Conférences, colloques et séminaires, la société
libanaise en est abreuvée et les agriculteurs du Nord n’en ont que
faire. Ils côtoient des réalités incontournables, font
face à des coûts de production élevés, des problèmes
de stockage, de marchés exigus... Dépourvus de supports techniques,
manquant totalement d’infrastructure, à l’écart de toute
modernisation, de tout moyen logistique pour rentabiliser leur production,
ils sont livrés à eux-mêmes dans une absence quasi-totale
de l’Etat. Il faut savoir que 35% de la population du Nord vit de l’agriculture
et que 10% du PNB national provient de ce secteur, mais que seul 0,5% du
budget de l’Etat est alloué au ministère de l’Agriculture1...
Chiffres désolants.
![]() Inauguration du CAN, le 3 novembre 1995. On reconnaît autour de Mme Nayla Moawad, les ambassadeurs de l’Union européenne et d’Espagne, le président de la Fondation e spagnole: “Promotion sociale de la culture”. |
![]() Dispensaire ambulant dans un des villages nordistes. |
LE CENTRE AGRICOLE DU NORD: UNE RÉPONSE
RÉELLE À DES PROBLÈMES RÉELS
C’est à partir de cette réalité que la Fondation
René Moawad vient de mettre sur pied sa dernière réalisation:
le Centre agricole du Nord (CAN). “Partout dans le monde, les Organisations
non gouvernementales épaulent l’Etat”... Constatation humble de
la présidente de la Fondation, Mme Nayla Moawad. Humble, parce que
l’on sait que c’est le seul organisme qui apporte, dans la région,
un soutien quelconque aux agricul-teurs. “Il fallait répondre aux
besoins urgents de la société. Etre là, dans les domaines
qui néces-sitent une aide2”.
De jeunes spécialistes, techni-ciens, ingénieurs, bénévoles
ou à plein temps, diffusent leurs connaissances au cœur même
d’une population démunie de tout savoir. Ecoutons Mme Moawad: “Chaque
ministère devrait exploiter le potentiel humain, fabuleux, que nous
avons. Il faut faire sortir le savoir de nos universités et l’appliquer
à nos besoins, rapatrier tous ces cerveaux qui attendent une opportunité
pour rentrer au pays. Il faut mettre en contact et en communication des
jeunes qui croient en ce qu’ils font, les faire participer aux prises de
décision.”
En effet, on est surpris, une fois sur place, par la fougue de ces
jeunes, mais surtout par leur professionnalisme, leur savoir-faire sur
le terrain. Une équipe de jeunes ingénieurs, agronomes, assistantes
sociales, gestionnaires, diététi-ciennes, vétérinaires,
zoo-techniciens, travailleuses sociales vont, personnellement, s’occuper
de rencontrer des gens, de les réunir, de leur montrer avec des
photos, des expériences sur le tas, par des discussions, des ateliers
de travail, des expérimentations réelles que l’agriculture
peut être une chose standardisée et rentable. Former et informer
par des conseils, des consultations pourquoi la récolte est mauvaise,
aller au cœur de leurs problèmes: Quels en sont les causes, les
moyens pour y remédier et les propositions à faire.
Le CAN inauguré récemment, le 3 novembre 1997, cible
les petits agriculteurs. Par l’emploi expérimental des serres, il
les incite à un meilleur usage des insecticides et des pesticides.
Pour mieux les encourager encore il les leur vend au prix de revient. Dans
le même ordre d’esprit, des machines de labour sont disponibles à
moins de 50% du prix du marché. Des pièces frigorifiques
d’une capacité de plus de 50.000 caisses sont accessibles pour 40%
moins cher et, surtout, sans limite de délai. Outre la politique
des prix réduits et compétitifs qui a pour effet de régulariser
les prix du marché, l’aide aux agriculteurs se caractérise
surtout par l’apprentissage aux normes de production. Les producteurs s’habituent
désormais à catégoriser leur marchandise, à
respecter des labels de qualité; ce qui facilite la vente et l’exportation.
![]() Mme Nayla Moawad et notre collaboratrice. |
![]() Le dispensaire à Zghorta n’est autre que la demeure du président défunt René Moawad. |
DÉVELOPPEMENT ET NON CHARITÉ
Car le CAN a un seul mot d’ordre: le développement. “La charité
n’est pas notre but, mais le développement”. Ce sont les propos
de Mme Moawad qui aime reprendre la fameuse phrase de Jean-Jacques Servan-Shreiber:
“Si tu donnes un poisson à manger à un homme, tu lui donnes
à manger pour un soir; si tu lui apprends à pêcher,
tu le nourris toute sa vie”.
