UNE PREMIÈRE DANS LA IIÈME RÉPUBLIQUE LIBANAISE
LE PRÉSIDENT OSCAR LUIGI SCALFARO A RENCONTRÉ L'OPPOSITION
UNE LEÇON DE POLITIQUE ET DE DIPLOMATIE

Ce qui était censé n’être qu’une visite d’Etat, semblable à d’autres, au Liban s’est transformée par le charme de l’Italie en Grande Première qui fera désormais annale dans l’histoire politique et diplomatique du Liban d’après-guerre.
En effet, le président de la République italienne, Oscar Luigi Scalfaro est sorti de la routine et de la banalité auxquelles les Libanais s’étaient habitués pour les surprendre, agréablement, par son style et son humanisme.
Ce n’est pas tant ce qui a été dit, que ce que cela symbolise!
Il est vrai que les Italiens ont une expérience diplomatique de plusieurs siècles et qu’en l’occurrence, il est difficile de leur en conter.
 
Les présidents des Ordres des professions
libérales en pleine délibération.
 
Me Ziad Hamadé, le Dr Mokaddem, le Dr Jokhadar, 
M. Melhem Karam, les Drs Chartouni, Younès,
Zablit et Kabbara.
 

PAS D’INGÉRENCE DANS LES AFFAIRES LIBANAISES
Dès le commencement de sa visite, le président Scalfaro a donné le ton et s’est refusé à se laisser embarquer dans des questions ou réponses qui pouvaient une seconde laisser  penser que l’Italie se mêle des affaires intérieures libanaises. Tout ce qui a été dit, a été “en général” mais pour être compris “en particulier”.
S’adressant aux membres de l’Assemblée législative, à la Place de l’Etoile, le président Scalfaro a déclaré: “Vous êtes des élus, dans la langue de ma patrie, élu est celui qui a reçu un mandat après des élections libres et secrètes. Mais “élu” veut, aussi, rappeler un ensemble de vertus, un engagement qui, avant tout spirituellement et moralement, place la personne au-dessus de l’échelle, la charge de dignité exige d’elle: valeurs, engagement, dévouement, fidélité aux principes vrais et immuables.
“Dans le cas du parlementaire, “élu” indique en particulier celui qui est appelé à s’oublier lui-même, à oublier ses propres intérêts fussent-ils légitimes, ceux de sa famille politique ou professionnelle. Il est par là voué à donner son intellect, sa volonté, son cœur pour le bien de la communauté.
“Alors à vous qui avez l’honneur d’être élus par mandat, un parlementaire de longue date vous souhaite en tant que collègue, d’être réellement des élus.
“C’est en particulier ce que votre peuple attend de chacun de vous.
“Votre peuple demande une démocratie de plus en plus affirmée, demande le sens de l’Etat, demande le progrès, demande la paix.”
 


Avant le dîner offert par le Premier ministre 
Hariri en l’honneur du président Scalfaro, 
les présents écoutent les hymnes nationaux.

 

Arrivée au siège patriarcal de Bkerké 
du président Oscar Luigi Scalfaro.

 

Le président Scalfaro, sa fille Mariana
et le patriarche-cardinal Sfeir, au second plan: 
l’ambassadeur M. Carlo Calia.

Messe dans la chapelle de Bkerké. On reconnait à gauche: 
MM. Pierre Hélou, Georges Saadé et Albert Moukheiber.
Au centre, le Père Michel Awitt, derrière le président Scalfaro, 
M. Dory Chamoun et le sénateur Rino Serri, sous-secrétaire d’Etat à la Farnesina, Mme Mariana Scalfaro, fille du chef de l’Etat italien.

