![]() Ouverture du 7e sommet de la francophonie. |
![]() Chefs d’Etat et de gouvernement devant le palais présidentiel de Hanoi. |
C’est pour lui donner “un visage et une voix” que Jacques Chirac avait
proposé, lors du sommet de Cotonou en décembre 1995, la création
d’un poste de secrétaire général. Celui-ci, dans l’optique
présidentielle, était destiné à ouvrir à
la Francophonie l’“espace politique” qu’elle devrait occuper et que n’avait
pu lui dessiner l’Agence de coopération culturelle et technique
(ACCT) intergouvernementale créée en 1970.
Un homme était tout indiqué pour occuper ce poste: Boutros
Boutros-Ghali, ancien secrétaire général de l’ONU.
BOUTROS-GHALI ET LA FRONDE DES PAYS AFRICAINS
Le choix du secrétaire général avait pesé
sur les travaux du 7e sommet de la francophonie tenu à Hanoi du
14 au 16 novembre, précédé d’une visite d’Etat de
deux jours du président Chirac au Vietnam et suivi d’une visite
de 24h en Malaisie. La fronde que sa candidature avait suscitée
au niveau des représentants de 29 pays africains, surprenait d’autant
plus que Boutros Boutros-Ghali était désigné sous
le vocable de “Boutros-Ghali l’Africain” lors de son mandat de secrétaire
général de l’ONU qui s’est achevé le 1er décembre
1997, sans qu’il lui soit possible de le renouveler en raison du veto américain.
Il avait servi le continent noir, y initiant divers projets de développement.
Et voilà que nombre de chefs d’Etat et de gouvernement de ces pays
se retournent contre lui, soutenus en sous-main par le Canada, le Québec
et la Belgique.
Les vingt-neuf pays d’Afrique noire se sont révoltés
contre le fait accompli et le choix d’un candidat, que les Etats-Unis avaient
délibérément écarté des Nations Unies
et “qui rentre sur la scène internationale par la fenêtre
de la francophonie”. Ils ont tenté, sans succès, après
le retrait de la candidature du Béninois Emile Zinsou de limiter
le mandat du secrétaire général de quatre à
deux ans; puis, de réduire ses prérogatives.
De guerre lasse, ils ont fini par rentrer dans le rang et entériner
le choix du président Chirac désignant à l’unanimité
et par acclamation Boutros Boutros-Ghali. Celui-ci bénéficiera,
estime-t-on, de grandes largesses salariales, disposera d’un jet et d’un
hôtel particulier mais, en revanche, donnera à la Francophonie,
la dimension politique qui, jusqu’à ce jour, lui avait manqué.
Il sera appelé à jouer un rôle dans la prévention
des conflits, l’instauration d’un Etat de droit, la diplomatie active et
coiffera les diverses organisations de la Francophonie.
Du haut de ses 75 ans, Boutros-Ghali, copte égyptien (l’Egypte
ne compte que 2% de francophones), apportera à la Francophonie son
immense expérience. Francophone et francophile, il avait conduit
en fait la diplomatie égyptienne pendant quatorze ans et joué
un rôle clé auprès d’Anouar Sadate dans les accords
de Camp David. Il s’est déjà exprimé dans un ouvrage:
“Les Chemins de Jérusalem” édité chez Fayard et se
propose encore de livrer le résumé de ses cinq années
onusiennes. Les Etats-Unis n’ont guère apprécié son
discours, ni sa francophilie, encore moins l’enquête qu’il a diligentée
sur les massacres de Cana et ont mis en cause la responsabilité
israélienne.
Voici donc Boutros-Ghali lancé sur un parcours de quatre nouvelles
années renouvelables et appelées à donner un nouveau
lustre à la francophonie.
![]() Le président Trân Duc Luong accueille Boutros Boutros-Ghali, désormais secrétaire général de la francophonie. |
![]() Boutros Boutros-Ghali, le candidat de Jacques Chirac, premier secrétaire général de la francophonie. |
LES FRANCOPHONES, 2,5% SEULEMENT DE LA POPULATION
MONDIALE
La nouvelle de la désignation de Boutros-Ghali à la fin
du sommet de Hanoi a été accompagnée de l’annonce,
par un représentant de Laurent-Désiré Kabila, du retrait
de la République démocratique du Congo ex-Zaïre des
pays francophones, infligeant une sorte de sanction au gouvernement français
accusé d’avoir contribué au renversement du président
Lissouba au Congo-Brazzaville. Kabila avait été soutenu dans
sa rébellion par les pays anglophones limitrophes et par les Etats-Unis.
Il n’est donc pas étonnant que la francophonie perde, ainsi, le
plus grand pays d’Afrique noire. Elle va, en revanche accueillir trois
nouveaux candidats: la Pologne, l’Albanie, la République fédérale
de Macédoine.
