DENISE AMMOUN, PRIX PHENIX 1997
"DU COLONEL À LA JAMBE DE BOIS"
À L'"HISTOIRE DU LIBAN CONTEMPORAIN 1860-1943"

 
Denise Ammoun vient de remporter le “Phenix 1997” pour son ouvrage “Histoire du Liban Contemporain 1860-1943”. C’est un livre de 550 pages, nourri des travaux historiques et éclairé par les dizaines d’entretiens obtenus par l’auteur, de la plupart des grands acteurs de cette histoire du Liban: Camille Chamoun, Alfred Naccache, Sabri Hamadé, Adel Osseirane, Ahmed Daouk, Saëb Salam, Rachid Karamé, Takieddine Solh, Fouad Ammoun, Raymond Eddé, Pierre Gemayel, Magid Arslan, le général Catroux, Sir Edward Spears, Jawad Boulos, etc...
Denise Ammoun se trouve à Beyrouth pour la signature de son ouvrage prévue pour le jeudi 27 novembre à la Librairie Antoine. Notre collaboratrice Mary Yazbek Azoury l’a interviewée pour “La Revue du Liban”. Il ne s’agit pas uniquement de questions réponses, dans cet article; la journaliste a livré, aussi, ses impressions sur la personnalité de Denise Ammoun, une amie de longue date.
 
 
Denise Ammoun photographiée à l’ambassade
de France au Caire, entre M. Nicolas Grimal, 
professeur et directeur de l’IFAO (Institut 
français d’archéologie orientale) et
l’ambassadeur de France en Egypte, M. Patrick Leclercq. 
 
 
Denise Ammoun avec son “amie et complice”,  
notre collaboratrice Mary Yazbek Azoury. 

 

UNE FAMILLE DE DIPLOMATES ET DE MAGISTRATS
Qui est Denise Ammoun?
Si l’on a beaucoup parlé du “Prix Phenix”, la presse en général n’a pas livré grand chose sur la personne de Denise Ammoun; nombreux sont les lecteurs qui s’interrogent sur la récipiendaire du Prix.
Denise Ammoun, fille de l’ingénieur Salim Iskandar Ammoun, le “père” du fameux pont ouvrant de Kasr el-Nil du Caire, est la nièce de l’ancien ministre des Affaires étrangères, Fouad Ammoun et du magistrat Farid Ammoun.
Elle aurait pu être avocate et brillante pénaliste, le “crime” n’ayant pas de secret pour elle.
A la voir si gentille, si aimable, si petite, on a du mal à imaginer les nerfs d’acier, la volonté farouche, la détermination que cache son sourire. Mais il faut toujours se méfier de l’eau qui dort.
Denise a fait ses études secondaires au pensionnat de la Mère de Dieu à Garden-City au Caire.
Son enfance et son adolescence coulent paisibles et heureuses au sein d’une famille unie qui la gâte et la dorlote, étant la benjamine de quatre enfants. Son frère aîné Alexandre est ambassadeur du Liban; son autre frère Nabil est magistrat à Montréal et sa regrettée sœur Marie-Thérèse, peintre et pianiste de talent.
Elle aurait pu se contenter d’une vie “gracieuse” et douillette, mais c’était sans compter sur le caractère bien trempé de Denise qui sait ce qu’elle veut faire dans la vie. Au pensionnat, elle rafle tous les prix de “français” et de “dissertation”, souvent aussi ceux d’histoire. Elle adore l’histoire et toutes sortes d’histoires.
Après des études en droit à l’université Saint Joseph de Beyrouth, Denise tombe sur une annonce faite par “Magazine” qui recrute de jeunes talents. Elle passe le concours et l’emporte haut la main avec un conte intitulé: “Le Colonel à la jambe de bois”.
Elle commence, immédiatement, sa carrière dans le judiciaire. Elle hante le palais de justice et pendant un certain temps, il lui faut sa dose hebdomadaire d’“Un crime chaque jeudi”, pour sa rubrique. Très tôt, elle devient quasi-experte en criminologie.
Du “crime”, elle passe aux interviews, puis aux reportages et devient, enfin, grand reporter. Elle se passionne de plus en plus pour l’histoire.

