des élections
libres et secrètes. Mais “élu” veut, aussi, rappeler un ensemble
de vertus, un engagement qui, avant tout spirituellement et moralement,
place la personne au-dessus de l’échelle, la charge de dignité
exige d’elle: valeurs, engagement, dévouement, fidélité
aux principes vrais et immuables.
“Dans le cas du parlementaire, “élu” indique en particulier
celui qui est appelé à s’oublier lui-même, à
oublier ses propres intérêts fussent-ils légitimes,
ceux de sa famille politique ou professionnelle. Il est par là voué
à donner son intellect, sa volonté, son cœur pour le bien
de la communauté.
“Alors à vous qui avez l’honneur d’être élus par
mandat, un parlementaire de longue date vous souhaite en tant que collègue,
d’être réellement des élus.
“C’est en particulier ce que votre peuple attend de chacun de vous.
“Votre peuple demande une démocratie de plus en plus affirmée,
demande le sens de l’Etat, demande le progrès, demande la paix.”
![]() Avant le dîner offert par le Premier ministre Hariri en l’honneur du président Scalfaro, les présents écoutent les hymnes nationaux. |
![]() Arrivée au siège patriarcal de Bkerké du président Oscar Luigi Scalfaro. |
![]() Le président Scalfaro, sa fille Mariana et le patriarche-cardinal Sfeir, au second plan: l’ambassadeur M. Carlo Calia. |
![]() Messe dans la chapelle de Bkerké. On reconnait à gauche: MM. Pierre Hélou, Georges Saadé et Albert Moukheiber. Au centre, le Père Michel Awitt, derrière le président Scalfaro, M. Dory Chamoun et le sénateur Rino Serri, sous-secrétaire d’Etat à la Farnesina, Mme Mariana Scalfaro, fille du chef de l’Etat italien. |
OVATION DEBOUT POUR SCALFARO
La visite au parlement libanais est un des moments forts de la visite
du président de la République italienne.
Il rappelle les qualités qui faisaient la réputation
du Liban d’avant-guerre (avant 1975) en insistant particulièrement
sur la convivialité, la coexistence et le développement économique.
Sans le dire expressément, le président italien répète
le message du Pape dans l’Exhortation apostolique.
“Beaucoup a été fait, mais il reste toujours beaucoup
à faire...”
Afin de n’avoir pas l’air de donner des leçons, mais en fait
c’est ce qu’il fait d’une manière diplomatique, le président
italien explique que ce n’est pas seulement au Liban, mais dans le monde
entier qu’il reste beaucoup à faire pour rendre notre terre plus
humaine, plus égale, plus douce à tous ceux qui l’habitent.
Le président Scalfaro a affirmé que l’Italie s’est tenue
et se tiendra aux côtés du Liban dans les efforts entrepris
pour une paix juste et durable.
Il a réaffirmé l’attachement de son pays à l’application
de la résolution 425 du Conseil de Sécurité, jugeant
toutefois “qu’Israël, aussi, a droit à la sécurité
et à la paix; sécurité et paix ont un prix que tout
peuple doit être disposé à payer.”
Et de conclure: “Au nom de l’Italie je vous répète; vous
n’êtes pas seuls, nous sommes avec vous.”
Le président Scalfaro est, tout de suite, ovationné.
Debout, la salle applaudit à tout rompre. Aucune fausse note: loyalistes
et opposants semblent apprécier ses mots.
![]() A Nakoura, le président Scalfaro saluant un à un les 52 membres du contingent italien. |
![]() Le président Scalfaro dépose une couronne de fleurs au pied de la stèle consacrée aux sept victimes italiennes de la FINUL: deux en 1979 et cinq en 1997. |
![]() Entretien entre le chef de la diplomatie libanaise et le sénateur Rino Serri, sous-secrétaire italien aux Affaires étrangères, en présence d u secrétaire général Zafer el-Hassan et des membres de la délégation. |
![]() Le sous-secrétaire italien aux Affaires étrangères, le sénateur Rino Serri au cours de la conférence de presse qu’il a donnée après son entretien avec le ministre libanais des Affaires étrangères, Farès Bouez. |
UNE VISITE QUI EST AUSSI UNE “PREMIÈRE”
Dans tous les pays véritablement démocratiques, les opposants,
aussi bien que les loyalistes participent aux réceptions et aux
rencontres lors des visites officielles d’un homme d’Etat à un autre
pays. Ainsi, en Grande-Bretagne, les membres du “Shadow Cabinet” étaient
invités à toutes les manifestations en l’honneur du président
Chirac, idem en France, lors de la réception du 14 juillet, on voit
toute la classe politique française se côtoyer. Par contre,
au Liban les gouvernants mettent un point d’honneur (!) à traiter
les opposants en pestiférés. On l’a bien constaté
lors des nombreuses visites effectuées par des officiels étrangers
au Liban. Au Liban, on souhaite occulter l’opposition.