 

OVATION DEBOUT POUR SCALFARO
La visite au parlement libanais est un des moments forts de la visite du président de la République italienne.
Il rappelle les qualités qui faisaient la réputation du Liban d’avant-guerre (avant 1975) en insistant particulièrement sur la convivialité, la coexistence et le développement économique. Sans le dire expressément, le président italien répète le message du Pape dans l’Exhortation apostolique.
“Beaucoup a été fait, mais il reste toujours beaucoup à faire...”
Afin de n’avoir pas l’air de donner des leçons, mais en fait c’est ce qu’il fait d’une manière diplomatique, le président italien explique que ce n’est pas seulement au Liban, mais dans le monde entier qu’il reste beaucoup à faire pour rendre notre terre plus humaine, plus égale, plus douce à tous ceux qui l’habitent.
Le président Scalfaro a affirmé que l’Italie s’est tenue et se tiendra aux côtés du Liban dans les efforts entrepris pour une paix juste et durable.
Il a réaffirmé l’attachement de son pays à l’application de la résolution 425 du Conseil de Sécurité, jugeant toutefois “qu’Israël, aussi, a droit à la sécurité et à la paix; sécurité et paix ont un prix que tout peuple doit être disposé à payer.”
Et de conclure: “Au nom de l’Italie je vous répète; vous n’êtes pas seuls, nous sommes avec vous.”
Le président Scalfaro est, tout de suite, ovationné. Debout, la salle applaudit à tout rompre. Aucune fausse note: loyalistes et opposants semblent apprécier ses mots.
 


A Nakoura, le président Scalfaro saluant 
un à un les 52 membres du contingent italien.
 

Le président Scalfaro dépose une couronne 
de fleurs au pied de la stèle consacrée aux sept 
victimes italiennes de la FINUL: deux
en 1979 et cinq en 1997.
 

Entretien entre le chef de la diplomatie libanaise 
et le sénateur Rino Serri, sous-secrétaire
italien aux Affaires étrangères, en présence d
u secrétaire général Zafer el-Hassan et des 
membres de la délégation.
 

Le sous-secrétaire italien aux Affaires étrangères,
le sénateur Rino Serri au cours de la conférence 
de presse qu’il a donnée après son entretien avec 
le ministre libanais des Affaires étrangères, Farès Bouez.
 
 

UNE VISITE QUI EST AUSSI UNE “PREMIÈRE”
Dans tous les pays véritablement démocratiques, les opposants, aussi bien que les loyalistes participent aux réceptions et aux rencontres lors des visites officielles d’un homme d’Etat à un autre pays. Ainsi, en Grande-Bretagne, les membres du “Shadow Cabinet” étaient invités à toutes les manifestations en l’honneur du président Chirac, idem en France, lors de la réception du 14 juillet, on voit toute la classe politique française se côtoyer. Par contre, au Liban les gouvernants mettent un point d’honneur (!) à traiter les opposants en pestiférés. On l’a bien constaté lors des nombreuses visites effectuées par des officiels étrangers au Liban. Au Liban, on souhaite occulter l’opposition.
Dans le cas de la visite du président italien, dont le prestige auprès des nationaux  et homologues européens est immense, il a été difficile aux gouvernants de jouer la même musique. Car avant sa venue au Liban, le président de la République italienne avait fait savoir (discrètement et diplomatiquement) qu’il rencontrerait toutes les personnalités libanaises désireuses de le faire.
Aussi, les autorités libanaises auraient eu du mal à ne pas complaire aux desideratas de leur hôte.
C’est ainsi que, pour la première fois dans l’Histoire de la IIème République, les opposants au sein mais, surtout, en dehors du parlement ont pu exprimer leurs points de vue, à un prestigieux invité.
S’il est vrai que tout n’a pas été dit, car le président italien s’est tenu rigoureusement au protocole, beaucoup de choses ont été insinuées et de nombreuses notes verbales lui ont été remises. Avec tout le doigté et la diplomatie qui sont siennes, il a évité tout dérapage qui aurait pu indisposer ses hôtes. Néanmoins, il a écouté et très bien écouté. A tel point qu’au lieu et place de la visite de Byblos, le président Scalfaro a passé le temps dévolu à la visite touristique, au siège du patriarcat maronite, où il a pu entendre les ténors de l’opposition parlementaire et des représentants de ce qu’il est convenu d’appeler “l’opposition chrétienne”.
Réunion symbolique plus que politique, mais qui est néanmoins une “première” et qui pourrait inciter dorénavant les visiteurs du Liban à ne pas s’aligner aveuglément sur une politique donnée et tracée.
 


