A PARTIR DU 25 NOVEMBRE
RÉOUVERTURE DU MUSÉE NATIONAL

 
Camille Asmar, directeur général des Antiquités: 
montrer notre civilisation surtout aux nouvelles générations.
Le 18 novembre 1993, à l’occasion de la fête de l’indépendance, le Musée national, réédition du Check Point Charlie de Berlin, était ouvert pour dix jours au public, au cours d’une cérémonie officielle présidée par le chef de l’Etat, en présence de quelque 800 invités. Dix jours durant, toute la République avec ses cars d’élèves exubérants s’était déversée dans l’enceinte du musée blessé, humilié, ravagé, pillé, portant sur ses façades lépreuses les stigmates d’une guerre cruelle. Mais toujours debout.
Façade du Musée de Beyrouth.
Le 25 novembre 1997, une autre cérémonie chargée de symboles, va permettre la réouverture définitive du musée national. Placée sous le patronage du président de la République M. Elias Hraoui, elle a été organisée par le ministère de la Culture et de l’Enseignement supérieur, la direction générale des Antiquités en coopération avec la Fondation nationale du patrimoine et les Amis du Musée.
A partir de cette date, le rez-de-chaussée et une partie du sous-sol seront ouverts tous les jours au public de 10h à 17h (prix d’entrée 5000L.L. - 1000 pour les étudiants), à l’exception des lundis et mardis où se poursuivront les travaux de réfection.
Entre le 18 novembre 1993 et le 25 novembre 1997, un pas de géant a été franchi dans la réhabilitation du musée qui résume 6000 ans de civilisation, de l’époque préhistorique jusqu’au XIXème siècle.

Tribune du temple d’Echmoun, (IV-IIIe s. avant J.C.).
 

UN CENTRE CULTUREL ET ÉDUCATIF
On découvrira, désormais, une partie des trésors du musée dans le sous-sol, à travers 26 sarcophages anthropoïdes de la collection Ford de Saïda et 75 grands objets au rez-de-chaussée: sarcophages, statues, fresques, stèles, mosaïques etc... Les mêmes que par le passé, mais exposés dans un contexte scientifique rénové qui illustre “une nouvelle conception du musée qui n’est plus un lieu d’attraction pour les touristes, mais un centre culturel et éducatif“ comme l’indique Camille Asmar, directeur général des Antiquités.
C’est l’équipe du Musée national composée de Suzy Hakimian, Anne-Marie Afeiche, Isabelle Skaff et leurs collaborateurs qui a créé, sous la direction de M. Asmar et avec l’assistance du Musée de France, ce nouveau concept du musée national, avec notamment la mise en valeur de son architecture intérieure. “Tous les revêtements muraux ont été éliminés, la pierre remise à l’état initial et les deux salles arabes converties l’une en lieu de projection doté d’un système audiovisuel relatant l’histoire du Musée; l’autre en vestiaire, boutique, billetterie, explique M. Asmar qui révèle, en outre, que le système de sécurité intérieure et extérieure est assuré avec “l’aide si précieuse“ de l’Armée et de ses conscrits.


L’un des plus beaux joyaux du Musée national: 
le sarcophage d’Ahiram datant du Xème siècle avant J.C..
s’y trouve gravé le premier alphabet du monde.
 

“UN RÊVE QUI A TRAVERSÉ PLUSIEURS GÉNÉRATIONS”
“Un travail de ruche“ a mobilisé d’immenses énergies aux divers stades de la restauration. Pour le ravalement et la réfection des façades extérieures, un budget de 950 millions de L.L. a été alloué par l’Etat à la Direction générale des Antiquités (DGA) qui l’a mis à la disposition du CDR, lequel en a assuré l’adjudication. La remise en état de ces façades s’est faite avec la pierre ocre qui pouvait s’intégrer dans la pierre calcaire originale qu’avait choisie en 1937 l’architecte Antoine Nahas, lorsqu’il entreprit la construction, dans le style égyptien en vogue à l’époque, la construction du Musée national.
Le rêve d’un tel édifice avait traversé plusieurs générations et s’était précisé dès le 10 décembre 1926 avec la formation sous le patronage du président de la République, d’un Comité des amis des musées nationaux. Ouvert au public en 1938, le Musée fut inauguré officiellement en 1942.
La DGA a travaillé en coopération avec la Fondation du patrimoine présidé par Mme Mona Hraoui pour le réaménagement intérieur du Musée. La première a détruit toutes les chapes de béton qui enveloppaient les objets, décapé les murs, procédé au nettoyage des lieux. La seconde a assuré les travaux de réfection: peinture, carrelage, toiture de verre, scénographie (réalisée par M. Villemotte), panneaux d’exposition, associant à ses efforts les services gracieux de la société As-Said et de multiples donateurs.
“Ce n’est qu’une phase temporaire, relève Camille Asmar. Nous devrons parvenir à ouvrir tous les étages. La réfection du sous-sol n’est pas achevée, il faudra en refaire tout l’inventaire, l’informatiser. Et c’est déjà énorme. La remise en état de l’étage supérieur en plus de celle du rez-de-chaussée est déjà achevée. Nous continuerons le travail après le 26“.


