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QUAND M. CLINTON RÉCLAME “UN SCRIPT”... 
 
Dans son édition du 20 octobre dernier, “Le Monde” publie une correspondance de Jérusalem parfaitement éclairante.
“Le président Clinton, selon un membre de l’élite travailliste israélienne, écrit le correspondant du journal parisien citant le “Haaretz”, n’osera exercer de véritables pressions sur Netanyahu que le jour où le lobby juif américain le lui demandera. Nous y travaillons et les choses commencent à changer.”
Et la même personnalité expliquait: “Plus que le vote juif proprement dit, c’est l’impact important de la communauté sur le financement des campagnes électorales américaines, de même que l’influence exercée par le Likoud sur de nombreux élus du Congrès qui font peur à l’administration démocrate.”
N’est-ce pas le cas de se demander qui détermine la politique étrangère de l’Amérique et fixe ses priorités? Mais passons...
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Au cours d’un dîner de travail offert le 6 octobre par M. Clinton en l’honneur du président d’Israël, M. Weizman, ajoute “Le Monde” citant toujours “Haaretz” qui publie une sorte de procès-verbal de ce dîner, Mel Salberg, directeur de la puissante conférence des principales organisations juives américaines, prend la parole pour révéler les résultats d’un sondage effectué fin septembre: “89% des Juifs d’Amérique soutiennent le processus de paix. Nous sommes derrière vous, dit-il à l’adresse de Clinton, pour créer l’environnement qu’il faut et amener les deux parties à faire la paix.”
Ironisant sur le nom d’Irving Moskowitz, l’un des trois ou quatre milliardaires qui financent toutes les causes extrémistes défendues par les membres de la coalition gouvernementale (je cite toujours “Le Monde”), le président Weizman rétorque: “Et les Moskowitz, combien sont-ils?”
“Pas plus de 15%”, lui répond-on. “Alors, exprimez-vous plus forts, réplique M. Weizman, car il me semble que notre gouvernement n’entend que les 15% qui sont contre le processus de paix.”
Abraham Foxman, directeur exécutif de la Ligue juive anti-diffamation du B’neï Brith, souligne “l’urgence d’un leadership américain.”
“Ne vous inquiétez pas!”, répond le président Clinton qui ajoute qu’il ne peut cependant rien faire tant qu’il ignore la position exacte de Netanyahu sur le statut définitif des territoires occupés... “Je ne peux pas écrire le script pour Israël!”, s’exclame-t-il.
Ainsi, voilà le genre de dérobade dont l’hôte de la Maison-Blanche est devenu coutumier dès qu’il s’agit d’Israël.
Trois jours plus tard, Ezer Weizman confiera à “Haaretz” combien il a été “choqué par le cynisme et par l’immense absence de confiance qui prévalent entre l’administration Clinton et Netanyahu.”

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Peur, méfiance, cynisme... le fameux leadership américain apparaît comme une tragique illusion. Et ce ne sont pas les Arabes qui le constatent maintenant, mais des personnalités influentes d’Israël et de la communauté juive des Etats-Unis.
Pendant ce temps, vis-à-vis de l’Irak, comment ce leadership entend-il s’exercer?
En déployant la flotte et l’aviation américaine dans le Golfe; en essayant de faire échec aux diplomaties russe et française qui veulent fixer plus clairement les termes et les modalités des sanctions dont souffre le peuple irakien depuis plus de six ans; en ignorant le mouvement de solidarité arabe au profit de l’Irak que suscite, désormais, le parti-pris de Washington. L’Administration américaine exige de l’Irak qu’il devienne “un modèle de conformité”, (Clinton dixit) par rapport à toutes les résolutions de l’ONU, pendant qu’Israël offre un autre genre de “modèle” exactement opposé, sans davantage émouvoir M. Clinton qui attend toujours “un script” de M. Netanyahu, tout en se vantant que le retour des experts de l’ONU en Irak, “montre, une fois de plus, qu’une diplomatie résolue et appuyée sur l’utilisation potentielle de la force, est le seul moyen de traiter avec Saddam Hussein.”
La réponse à ces rodomontades indignes d’une grande puissance, est venue d’un respectable pays neutre. 
“Si les Etats-Unis dirigeaient simplement 1% de cette autorité contre Israël, cela serait un progrès”, a déclaré Mme Hjelm-Wallen, ministre suédoise des Affaires étrangères, à la conférence de la fédération suédoise pour l’ONU, à Upsala, le 20 novembre.
“Ce manque de crédibilité de l’Amérique, a-t-elle encore souligné, fait que le monde arabe se retourne maintenant contre les Etats-Unis au sujet de l’Irak.”
C’est l’évidence et qui échappe, pourtant, à M. Clinton.

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De quelque façon que l’on retourne le problème des contradictions de la politique américaine et de son aveuglement, on en revient toujours au poids stratégique d’Israël et aux intérêts pétroliers.
Il ne s’agit pas, en réalité, d’obliger l’Irak à se soumettre aux résolutions de l’ONU. S’il ne s’agissait que de cela, les propositions russes et françaises paraîtraient raisonnables et pourraient être acceptées par l’Amérique. Il s’agit, en réalité, de tout autre chose: mettre définitivement l’Irak à genoux, le neutraliser totalement par un “contrôle permanent” (ainsi s’exprime Washington), sinon le supprimer en tant qu’Etat.
Pourquoi? Parce qu’il possèdera toujours des richesses naturelles - (pétrole et uranium) - qu’il pourra donc toujours réarmer; il constitue et constituera toujours, aux yeux de Washington, une menace pour les pétroles de la presqu’île arabique (selon les conseillers de la Maison-Blanche) et pour Israël (selon les stratégies de M. Netanyahu).
M. Clinton ne paraît pas être l’homme apte à préconiser des solutions politiques à ce genre de danger plutôt que de recourir aux menaces militaires.
Dans ce cas, on n’est pas sorti du tunnel. La flotte américaine est dans le Golfe pour y rester. Et il n’y aura pas de paix tant que “15% de Moskowitz” pèseront sur le Congrès et donneront une excuse à M. Clinton pour sa passivité devant la seule cause de danger permanent qui menace la stabilité régionale: Israël. 

 
 
 

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