Le CAN tend au développement rural et social de la région,
de la production à la commercialisation, en passant par la cellule
familiale. Fait notable. En effet, par le biais de la rentabilisation,
la FRM a voulu associer les femmes au processus de production en leur créant
des ateliers de transformations agro-alimentaires. En leur apprenant à
exploiter leurs ressources au maximum, la fondation les aide à fabriquer
des produits dérivés de leur récolte et les aide,
surtout, à les commercialiser. C’est ainsi que dans des contenants
et des bouteilles en verre soufflé, achetés auprès
des artisans de Tripoli, les femmes sont invitées à préparer:
olives, confitures, arak, huiles, etc. dans le but motivant de les vendre.
Le développement des femmes n’est pas seulement confiné
au rôle alimentaire. Des ateliers de formation sont en œuvre pour
aider les femmes à s’investir dans la couture, la broderie des perles,
broderie très prisée sur le marché... Plus de 500
femmes y ont été impliquées3.
![]() Pépinière au Nord où sont distribués les plants d’arbres. |
![]() Atelier de travail. |
![]() Campagne d’alphabétisation. |
![]() On apprend à écrire et à lire. |
TANMIYA: SAUVER L’ENVIRONNEMENT POUR SAUVER
L’HOMME
Ce n’est pas tout. L’environnement et le domaine médical sont
aussi deux préoccupations de Tanmiya, société de gestion
en quelque sorte de la fondation.
Reboiser ou sauvegarder le patrimoine du Liban-Nord devient presque
impossible avec l’élevage extensif que perpétuent les propriétaires
de troupeaux. Etant pratiquement eux-mêmes les bergers, il ne leur
en coûte rien de laisser leurs troupeaux brouter où bon leur
semble: aussi bien pousses d’arbres que plants de cèdres... Bien
que des amendes de plusieurs centaines de milliers de livres libanaises
soient imposées aux contrevenants, c’est un fléau que la
population du Nord n’est pas en mesure de contrer.
Tanmiya a semé le grain de la solution. Outre les 40.000 plants
d’arbres distribués, elle a sélectionné dans un enclos
fermé, des races de chèvres et de moutons qui ont l’avantage
de donner un meilleur rendement en production laitière et en viande.
Le but de ce département est de créer, à l’aide d’un
programme d’insémination artificielle et de synchronisation des
cycles, une nouvelle espèce de caprins et de bovins plus productive.
En contraignant le troupeau à rester en ferme, ils essayent par
ce biais de préserver l’environnement.
Mais cette ferme-pilote, baptisée du joli nom de Granja, demeurerait
stérile si elle ne servait pas d’exemple aux fermiers. Or, pour
convaincre ces derniers de l’élevage de ferme et de la culture fourragère,
il fallait les convaincre du profit qu’ils en tireraient. En laissant leurs
chèvres buissonnières brouter “le vert et le sec”, les fermiers
n’avaient pas de problème de nutrition des troupeaux. Il a fallu
leur créer une serre de culture de luzerne et leur montrer que cette
sorte d’herbe, plantée une fois chaque 4 ans et récoltée
jusqu’à 8 fois par an, n’était concrètement pas plus
chère et demeurait accessible à tous. Il fallait, surtout,
leur prouver que la qualité, aussi bien du lait que de la viande,
serait nettement supérieure. A ce projet, très prometteur
pour l’avenir, d’immenses espaces condamnés à disparaître,
se joignent les étudiants des différentes facultés
d’agronomie et des chercheurs du CNRS.
LE DISPENSAIRE GÉNÉREUX COMME
LE VIEUX CITRONNIER DU PRÉSIDENT
Le domaine médical est, aussi, un des volets de la fondation.
La situation actuelle du secteur médical souffre de l’inefficacité
des hôpitaux publics. Les établis-sements privés sont
trop onéreux. A cela s’ajoute une répartition inégale
des soins hospitaliers, avec un déséquilibre flagrant au
détriment du Nord. Il fallait, donc, penser à une assistance
plus précise et ponctuelle.
La FRM a prévu un dispensaire ambulant qui visite les villages
à raison d’une fois la semaine. Deux médecins et une infirmière
y prodiguent des soins, des vaccinations et des notions élémentaires
d’hygiène. L’œuvre humanitaire de la fondation s’est institutionnalisée
en dispensaire dans la maison natale, rénovée en 1995, de
feu le président Moawad.
