Pour ce 22 novembre, nous avons choisi d’évoquer la noble figure
de l’émir Bachir, surnommé à juste titre Bachir le
Grand et dont la renommée s’étendit jusqu’en Europe.
Né à Ghazir en 1767, son règne fut le plus long
de l’Histoire du Liban, ayant duré de 1789 à 1840, soit cinquante
et un ans. Tolérant avec son peuple, il sut maintenir la paix religieuse
et développer la solidarité des communautés. C’est
lui, également, qui étendit le réseau des routes et
des aqueducs et qui construisit le beau palais de Beiteddine. Le colonel
Churchill, grand oncle de Winston Churchill, qui séjourna quelques
années au Liban, nous laisse dans ses Mémoires ce témoignage
bien éloquent: “Peu de gouverneurs ont eu tant à cœur l’intérêt
de leurs sujets. Ce qui lui attachait son peuple, c’était justement
ce grand sens de l’équité qu’il appliquait sans distinction
aux plus grands personnages comme aux plus petits.
”
VIGILANCE ET PERSPICACITÉ
Dès qu’il prit le pouvoir, l’émir Bachir eut à
faire face à d’énormes intrigues intérieures et extérieures.
Mais sa vigilance et sa perspicacité, ainsi que le choix des hommes
de son entourage, lui permirent de déjouer les plans de ses ennemis.
Il passait des nuits entières à peser le pour et le contre
des décisions qu’il devait prendre. Durant le siège de Saint
Jean d’Acre, le général Bonaparte lui demanda son aide. Cependant
Al-Jazzar, de son côté, sollicita également son appui.
Qui allait-il satisfaire? Là était le dilemme qui se posait
à l’émir Bachir. Jugeant la bataille incertaine, il préféra
rester à l’écart, dans l’intérêt du Liban.
S’entourant d’une cour d’écrivains et de poètes orientaux,
l’émir faisait appel, également, aux influences culturelles
étrangères. Mais il avait tenu à confier l’architecture
du palais de Beiteddine à des artistes étrangers. C’est dans
ce superbe palais aux fines colonnes, aux fontaines rafraîchissantes,
aux salles décorées de marbres, de mosaïques et de précieuses
boiseries que Sett Chams reçevait les élégantes du
siècle.
L’ORIGINE DU NOM CORM
Le prince de la Montagne avait engagé Simaan Hokayem pour enseigner
les langues étrangères à ses enfants. Un jour, exaspéré
sans doute par l’arrogance de l’un de ses élèves, le maître
le gifla. Blessé dans son amour-propre, l’enfant alla se plaindre
à son père. L’émir envoya chercher le précepteur
et lui dit: “Cette fois, je vous pardonne, mais oseriez-vous encore répéter
votre geste?”. Hokayem répondit sans aucune hésitation: “Oui,
sinon je me considérerais indigne de la tâche que vous m’avez
confiée, celle de rendre vos enfants dignes de vous!” Surpris par
cette réponse, l’émir s’exclama: “Vous êtes un vrai
tronc d’arbre!”
Depuis ce jour, Simon Hokayem, l’ancêtre de notre grand poète
national Charles Corm, fut appelé Simaan Corm qui signifie tronc
d’arbre en arabe.
En 1840, pour éviter la destruction de son pays et, surtout,
pour épargner son peuple, l’émir Bachir dut se rendre aux
Anglais et s’exiler. Il passa ses derniers jours à Stamboul, où
il mourut en 1850, à l’âge de quatre-vingt-sept ans.