Dans le cas de la visite du président italien, dont le prestige
auprès des nationaux et homologues européens est immense,
il a été difficile aux gouvernants de jouer la même
musique. Car avant sa venue au Liban, le président de la République
italienne avait fait savoir (discrètement et diplomatiquement) qu’il
rencontrerait toutes les personnalités libanaises désireuses
de le faire.
Aussi, les autorités libanaises auraient eu du mal à
ne pas complaire aux desideratas de leur hôte.
C’est ainsi que, pour la première fois dans l’Histoire de la
IIème République, les opposants au sein mais, surtout, en
dehors du parlement ont pu exprimer leurs points de vue, à un prestigieux
invité.
S’il est vrai que tout n’a pas été dit, car le président
italien s’est tenu rigoureusement au protocole, beaucoup de choses ont
été insinuées et de nombreuses notes verbales lui
ont été remises. Avec tout le doigté et la diplomatie
qui sont siennes, il a évité tout dérapage qui aurait
pu indisposer ses hôtes. Néanmoins, il a écouté
et très bien écouté. A tel point qu’au lieu et place
de la visite de Byblos, le président Scalfaro a passé le
temps dévolu à la visite touristique, au siège du
patriarcat maronite, où il a pu entendre les ténors de l’opposition
parlementaire et des représentants de ce qu’il est convenu d’appeler
“l’opposition chrétienne”.
Réunion symbolique plus que politique, mais qui est néanmoins
une “première” et qui pourrait inciter dorénavant les visiteurs
du Liban à ne pas s’aligner aveuglément sur une politique
donnée et tracée.
![]() Le président Scalfaro passe en revue les unités de la FINUL. |
![]() Aparté entre Mmes Nazek Hariri et Mariana Scalfaro. |
“RUE DES MARONITES” À ROME
Le président Scalfaro, catholique et pratiquant, a assisté
à la messe tous les jours. Le président Hraoui s’est joint
à lui dans ses dévotions matinales.
Le dernier jour de sa visite, il s’est rendu à Bkerké
et s’est dirigé directement vers la chapelle du patriarcat où
il a assisté à une messe célébrée par
le cardinal-patriarche Sfeir, en présence des ténors de l’opposition
extra-parlementaire chrétienne.
Dans son homélie prononcée en italien, le patriarche
maronite a remercié l’Italie pour son appui au Liban à travers
la FINUL et rappelé les liens tissés par la communauté
maronite avec la Ville Eternelle dès le XVème siècle,
rappelant qu’il existe à Rome la “Rue des Maronites”.
Le patriarche Sfeir a rendu hommage dans son homélie au chef
de l’Etat italien, “exemple de dignité, d’honnêteté
et d’honorabilité” qu’il avait eu l’honneur et le plaisir de rencontrer
déjà à Rome.
Le patriarche Sfeir a affirmé à son hôte qu’entre
les Libanais, il n’y a pas de désaccord insurmontable, mais que
les ingérences étrangères empêchent le retour
à la normale.
Ont pris part à la rencontre de Bkerké, qui s’est tenue
en l’absence du patriarche, qui a laissé le président
Scalfaro avec ses interlocuteurs: MM. Fouad Boutros, Albert Moukheiber
(RPR); Melhem Riachi (conseiller de Moukheiber); Pierre Hélou (Ligue
maronite); Pierre Daccache (député de Beyrouth); Dory Chamoun
(PNL); Sélim Salhab (Bloc national); Joseph Amm (B.N.); Georges
Saadé (Kataëb); Elie Karamé (opposition Kataëb);
Joseph Kosseify (Kataëb); Massoud Achkar et Antoine Richa (opposition
Kataëb); Pierre Amine Gemayel, le général Nadim Lteif
(congrès national aouniste); Toufic Hindi (courant Forces libanaises)
et Emile Rahmé (Parti solidarité).
Après s’être rapidement concertés, les présents
ont décidé de confier à l’ancien ministre des Affaires
étrangères, M. Fouad Boutros le soin de présenter
leur thèse et de s’exprimer en leur nom.
Ce qui a été fait.
Il est à souhaiter que ce même groupe s’organise et s’entende
à l’avenir pour former une sorte de “Cabinet fantôme” qui
ne pourrait plus être ignoré ni des gouvernants, ni des visiteurs,
car l’union fait la force.
BRAVISSIMO AUX DIPLOMATES ITALIENS
On ne peut terminer ce compte-rendu succinct sans rendre un hommage
particulier à tous les membres de l’ambassade d’Italie au Liban
et particulièrement à l’ambassadeur Carlo Calia qui ont préparé
cette visite réussie en tout point.
A souligner que cette visite au Liban a été destinée
au Liban et au Liban seul. Que le président italien n’a même
pas inclus une escale ailleurs qu’au Liban. Que l’ambassade dans tous ses
rapports a insisté sur la sécurité existant ici et
a su évaluer, à leur juste mesure, les bavures sécuritaires
qui ont précédé la visite présidentielle.