A SON 7e SOMMET À HANOI LA FRANCOPHONIE SE DEFINIT COMME EN ESPACE CULTUREL, ECONOMIQUE ET POLITIQUE
LE 9e SOMMET AURA LIEU EN 2001 AU LIBAN

 
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Créée il y a plus d’un quart de siècle à l’initiative de trois présidents africains: Léopold Senghor, Hamani Diori et Habib Bourguiba, pour réunir les pays qui ont le “français en partage”, lancée dans la tradition des sommets en 1986 avec François Mitterrand à Versailles, la francophonie n’en finit pas de chercher sa voie.
 
 
Ouverture du 7e sommet de la francophonie. 
 
 
Chefs d’Etat et de gouvernement devant  
le palais présidentiel de Hanoi. 
 
 

C’est pour lui donner “un visage et une voix” que Jacques Chirac avait proposé, lors du sommet de Cotonou en décembre 1995, la création d’un poste de secrétaire général. Celui-ci, dans l’optique présidentielle, était destiné à ouvrir à la Francophonie l’“espace politique” qu’elle devrait occuper et que n’avait pu lui dessiner l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT) intergouvernementale créée en 1970.
Un homme était tout indiqué pour occuper ce poste: Boutros Boutros-Ghali, ancien secrétaire général de l’ONU.

BOUTROS-GHALI ET LA FRONDE DES PAYS AFRICAINS
Le choix du secrétaire général avait pesé sur les travaux du 7e sommet de la francophonie tenu à Hanoi du 14 au 16 novembre, précédé d’une visite d’Etat de deux jours du président Chirac au Vietnam et suivi d’une visite de 24h en Malaisie. La fronde que sa candidature avait suscitée au niveau des représentants de 29 pays africains, surprenait d’autant plus que Boutros Boutros-Ghali était désigné sous le vocable de “Boutros-Ghali l’Africain” lors de son mandat de secrétaire général de l’ONU qui s’est achevé le 1er décembre 1997, sans qu’il lui soit possible de le renouveler en raison du veto américain. Il avait servi le continent noir, y initiant divers projets de développement. Et voilà que nombre de chefs d’Etat et de gouvernement de ces pays se retournent contre lui, soutenus en sous-main par le Canada, le Québec et la Belgique.
Les vingt-neuf pays d’Afrique noire se sont révoltés contre le fait accompli et le choix d’un candidat, que les Etats-Unis avaient délibérément écarté des Nations Unies et “qui rentre sur la scène internationale par la fenêtre de la francophonie”. Ils ont tenté, sans succès, après le retrait de la candidature du Béninois Emile Zinsou de limiter le mandat du secrétaire général de quatre à deux ans; puis, de réduire ses prérogatives.
De guerre lasse, ils ont fini par rentrer dans le rang et entériner le choix du président Chirac désignant à l’unanimité et par acclamation Boutros Boutros-Ghali. Celui-ci bénéficiera, estime-t-on, de grandes largesses salariales, disposera d’un jet et d’un hôtel particulier mais, en revanche, donnera à la Francophonie, la dimension politique qui, jusqu’à ce jour, lui avait manqué. Il sera appelé à jouer un rôle dans la prévention des conflits, l’instauration d’un Etat de droit, la diplomatie active et coiffera les diverses organisations de la Francophonie.
Du haut de ses 75 ans, Boutros-Ghali, copte égyptien (l’Egypte ne compte que 2% de francophones), apportera à la Francophonie son immense expérience. Francophone et francophile, il avait conduit en fait la diplomatie égyptienne pendant quatorze ans et joué un rôle clé auprès d’Anouar Sadate dans les accords de Camp David. Il s’est déjà exprimé dans un ouvrage: “Les Chemins de Jérusalem” édité chez Fayard et se propose encore de livrer le résumé de ses cinq années onusiennes. Les Etats-Unis n’ont guère apprécié son discours, ni sa francophilie, encore moins l’enquête qu’il a diligentée sur les massacres de Cana et ont mis en cause la responsabilité israélienne.
Voici donc Boutros-Ghali lancé sur un parcours de quatre nouvelles années renouvelables et appelées à donner un nouveau lustre à la francophonie.
 