“LA PETITE HISTOIRE DE LA GRANDE HISTOIRE”
En 1972, Denise Ammoun commence une série de reportages “Comment est né le Grand Liban”, interviews qui l’aideront beaucoup dans la rédaction de son ouvrage. Elle collabore, aussi, à l’INA (Institut National de l’Audiovisuel). Elle a un programme à la radio et à la télévision baptisé “La petite Histoire de la Grande Histoire.”
En avril 1975, elle lance à la radio et à la TV une série historique dont “Les Martyrs du 6 mai 1916”, ou l’histoire des célèbres condamnés et “pendus” de la Place des Canons.
Mais la guerre est déjà aux portes du Liban et Denise est obligée d’interrompre en novembre les émissions de TV, mais elle poursuit les émissions de radio.
Entre-temps, elle a fait paraître, en 1974, un roman pour jeunes: “Le Mors aux Dents.”
Puis, survient la rupture. Pour des raisons familiales, Denise est obligée de se rendre en Egypte où elle séjourne en tant que correspondante de “Magazine”.
Un événement important survient: elle est contactée par le groupe Bayard Presse, et elle devient la correspondante du quotidien “La Croix” en 1982. Elle couvre pour ce journal “la récupération totale du Sinaï par l’Egypte” en avril 1982.
Denise revient au Liban pour couvrir pour “La Croix”, “Les accords du 17 mai 1983.”
En 1985, elle devient, aussi, la correspondante de l’hebdomadaire “Le Point”  en Egypte. Après les raisons familiales, les raisons professionnelles l’obligent à demeurer au Caire.
En mai 1985, elle publie “L’Egypte des Mains Magiques”, qui en est à sa troisième réédition. Cet ouvrage est édité par l’Institut français d’archéologie  orientale (IFAO) brillamment dirigé par le professeur Nicolas Grimal. L’édition anglaise a été faite par l’“American University at Cairo” (AUC) sous le titre: “Crafts of Egypt”.
Elle participe, aussi, à un ouvrage sur Thèbes au temps de Ramsès II.

UNE VIE PASSIONNANTE ET STRESSANTE
On demande à Denise comment elle trouve la vie de correspondante.
- “C’est une vie passionnante, particulièrement intéressante, mais qui est aussi souvent stressante. Un correspondant de Presse doit savoir sélectionner l’angle inédit, susceptible de captiver le lecteur. Il lui faut toujours être à la pointe de l’actualité. C’est pourquoi, il est indispensable d’être “accroché” littéralement à sa radio. Le Journalisme, c’est l’Histoire (future) au quotidien.”

- Donnez-nous un exemple d’urgence dans la vie d’un correspondant.
- “Le tremblement de terre en Egypte en 1992. Du point de vue humain, la couverture d’un tel événement exige une endurance et une présence terribles. Il fallait dans un laps de temps très court rendre compte à deux organes de presse différents, de l’actualité brûlante, qui évoluait d’une minute à l’autre. Vous ne pouvez imaginer le stress que cela provoque.”

- Pourriez vous citer un autre exemple?
-“La Conférence au Sommet de Sharm el Skeikh. Evidemment cela est passionnant, car si cela ne l’était pas, impossible d’y survivre. On a vu défiler au Caire les personnalités les plus importantes du globe: les présidents Chirac, Clinton... J’ai aussi assisté à la célèbre conférence donnée par Chirac à l’Université du Caire.”

- Quelles sont les personnalités politiques qui vous ont le plus impressionnée?
- “Le président Anwar el Sadate en premier, puis les Généraux Catroux et Spears.”

- Qu’est ce qui vous a le plus frappé chez ces derniers?
- “Leur mémoire des événements, car ils étaient déjà très âgés, mais d’une parfaite lucidité. Le Général Catroux avait 92 ans et Sir Edward Spears plus de 80 ans. Pourtant, les événements du Liban leur étaient toujours présents à l’esprit. J’ai senti chez eux, quoique habilement dissimulée, la même haine que chacun éprouvait pour l’autre.”

- Et parmi les personnalités libanaises?
Denise sourit et d’un air entendu répond:
- “Je serais incapable de les énumérer toutes... Vous les découvrirez dans l’“Histoire du Liban Contemporain”.

“UN FAIBLE POUR ASTÉRIX” ET LES “CHINOISERIES”
Pour mieux cerner la personnalité de Denise Ammoun, nous lui posons la question classique:
- Quels sont vos hobbies?
- “La marche et la lecture... Et pour me délasser “Astérix” et les bandes dessinées. J’ai un faible pour eux, car ils sont capables de me faire oublier tous mes soucis.”