Mosaïque de la fin du IIIème siècle de notre ère représentant Galliopé,
muse de la philosophie entourée des sept sages présidés par Socrate l’Athénien.
 

UN LONG PARCOURS
Camille Asmar parle avec la rigueur d’un scientifique. Il connaît son métier et il s’y passionne depuis si longtemps. Confirmé en 1992 au poste de directeur général des Antiquités, il en avait assuré l’intérimat dès 1983 à la suite du départ à la retraite de l’émir Maurice Chéhab. C’est avec ce dernier qu’il a effectué dès 1963 son parcours. Il a fallu qu’il se présente à un concours organisé par le ministère de l’Education nationale en vue d’entrer à la DGA, en qualité d’architecte-restaurateur, pour que tout commence. Il avait en poche son bac mathélem à la sortie du collège du Sacré-Cœur et le voici sorti premier, détenteur d’une bourse lui ouvrant pour cinq ans les portes de la faculté d’architecture à l’Université de Rome.
Il retrouve en 1963 l’émir Maurice sur les chantiers de Tyr, Balamand, Jbeil et c’est de nouveau, muni d’une bourse de l’Unesco, le départ en 1967 pour l’Italie où il se spécialise dans la restauration des monuments. La route est toute tracée. Il s’y engage jusqu’au bout, prenant la relève de l’émir Maurice qui avait fait du Liban pendant soixante ans un immense chantier.
“Il était le premier dit Camille Asmar. Nous continuons son œuvre.“

EVELYNE MASSOUD
 
HOMMAGE À L'ÉMIR MAURICE CHÉHAB
Si le Musée national a réussi à conserver ses trésors et qu’il se trouve en mesure d’en exposer une partie au public, il le doit principalement à l’émir Maurice Chéhab, à son génie, à ses connaissances monumentales, à sa prodigieuse imagination et à son immense dévouement.
Les démons de la guerre n’ont pu avoir raison de l’émir Maurice Chéhab ni des trésors qu’il avait commencé à conserver bien avant la construction du Musée national. Avec lui, le Liban était devenu un immense chantier à ciel ouvert où les cités antiques exhumaient, des profondeurs de la terre, les différentes strates d’une civilisation six fois millénaire et donnaient à Tyr, grandiose et sublime, la place d’honneur.
Dès le début de la guerre en 1975, l’émir Maurice, secondé par son admirable épouse Olga, surnommée la “doctora” par les Syriens, commence à réunir les objets précieux (bijoux, haches d’or) du premier étage du musée dans des boîtes scellées à la cire rouge, les plaçant dans un coffre-fort pour les  déposer à la Banque centrale.
Seconde étape: l’émir songe, après avoir préservé l’importante collection d’archives historiques, à emmurer d’autres objets précieux et effectue avec le gardien du musée un véritable travail de maçonnerie, malaxant le béton et fermant les petites lucarnes, accès et porte d’entrée où furent placés ces objets.
Il fait, ensuite, couler une dalle de béton sur toutes les mosaïques internes et entourer de sacs de sable tous les sarcophages. Et quand les sacs de sable sont retirés pour être utilisés dans les retranchements des forces armées, il fait poser de grosses lattes de bois cerclées de fer autour de ces sarcophages, les remplace par des blocs de béton et fait acheminer les sculptures transportables vers les dépôts. Ultime recours, le béton armé pour préserver définitivement les sarcophages et les sauver des bombardements israéliens de juin 1982.
Tout ce travail s’est effectué sous les tirs et les bombardements dans des conditions héroïques, avec des ouvriers de la première heure. Juste pour conserver la mémoire d’un pays et d’un peuple.
Le 24 décembre 1994, l’émir Maurice Chéhab nous quittait pour l’éternité avec laquelle il avait déjà été confronté pendant plus de soixante ans.
 
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