 
Le président Trân Duc Luong accueille  
Boutros Boutros-Ghali, désormais  
secrétaire général de la francophonie. 
 
 
Boutros Boutros-Ghali, le candidat de  
Jacques Chirac, premier secrétaire général  
de la francophonie. 
 
 

LES FRANCOPHONES, 2,5% SEULEMENT DE LA POPULATION MONDIALE
La nouvelle de la désignation de Boutros-Ghali à la fin du sommet de Hanoi a été accompagnée de l’annonce, par un représentant de Laurent-Désiré Kabila, du retrait de la République démocratique du Congo ex-Zaïre des pays francophones, infligeant une sorte de sanction au gouvernement français accusé d’avoir contribué au renversement du président Lissouba au Congo-Brazzaville. Kabila avait été soutenu dans sa rébellion par les pays anglophones limitrophes et par les Etats-Unis. Il n’est donc pas étonnant que la francophonie perde, ainsi, le plus grand pays d’Afrique noire. Elle va, en revanche accueillir trois nouveaux candidats: la Pologne, l’Albanie, la République fédérale de Macédoine.
Interrogé au sujet du retrait de la RDC, le président Chirac a indiqué que le secrétaire général examinera, désormais, la question avec les autorités de Kinshasa. Quant au Premier ministre canadien, Jean Chrétien, il a estimé que la francophonie est une organisation volontaire, que “personne n’est obligé d’y entrer” et que “tout le monde peut en sortir”, formulant toutefois l’espoir de voir le Congo collaborer au sein de la francophonie.
La francophonie, “royaume sans frontières”, cache aujourd’hui ses propres misères. L’Algérie appelée naturellement à s’y insérer, a toujours refusé d’en faire partie, craignant ses relents colonialistes. L’espace francophone, en dépit de la littérature qu’il alimente, rétrécit comme une peau de chagrin face à l’hégémonie mondiale de l’anglais. Les pays francophones comptent aujourd’hui quelque 500 millions d’hommes, tandis que les francophones eux-mêmes sont de l’ordre de 155 millions représentant 2,5% de la population mondiale. Le désenchantement commence en France-même où le poste de secrétaire d’Etat à la Francophonie a été supprimé, celle-ci étant placée, désormais, sous la responsabilité du secrétaire d’Etat à la Coopération et faisant l’objet d’efforts soutenus pour préserver et consolider l’usage du français dans le monde.
 

 
Le Premier ministre libanais, Rafic Hariri, accueilli par son homologue vietnamien, Phan Van Khaï.
 
Rafic Hariri à la tribune. 
 
 