Interrogé au sujet du retrait de la RDC, le président
Chirac a indiqué que le secrétaire général
examinera, désormais, la question avec les autorités de Kinshasa.
Quant au Premier ministre canadien, Jean Chrétien, il a estimé
que la francophonie est une organisation volontaire, que “personne n’est
obligé d’y entrer” et que “tout le monde peut en sortir”, formulant
toutefois l’espoir de voir le Congo collaborer au sein de la francophonie.
La francophonie, “royaume sans frontières”, cache aujourd’hui
ses propres misères. L’Algérie appelée naturellement
à s’y insérer, a toujours refusé d’en faire partie,
craignant ses relents colonialistes. L’espace francophone, en dépit
de la littérature qu’il alimente, rétrécit comme une
peau de chagrin face à l’hégémonie mondiale de l’anglais.
Les pays francophones comptent aujourd’hui quelque 500 millions d’hommes,
tandis que les francophones eux-mêmes sont de l’ordre de 155 millions
représentant 2,5% de la population mondiale. Le désenchantement
commence en France-même où le poste de secrétaire d’Etat
à la Francophonie a été supprimé, celle-ci
étant placée, désormais, sous la responsabilité
du secrétaire d’Etat à la Coopération et faisant l’objet
d’efforts soutenus pour préserver et consolider l’usage du français
dans le monde.
![]() Le Premier ministre libanais, Rafic Hariri, accueilli par son homologue vietnamien, Phan Van Khaï. |
![]() Rafic Hariri à la tribune. |
SUR 76 MILLIONS DE VIETNAMIENS 350 À
550.000 FRANCOPHONES
Le Vietnam ou ex-Indochine n’a jamais été un pays francophone,
à l’instar du Sénégal et de l’Algérie. On y
compterait aujourd’hui sur 76 millions de Vietnamiens quelque 350 à
550.000 francophones. Et pourtant, c’est là que s’est déroulé
le 7e sommet de la Francophonie en vue de la consolider pour y atteindre
un pourcentage de 5%.
Dans l’espoir de faire du Vietnam une tête de pont de la francophonie
vers l’Asie, la France y a organisé le sommet, répondant
au désir du Vietnam de parachever son ouverture sur le monde avec
une première manifestation internationale. Celle-ci serait pour
lui une avant-première du sommet de l’Asean qu’il accueillera l’an
prochain, utilisant à cette fin le centre de conférences
internationales de 6000 mètres carrés largement financé
par la France. Les autorités françaises ont déboursé
près de 12 millions de dollars, couvrant à 70% les coûts
des travaux du sommet où le Canada a également eu sa part.
Les intérêts ont ainsi convergé et le Vietnam a
assuré le tiers des frais d’infrastructures. Il a rénové
le palais de l’Amitié où 1200 personnes ont participé
à la séance inaugurale en présence de 36 chefs d’Etat
et de gouvernement, des représentants de 48 pays et de 750 journalistes.
Il a également remis à neuf l’opéra de Hanoi où
se sont déroulées une soirée de gala et la conférence
de presse de clôture, déboursant à lui seul 17 millions
de dollars.
Soucieuses de la qualité de leur image à l’étranger,
les autorités vietnamiennes ont procédé à la
réfection et l’embellissement de 33 rues du centre-ville, ont repavé
70.000 mètres carrés de trottoirs, repeint les édifices
coloniaux, réactivé le système d’éclairage,
confiant aux Français la formation linguistique et professionnelle
de 3000 Vietnamiens dont 175 ont effectué des stages en France.
Jacques Chirac a inauguré le Musée d’ethnographie d’Hanoi
où se présentent 54 ethnies du Vietnam et qui a été
réalisé avec le concours de la France. Il a visité
Ho-Chi-Minh (ville) accompagné d’une vingtaine d’hommes d’affaires
qui ont conclu des contrats avec les Vietnamiens (surmontant les lourdeurs
administratives et la perception du temps par les interlocuteurs). Il a
inauguré à Hanoi une école bilingue financée
par l’association internationale des maires de France et évoqué
les droits de l’homme et réussi à préserver les intérêts
économiques, culturels et politiques de la France et de la francophonie,
lâchant enfin à l’occasion du sommet: “Osons le dire, la francophonie
est une entreprise résolument politique”.
REPRISE DES VOLS DE LA MEA
VER MONTRÉAL
Pour le Liban, une des grandes surprises du 7e sommet de le francophonie fut, en dehors de la tenue en 2001 à Beyrouth du 9e sommet de la francophonie, l’annonce par le Premier ministre canadien, Jean Chrétien, de la reprise des vols de la Middle East Airlines vers Montréal, la grande métropole du Québec. La nouvelle a été rendue officielle à la faveur
d’une réunion entre les deux Premiers ministres Hariri et Chrétien,
réunis en marge du sommet. Elle a été accueillie avec
joie et soulagement autant au Liban qu’au Canada où vivent plus
de 250.000 Canadiens d’origine libanaise.
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