- Etes vous cordon-bleu, ou même gourmande?
- “Je suis loin d’être un cordon-bleu, je me débrouille pas mal, mais tout juste. Quant à être gourmande, je ne pense pas l’être, mais j’apprécie particulièrement la cuisine chinoise qui ne cesse de me surprendre. Je ne m’en lasse jamais.”

- Quelle est votre qualité maîtresse?
- “J’ai un sens profond de l’amitié. Un ami est toujours mon ami, malgré le temps et les distances.”

- Quel est votre principal défaut ou vos défauts?”
Denise sourit et répond avec humour:
- “Qui n’en a pas? Mais aussi qui aime à avouer ses défauts?”

CE N’EST PAS UN LIVRE UNIVERSITAIRE...
Nous revenons à l’ouvrage de Denise, qui lui a valu le “Phenix”:
- Pensez-vous avoir fait œuvre d’Historien?
- “Je n’ai pas la prétention d’avoir écrit un livre universitaire ou savant. C’est un livre qui, du point de vue historique, est rigoureusement exact, car j’ai vérifié minutieusement tous les détails et j’ai lu beaucoup de livres à ce sujet. Comme preuves, jetez un coup d’œil sur la bibliographie citée à la fin de mon livre.

-Avez-vous été objective?
- “Je crois avoir réussi à mettre mes sentiments personnels de côté et à m’en être tenue strictement aux faits”, répond Denise.
Il faut reconnaître qu’ayant parcouru le livre, il se révèle agréable, facile à lire, bien enlevé, rapide, riche en détails inédits de la marche du Liban vers l’Indépendance.

- Quelle idée principale vous a guidée en rédigeant?
- “J’ai voulu éclairer mon livre d’Histoire, en créant une ambiance et en replaçant les protagonistes dans le climat vécu.”
En effet, en lisant le livre de Denise Ammoun, on a l’impression de vivre les scènes historiques et même d’y participer.

- Avez-vous été surprise par le Prix Phenix?
- Enormément, car j’ignorais avoir été sélectionnée. Quand Alexandre Najjar m’a téléphoné pour me l’apprendre, j’ai été surprise et heureuse”.

- Quels sont vos projets d’avenir?
- “Rédiger le tome II de l’ouvrage en poursuivant de 1943 à 1970, dans un premier temps. Mon travail n’est pas une thèse de doctorat. Je veux écrire un livre d’Histoire rigoureux et bien documenté. J’ai voulu dans mon premier livre et j’espère dans le second, raconter les événements et en tirer les conséquences sans le moindre parti pris.

- Quelle est votre philosophie de la vie?
- “Avoir foi dans la vie... Et tenir le coup, contre vents et marées”.
 

LE JURY DU “PRIX PHENIX” 
“Histoire du Liban Contemporain” édité chez Fayard, a obtenu le “Prix Phenix 1997”. 
Quelle est la composition du jury ayant décerné ce prix? 
Alexandre Najjar en est le coordonnateur et Amine Maalouf en est le président. 
Mais cette année, en raison d’un empêchement, c’est Nicole Avril (romancière) qui a présidé le jury, constitué comme suit: 
- Amine Maalouf, Prix Goncourt 1993. 
- Jean Lacouture, écrivain 
- Yves Berger, directeur des Editions Grasset. 
- Yann Quéffélec, Prix Goncourt 1985. 
- Paule Constant, Grand Prix de l’Académie française. 
- Josianne Savignau, “Le Monde des Livres”. 
- Jean-Claude Barré, écrivain. 
- Pascal Lainé, Prix Goncourt 1974. 
- Vénus-Khoury Ghatta, écrivain. 
- Salah Stétié, écrivain. 
- Mona Béchara, directrice de “Magazine”. 
-Maria Chakhtoura, responsable du service culturel  de “L’Orient-Le Jour”. 
-Lucien Georges, les Fiches du Monde Arabe (FMA). 
Nicole Avril, présidente du jury a estimé que “Le Liban aujourd’hui fait un voeu de renaissance et d’unité et l’ouvrage de Denise Ammoun y contribue grandement. L’unité ne se fait pas sur l’oubli, mais sur une mémoire commune”, a-t-elle conclu. 
A l’heure où nous mettons sous presse, nous ignorons encore la date de la remise du Prix. 

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