SUR 76 MILLIONS DE VIETNAMIENS 350 À 550.000 FRANCOPHONES
Le Vietnam ou ex-Indochine n’a jamais été un pays francophone, à l’instar du Sénégal et de l’Algérie. On y compterait aujourd’hui sur 76 millions de Vietnamiens quelque 350 à 550.000 francophones. Et pourtant, c’est là que s’est déroulé le 7e sommet de la Francophonie en vue de la consolider pour y atteindre un pourcentage de 5%.
Dans l’espoir de faire du Vietnam une tête de pont de la francophonie vers l’Asie, la France y a organisé le sommet, répondant au désir du Vietnam de parachever son ouverture sur le monde avec une première manifestation internationale. Celle-ci serait pour lui une avant-première du sommet de l’Asean qu’il accueillera l’an prochain, utilisant à cette fin le centre de conférences internationales de 6000 mètres carrés largement financé par la France. Les autorités françaises ont déboursé près de 12 millions de dollars, couvrant à 70% les coûts des travaux du sommet où le Canada a également eu sa part.
Les intérêts ont ainsi convergé et le Vietnam a assuré le tiers des frais d’infrastructures. Il a rénové le palais de l’Amitié où 1200 personnes ont participé à la séance inaugurale en présence de 36 chefs d’Etat et de gouvernement, des représentants de 48 pays et de 750 journalistes. Il a également remis à neuf l’opéra de Hanoi où se sont déroulées une soirée de gala et la conférence de presse de clôture, déboursant à lui seul 17 millions de dollars.
Soucieuses de la qualité de leur image à l’étranger, les autorités vietnamiennes ont procédé à la réfection et l’embellissement de 33 rues du centre-ville, ont repavé 70.000 mètres carrés de trottoirs, repeint les édifices coloniaux, réactivé le système d’éclairage, confiant aux Français la formation linguistique et professionnelle de 3000 Vietnamiens dont 175 ont effectué des stages en France.
Jacques Chirac a inauguré le Musée d’ethnographie d’Hanoi où se présentent 54 ethnies du Vietnam et qui a été réalisé avec le concours de la France. Il a visité Ho-Chi-Minh (ville) accompagné d’une vingtaine d’hommes d’affaires qui ont conclu des contrats avec les Vietnamiens (surmontant les lourdeurs administratives et la perception du temps par les interlocuteurs). Il a inauguré à Hanoi une école bilingue financée par l’association internationale des maires de France et évoqué les droits de l’homme et réussi à préserver les intérêts économiques, culturels et politiques de la France et de la francophonie, lâchant enfin à l’occasion du sommet: “Osons le dire, la francophonie est une entreprise résolument politique”.

Le drapeau libanais présent parmi les 46 drapeaux des pays francophones.
HARIRI À LA TÊTE D’UNE IMPORTANTE DÉLÉGATION LIBANAISE
Le Premier ministre Hariri qui a conduit une importante délégation libanaise à Hanoi y a reçu deux bonnes nouvelles: l’annonce, par son homologue, Jean Chrétien de la reprise des vols de la MEA en territoire canadien et la décision de tenir le 9e sommet de la Francophonie en 2001 au Liban. Le 8e étant prévue en 1999 au Nouveau-Brunswick au Canada.
Considérant le français “comme le fondement même d’une vision d’un monde humaniste et fraternel”, Rafic Hariri a estimé dans son discours que “le Liban aux marches de l’Asie et aux portes de l’Europe, a joué un rôle-phare dans le rayonnement du français. Fier de sa culture arabe et de son héritage méditerranéen, il perçoit la francophonie comme mode de vie et de pensée.”
Plaidant pour la libération du territoire de la présence israélienne en application de la résolution 425 du Conseil de sécurité, le Premier ministre Hariri a estimé qu’“un Liban pleinement maître de ses destinées est une nécessité pour ses partenaires. Il est un pays charnière pour le dialogue Nord-Sud et Sud-Sud. Il continuera à faire de la francophonie dans l’espace arabophone, un espace unique d’échanges, de culture et de développement”.
 
REPRISE DES VOLS DE LA MEA VER MONTRÉAL 
Pour le Liban, une des grandes surprises du 7e sommet de le francophonie fut, en dehors de la tenue en 2001 à Beyrouth du 9e sommet de la francophonie, l’annonce par le Premier ministre canadien, Jean Chrétien, de la reprise des vols de la Middle East Airlines vers Montréal, la grande métropole du Québec. 

La nouvelle a été rendue officielle à la faveur d’une réunion entre les deux Premiers ministres Hariri et Chrétien, réunis en marge du sommet. Elle a été accueillie avec joie et soulagement autant au Liban qu’au Canada où vivent plus de 250.000 Canadiens d’origine libanaise. 
Cette décision est le résultat d’efforts soutenus de la part de sénateurs et députés canadiens d’origine libanaise qui ont longtemps sollicité à cette fin les autorités canadiennes, des efforts de diverses instances libanaises au Canada et au Liban, de ceux du gouvernement libanais qui est revenu à plusieurs reprises sur le sujet, notamment lors du voyage au Canada, en mars dernier, du chef du gouvernement. 
Aussi heureux que son homologue libanais, Jean Chrétien a confié qu’il avait été le premier chef de gouvernement canadien à visiter en 1971 le Liban. 


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