La
fête nationale qui perd chaque année de son éclat,
s’est caractérisée, le 22 novembre, par la morosité
et l’indifférence; le cœur n’y était pas, d’autant que le
doute s’est emparé des esprits quant à l’avenir... Fort heureusement,
la Grande Muette donne encore des raisons d’espérer en une relève
possible des institutions étatiques, à condition qu’à
leur tête soient placés des éléments connus
pour leur incorruptibilité, leur zèle et leur compétence.
“Dans quel
état es-tu reve-nue, ô fête!”, est-on porté à
répéter avec le poète arabe.
Il s’agit, on l’aura deviné, de celle ayant marqué le
54ème anniversaire de l’indépendance, dont l’avènement
le 22 novembre 1943, avait enflammé le cœur des Libanais, d’autant
qu’il fut le fruit d’une bataille à l’échelle nationale,
ayant couronné une épreuve de force entre la puis-sance mandataire
et le peuple tout entier, après que celle-ci eut commis l’erreur
d’emprisonner plusieurs dirigeants à la cidatelle de Rachaya.
Par la suite, la fête perdait chaque année un peu de son
éclat. Puis, il y a eu la sale guerre: le doute s’est emparé
des esprits et les citoyens se sont mis à s’interroger sur leur
avenir et sur le statut du Liban en tant qu’Etat indépendant, libre
et souverain.
A cela se sont ajoutés tant de problèmes et de soucis
dont le règlement s’avère d’autant malaisé, qu’un
consensus pa-raît difficile à obtenir, étant donné
le clivage séparant la classe dirigeante des adminis-trés.
Comment peut-on se réjouir - le cœur n’y est pas - alors que
les personnes déplacées n’ont pas encore réintégré
leurs pénates, sauf un nombre limité, faute de crédits?
Est-il possible de fêter le 22 novembre, alors que le Liban-Sud
subit les agressions quoti-diennes d’un voisin n’ayant foi qu’en la force
des armes, laquelle prime, à ses yeux, celle du droit. L’ennemi
sioniste est encouragé et enhardi par le soutien inconditionnel
de l’Amérique et, aussi, par la passivité de la communauté
internationale.
Celle-ci maintient et renforce les sanctions contre l’Irak pour le
punir de ne pas respecter les résolutions du Conseil de Sécurité,
alors que l’Etat hébreu fait fi des résolutions du même
Conseil, dont la 425, exigeant le retrait de “Tsahal” (des por-tions de
notre territoire que ses effectifs occupent, illégalement, depuis
tant d’années) jusqu’à nos frontières internationale-ment
reconnues!
Comment festoyer quand la situation socio-économico-financière
laisse à désirer et, surtout, lorque ceux qui dé-tiennent
les rênes du pouvoir ne se soucient pas, ou si peu, de concrétiser
l’entente nationale, sans laquelle le Liban ne peut s’engager résolument
sur la voie de la prospérité et du progrès?
Le marasme paralyse les secteurs productifs, doublé d’un malaise
social dont pâtis-sent les citoyens dans leur ma-jorité écrasante,
à l’exception d’une infime minorité de privilégiés
gravitant dans l’orbite des gouvernants.
Il est heureux que le patronat ait, enfin, prêté l’oreille
aux doléances de la classe laborieuse dont le porte-parole, en l’occurrence
la CGTl, a accepté de reporter à fin décembre, l’arrêt
du travail pendant deux jours (les 25 et 26 courant), après la grève
d’avertissement observée le mois dernier.
Il faut espérer que les pôles du travail parviendront
à s’entendre avant le 1er janvier 98 autour des re-vendications
des salariés, par l’intermédiaire de la com-mission ad hoc
chargée de leur donner une suite favo-rable. |