Le président Scalfaro passe en revue les unités de la FINUL.
 

Aparté entre Mmes Nazek Hariri et Mariana Scalfaro.
 
 

“RUE DES MARONITES” À ROME
Le président Scalfaro, catholique et pratiquant, a assisté à la messe tous les jours. Le président Hraoui s’est joint à lui dans ses dévotions matinales.
Le dernier jour de sa visite, il s’est rendu à Bkerké et s’est dirigé directement vers la chapelle du patriarcat où il a assisté à une messe célébrée par le cardinal-patriarche Sfeir, en présence des ténors de l’opposition extra-parlementaire chrétienne.
Dans son homélie prononcée en italien, le patriarche maronite a remercié l’Italie pour son appui au Liban à travers la FINUL et rappelé les liens tissés par la communauté maronite avec la Ville Eternelle dès le XVème siècle,  rappelant qu’il existe à Rome la “Rue des Maronites”.
Le patriarche Sfeir a rendu hommage dans son homélie au chef de l’Etat italien, “exemple de dignité, d’honnêteté et d’honorabilité” qu’il avait eu l’honneur et le plaisir de rencontrer déjà à Rome.
Le patriarche Sfeir a affirmé à son hôte qu’entre les Libanais, il n’y a pas de désaccord insurmontable, mais que les ingérences étrangères empêchent le retour à la normale.
Ont pris part à la rencontre de Bkerké, qui s’est tenue en l’absence du patriarche, qui  a laissé le président Scalfaro avec ses interlocuteurs: MM. Fouad Boutros, Albert Moukheiber (RPR); Melhem Riachi (conseiller de Moukheiber); Pierre Hélou (Ligue maronite); Pierre Daccache (député de Beyrouth); Dory Chamoun (PNL); Sélim Salhab (Bloc national); Joseph Amm (B.N.); Georges Saadé (Kataëb); Elie Karamé (opposition Kataëb); Joseph Kosseify (Kataëb); Massoud Achkar et Antoine Richa (opposition Kataëb); Pierre Amine Gemayel, le général Nadim Lteif (congrès national aouniste); Toufic Hindi (courant Forces libanaises) et Emile Rahmé (Parti solidarité).
Après s’être rapidement concertés, les présents ont décidé de confier à l’ancien ministre des Affaires étrangères, M. Fouad Boutros le soin de présenter leur thèse et de s’exprimer en leur nom.
Ce qui a été fait.
Il est à souhaiter que ce même groupe s’organise et s’entende à l’avenir pour former une sorte de “Cabinet fantôme” qui ne pourrait plus être ignoré ni des gouvernants, ni des visiteurs, car l’union fait la force.


Le président Scalfaro visitant les handicapés 
à Sarafand.Une petite fille lui offre des fleurs.
 

BRAVISSIMO AUX DIPLOMATES ITALIENS
On ne peut terminer ce compte-rendu succinct sans rendre un hommage particulier à tous les membres de l’ambassade d’Italie au Liban et particulièrement à l’ambassadeur Carlo Calia qui ont préparé cette visite réussie en tout point.
A souligner que cette visite au Liban a été destinée au Liban et au Liban seul. Que le président italien n’a même pas inclus une escale ailleurs qu’au Liban. Que l’ambassade dans tous ses rapports a insisté sur la sécurité existant ici et a su évaluer, à leur juste mesure, les bavures sécuritaires qui ont précédé la visite présidentielle.

M.A.Y.
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