Dans la même ligne de pensée, le dispensaire, tel que
conçu, donne aux habitants défavorisés, les moyens
de se prendre en charge. “La gratuité n’étant pas une démarche
positive à long terme”, des honoraires dérisoires sont perçus
pour chaque acte clinique: 4000 L.L. par consultation. Pourtant, cela n’affecte
en rien la qualité des services. En effet, il est bon de rentrer
sans cet “hospice” de partage. Tout est propre, les installations sont
ultra-modernes, les infirmières avenantes et responsables. Clinique
dentaire, ophtalmique, laboratoire d’échographie et de prise de
sang, fichiers de malades, pharmacie fournie... de quoi avoir envie d’exercer
pour les 20 médecins qui se relaient pour assurer médication,
suivi et soins aux malades.
Le dispensaire est généreux à l’image du citronnier
qui a vu grandir le président défunt dans la cour arrière
de sa maison natale.
LA RÉPUBLIQUE DE RENÉ MOAWAD
Et dans ce refuge allégorique, où même les murs
racontent l’Histoire, on se pose des questions: Pourquoi des jeunes mettent-ils
toute leur énergie dans ces actions? Pourquoi ces médecins
donneraient-ils une heure par jour de leur temps pour travailler presque
gratuitement? Pourquoi une femme viendrait du Canada proposer de collecter
des médicaments de là-bas pour son village?
Est-ce parce qu’on appartient à un clan, une tribu, “parce que
je m’appelle Charbel Moawad”, en être fier et travailler à
la cohésion du groupe? Sont-ce les valeurs profondes de notre Liban
que de s’entraider? Est-ce la personnalité volontariste de Mme Moawad
qui fait place aux jeunes dans la prise de décision, d’où
qu’ils viennent? Est-ce sa foi profonde en la nécessité des
groupes de pression pour faire changer les choses et transmettre le message?
Ou est-ce parce qu’ils sont bien les fils de ce peuple que notre courageuse
parlementaire évoquait encore lors de la 8ème messe de commémoration
de feu René Moawad, ce dimanche 23 novembre: “Ils retrouvent leur
confiance dans l’avenir lorsqu’ils voient que nous œuvrons, sérieusement,
à trouver des solutions de fond à leurs problèmes
quotidiens. Ce qu’ils veulent, c’est un toit aux générations
montantes, le retour des déplacés, le rappel des talents
intellectuels et des forces économiques de l’étranger, la
réhabilitation des secteurs productifs, la création d’emplois
pour les gens, le développement des zones rurales et des régions
défavorisées, l’écoulement de la production agricole,
la garantie aux citoyens du droit à la santé, à l’éducation
et à une vie digne”
On le sait...
Mais vous pouvez dormir en paix M. le président. Tous les grands
dignitaires et personnalités sont venus commémorer votre
souvenir et votre martyre. Mais, au-delà de tout l’artificiel de
nos cérémonies officielles, votre cœur bat toujours aussi
fort dans celui de ceux que vous avez laissés. Votre souvenir ne
peut s’effacer de leur mémoire. Ils portent haut et fier votre message,
ils font plaisir à voir, vous font honneur. Ils nous donnent l’espoir
que votre région et tout le Liban sont promus à des lendemains
ensoleillés et à la “République de René Moawad:
la République de la réconciliation et de la souveraineté
de la loi, la République de l’entente et de la vie en commun, la
République de la liberté et de la justice, la République
du développement et de l’égalité des chances, la République
de la tolérance et de l’amour5.”
“Si le grain de blé qui tombe en terre... meurt, il porte des
fruits en abondance”. Jean 12,24.
2- Mme Moawad, toujours dans son discours, interpelle les responsables sur la mévente de la pomme, des pommes de terre, des agrumes, des fruits, de l’olive...
3- Le travail de ces femmes est vendu à l’Artisanat libanais et à la Maison du Liban, fondée par le ministère des Affaires sociales.
4- C’est, d’ailleurs, l’objet du voyage que vient d’effectuer la parlementaire aux Etats-Unis où elle a rencontré Mme Hillary Clinton.
5- Discours de Mme Moawad, 23 novembre 1997.
LISTE DES ONG APPORTANT L'ASSISTANCE À LA FONDATION RENÉ MOAWAD
Union européenne, US AID, Agence Espagnole de Coopération
Internationale, Fondation Promo-tion Sociale de la Culture, Friedrich-Naumann-Stiftung,
National Endowment for Demo-cracy, Agence de la Coopération Culturelle
et Technique (France), Service Laïque de Coopération au Développement
(Belgique). Fondation Ousseimi, Ordre de Malte, Pharmaciens sans Frontières,
Farmaceutico del Mundi, Sanitas, Banque Mondiale, UNICEF, OMS, IFAD, INRA,
ACSAD, ICARDA
World Vision, Save the Children, Canada Fund, etc. Pour tout renseignement, concernant la FONDATION RENÉ MOAWAD contacter le 01-328555 ou le 01-337660. |