Saturnale

Par MARY YAZBECK AZOURY  
"MES INTENTIONS SONT SAINTES..."
Vœux pieux...
L’accord de Baabda, un programme ambitieux à triple volet, administratif, fiscal et financier, a été conclu pour sauver le Liban d’une catastrophe imminente.
Cela me rappelle les résolutions de mon enfance et adolescence, lorsqu’étudiante chez les Dames du Sacré-Cœur, les élèves étaient invités à la suite de la retraite pascale, à prendre des résolutions, à les noter par écrit et les professeurs décernaient des prix aux meilleures. Je l’avais, une année, en classe de seconde remportée haut la main avec ce quatrain:
“Mes intentions sont saintes
J’y crois fermement
Mais soyez sans crainte
J’y manquerais certainement...”
Le prix était celui de la lucidité. Les religieuses dotées d’un bon sens de l’humour, avaient apprécié l’honnêteté de la résolution.
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“SUMMUM JUS, SUMMA INJURIA”
Qu’en est-il actuellement au Liban où il est question, entre autres, de supprimer “les indemnités de retraite aux présidents et députés, pour les remplacer par un système d’aide?”
Sait-on que des milliards sont payés en indemnités aux familles des “Ex”... même s’ils ne l’ont été que l’espace d’un printemps?
Si on compare ces indemnités à celles payées à des fonctionnaires honnêtes qui ont trimé des années durant, pour une République ingrate, il est temps et grand temps de remettre les choses au point.
Dans ce programme, il est question de supprimer énormément, mais il est indispensable de considérer des cas aussi où l’on ajoute où l’on augmente... Par exemple dans le cas d’un fonctionnaire décédé en mission et en raison de la mission, il est impensable, il est absurde que l’on indemnise la famille comme s’il était un simple retraité, ou décédé normalement.
Dans notre République bananière, “Summum jus, summa injuria” (comble de justice, comble d’injustice) ne veut rien dire pour nos dirigeants.

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“J’ACCUSE”
Un cas à la Dreyfus divise l’opinion publique libanaise. C’est un crime odieux, révoltant, abominable qui ne peut rester impuni. Viol, sodomisation, sévices, etc...
Il faut laisser la justice suivre son cours. Or, l’opinion alertée s’est divisée en deux clans: le clan de la famille et le clan du collège. Il s’agit d’une petite morte âgée de 6 ans. Tous sont d’accord qu’il faut châtier, le ou les coupables. Mais comment la justice peut-elle faire objectivement son travail quand les rumeurs les plus folles, les plus absurdes courent la ville?
Alors que Dreyfus était vivant, adulte, avait les moyens de se défendre, la petite victime est incapable de le faire.
Les médias ont un devoir, un devoir sacré: celui d’informer. Mais ils ne doivent pas exploiter “l’affaire”. Il faut attendre le résultat des analyses, les conclusions de l’enquête. Il faut, surtout, prévenir ces cas, par l’information minutieuse, par une surveillance étroite dans les familles, dans les collèges. Il y a eu, certainement, négligence, complicité et tentatives pour étouffer l’affaire. Tout cela est fortement répréhensible, mais de là à laisser l’imagination s’égarer, vagabonder.
On doit s’apitoyer, on doit dénoncer, on doit s’indigner. Mais on ne doit pas accuser sans preuve. Il ne s’agit pas d’un crime à la Agatha Christie (et encore cette dernière n’a jamais envisagé une telle horreur). Quand on pense à la petite Nathalie, on ne peut que répéter:
“N’as-tu donc pas, Seigneur, assez d’anges aux cieux?”

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“FIAT VOLONTUS TUA” ET “BEL HORIZON”
Quand S.S. le Pape a visité le Liban en mai, il s’est écrié à différentes reprises devant la foule des jeunes qui l’acclamaient sous la statue de Notre-Dame du Liban:
“Quel bel horizon”... “Quel bel horizon”
Réflexion spontanée, venant du cœur, n’ayant aucun but publicitaire et pour cause, Jean Paul II ignorant que tout à côté, un club du même nom avait vu récemment le jour, “le Bel Horizon Country Club”... Ceci rappelle l’historiette que tout le monde connaît au sujet de “Fiat” dans les prières romaines et qui ont suscité de nombreux jaloux de la célèbre firme, ignorant que “Fiat” est un terme très employé en latin “Fiat Lux”, etc...
Pour en revenir aux clubs, s’il y a des clubs fort honorables et fort bien gérés au Liban; il y a une pléthore d’autres qui ne sont que des arnaques.
Tous les jours, on entend parler d’un club qui a fait faillite avant même d’avoir commencé, d’un autre qui est en train de rembourser les actionnaires avec intérêts ou sans intérêts; d’un troisième à qui les actionnaires viennent d’intenter un procès pour non respect des engagements, un quatrième qui a arrêté les travaux parce qu’il n’y a plus d’argent, etc... etc...
On arrive à se poser la question: comment autorise-t-on, et sur quels critères, la vente d’actions et la construction de clubs dont certains ne répondent à aucun critère et d’une manière obvie? Après le scandale des finances, après celui des Airbus de la MEA, après tant de scandales... on arrive au scandale du “Clubomania”. Le Liban pouvait bien s’en passer!

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“DU FUMIER CONTRE DE L’OR”
Les travaux intellectuels sont de plus en plus mal rémunérés au Liban, contrairement aux travaux manuels...
C’est Talleyrand qui disait: “Pour faire fortune, ce n’est pas de l’esprit qu’il faut, c’est de la délicatesse qu’il ne faut pas”...
Si l’on juge par le nombre d’immeubles, de biens de toutes sortes que députés et ministres (avec quelques exceptions) et toutes sortes de responsables sont en train d’accumuler, on réalise effectivement - sachant pertinemment le peu d’esprit qu’ils ont - qu’ils n’ont pas de délicatesse!
Car comment expliquer que ce petite entrepreneur hier, que cet avocat sans cause hier, que ce commerçant sans le sous hier, que ce politicien ignorant l’alphabet, se trouvent aujourd’hui à la tête de très grosses fortunes visibles, sans parler des fortunes “invisibles” et de nombreux comptes en banque, ici et ailleurs!
Il avait été décidé au Liban de faire acte de transparence en déclarant son patrimoine avant la prise en fonction de n’importe quelle charge.
En fait de déclarations de patrimoines et de transparence, il y a en a eu 5 ou 6 hommes politiques à l’avoir fait. Le reste est demeuré opaque!
Combien d’hommes politiques ont vendu leur âme pour de l’argent? Il ne faudrait pas s’en étonner, car tout comme Talleyrand de qui Mirabeau disait: “Pour de l’argent, Talleyrand vendrait son âme et il aurait raison, car il troquerait son fumier contre de l’or”, nombreux sont les politiciens libanais de qui on peut répéter la même chose. “Du fumier contre de l’or.”


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