“La
griserie est partie, voici venue l’heure de la réflexion”. Ce dicton
populaire nous revient à l’esprit en voyant le Pouvoir confronté
à tant de problèmes inextricables qu’il a feint d’ignorer
pendant des mois, sans leur trouver les solutions adéquates. Parmi
ces problèmes, ceux de caractère financier, enveniment les
rapports entre l’Exécutif et le Législatif et semblent devoir
provoquer une partie de bras de fer entre eux sous l’hémicyle.
Après
avoir perdu un temps précieux à bourlinguer au bout du monde,
passé du bon temps à festoyer avec des hôtes princiers
ou présidentiels, laissant au temps le soin de régler les
pro-blèmes requérant des solutions urgentes; après
les crises et les brouilles successives, les gouver-nants se réveillent
à l’amère réalité, ayant sur les bras tant
d’affaires aussi complexes les unes que les autres.
L’actualité refait surface brusquement et à l’approche
de la reprise des séances parlemen-taires, les rapports s’enveniment
entre le Législatif et l’Exécutif autour des problèmes
financiers.
Après le rejet du projet de prêt du milliard de dollars,
ramené à 800 millions, le gouvernement est confronté
à des obstacles qu’il éprouve de la difficulté à
aplanir, d’autant que le courant au sein de l’Assemblée nationale
ne lui est pas favorable, ainsi qu’il apparaît des dernières
délibérations de la commission parlementaire des Finances.
Celle-ci et son chef en a informé le président de la
République lundi, émet de sérieuses réserves
au sujet du projet de budget 98, dont les prévisions lui paraissent
“irrationnelles”.
De plus, la Chambre ne cache pas se réticence à propos
de la manière dont doit être assuré le montant (près
de 1500 milliards de livres) devant couvrir la nouvelle échelle
des traitements dans le secteur public, avec effet rétroactif à
début 96.
De plus, un membre du gouvernement, le ministre des Ressources, laisse
entendre que le relèvement du prix de l’essence, même de 5.000
L.L. les vingt litres, ne suffit pas à assurer les fonds nécessaires
au financement de la nouvelle échelle des traite-ments et pour démentir
les ru-meurs propagées ces derniers jours, le même ministre
a nié l’intention qu’on lui prête de majorer le prix
du courant élec-trique.
Aussitôt rentré de Hanoï - après avoir
visité Erivan, Téhéran et Tokyo - le Premier ministre
s’est empressé de se concerter avec les chefs de l’Etat et du Législatif,
en prévision des débats sous l’hémi-cycle. Mais le
courant ne semble nullement passer, actuellement, entre le Cabinet et le
parlement. En effet, la commission parlementaire des Finances a suspendu
l’examen du projet de budget 98, en attendant que ses chiffres soient discutés
avec le président du Conseil et le mi-nistre d’Etat pour les affaires
financières.
Appuyés par le président Berri, les parlementaires exigent
la compression des dépenses, en vue de freiner le gaspillage dans
les administrations publiques. Le président de la Chambre qui devait
s’entretenir à ce sujet avec le chef du gouvernement mardi, a tenu
à conférer, d’abord, avec les ténors de l’opposition
parle-mentaire.
En effet, il devait s’entretenir longuement, au préalable, avec
les présidents Hussein Huseini, Omar Karamé, Salim
Hoss, Salim Lahoud et Mohamed Y. Beydoun (M. Boutros Harb se trouvant à
l’étranger).
En bref, M. Berri soutient le point de vue ci-après: pas de
relèvement des taxes ni d’augmentation des impôts, si ce n’est
en dernier recours, pour réduire le déficit budgétaire.
L’épreuve de bras de fer entre le parlement et le Cabinet paraît
jusqu’ici inévitable et pourrait retarder la ratification de la
loi de finances au-delà du délai légal.
On peut donc dire que la griserie est partie; voici venue l’heure de
la réflexion et du contact avec la réalité; le réveil
s’avère particulièrement dépri-mant... |