170 PAYS AU CHEVET DE LA TERRE À LA CONFÉRENCE DE L'ONU À KYOTO
SIGNES D'APOCALYPSE D'UNE PLANÈTE EN DANGER?

Kyoto, ancienne capitale impériale du Japon, riche de temples, de jardins et de pollution, accueille du 1er au 10 décembre, une sorte d’armada de 170 pays venus au chevet de la terre qui, sous l’effet de serre engendré par les émanations de dioxyde de carbone (CO2) s’est réchauffée de 0,3 à 0,6Þc en l’espace de 150 ans et risque d’atteindre, d’ici à 2100, 1 à 3,5Þc. Un rythme inégalé depuis dix mille ans.
Le danger qui plane sur la planète terre est consi-dérable. Avec ses contours imprécis et ses points d’interrogation, il a fini par mobiliser les politiques, scientifiques, économistes en vue d’une action globale dont les objectifs chiffrés ont traversé les sommets et les conférences sans trouver de terrain d’application.
Entrés en conflit, les contraintes écologiques et les intérêts économiques ont abouti à des vœux pieux auxquels la conférence de Kyoto se propose, enfin, de substituer un compromis.

 

 
Le phénomène climatique el-Nino provoquant 
à 60 km au sud de Guayakil en Equateur 
des pluies torrentielles qui ont causé 
la mort de 41 personnes. 
 
Inauguration des travaux de la Conférence de 
l’ONU sur le réchauffement de la terre à Kyoto.
 
2.500 CHERCHEURS DU GIEC
C’est l’ancien Premier ministre norvégien, Gro Harlem Brundtland qui, le premier, a lancé le cri d’alarme en publiant, il y a dix ans, sous l’égide de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement des Nations unies, le rapport qui porte son nom et dénonce comme un danger planétaire les émissions et accumulations de gaz à effet de serre.
Aussitôt, les Nations unies et l’Organisation météorologique mondiale (l’OMM) se mettent à l’œuvre, parviennent à réunir 2.500 chercheurs de différentes nationalités auxquels se joindront une quinzaine d’organisations non gouvernementales pour créer en 1988 le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat).
Un premier rapport du Giec, publié en 1990, rejoint celui de Brundtland et confirme le réchauffement de la terre dû à 60% aux émanations de gaz carbonique, (CO2) mais également, au méthane (CH4) et à l’oxyde nitreux (NO2).
Un second rapport du Giec, impressionnant par l’étendue de ses recherches et le nombre de ses pages, datant de décembre 1995, souligne sans équivoque “l’influence perceptible de l’homme sur le climat mondial”. Un des chercheurs du Giec, le Français Jean Jouzel indique, se référant aux travaux de celui-ci, qu’“en un siècle, la température de la surface de la planète a progressé en moyenne d’un demi-degré. Les dix années les plus chaudes depuis 1860 ont, toutes, été observées au cours des quinze dernières années, en particulier l’année 1995 (...) Le rayonnement solaire réfléchi vers la surface de la planète est monté de 1%. Les émissions de CO2 sont liées à l’activité de l’homme. Sept milliards de tonnes sont rejetées chaque année dans l’atmosphère, dont environ 50% restent piégées (...) Le climat va continuer à se réchauffer. La température s’élèvera en moyenne de 2 degrés, le niveau des mers de 50 centimètres d’ici à 2100.”

APOCALYPSE NOW
Les chercheurs envisagent-ils déjà la politique du pire liée à des signes apocalyptiques? Forêts dévastées, côtes submergées, terres englouties, océans démontés, récoltes décimées, inondations, sécheresses, précipitations, pénurie d’eau, disparition d’espèces végétales et animales, apparition d’épidémies.
Selon des prévisions pessimistes, les forêts verraient leur espace réduit de 5,8%, la montée des eaux au niveau de la mer pourrait engloutir 17.215 kilomètres carrés de terre ferme aux Etats-Unis et 50.000 kilomètres en Chine. Certaines îles tropicales comme les Bahamas, Kribati, les Maldives et les îles Marshall, seraient directement menacées par la montée des eaux, de même que Chypre et Malte. C’est à juste titre que l’Alliance des petits Etats-îles (AOSIS) qui compte 36 pays du Pacifique des Caraïbes, de l’Océan Indien et de la Méditerranée, réclament des mesures drastiques pour juguler les dangers qui les menacent et devraient se traduire par la réduction de 20% des gaz à effet de serre.
Selon le rapport du Giec, l’Afrique ressentira plus dramatiquement encore que l’Asie, le réchauffement de la terre. Plus vulnérable, elle ne dispose pas des moyens de sa propre défense. La pénurie d’eau entraînera des sécheresses et l’extension de la désertification.
La pénurie d’eau et de nourriture toucheront particulièrement le Moyen-Orient et l’Asie, tandis que les régions polaires, l’Antarctique et l’Arctique, seront directement exposées au réchauffement de la terre. Le Japon, la Chine, la Sibérie, la péninsule coréenne subiront les conséquences de la catastrophe écologique, de même que les pays de l’Asie tropicale.
L’Europe, également, sera atteinte, mais se trouve en mesure de diminuer l’impact de l’effet de serre, de même que l’Australie destinée à souffrir de pénurie en eau. L’Amérique du Sud ne dispose pas de moyens de défense de l’environnement, tandis que l’Amérique du Nord saura le mieux résister aux changements climatiques.

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LES ÉTATS-UNIS PRODUISENT UN QUART DES ÉMISSIONS DE CO2
Les Etats-Unis qui produisent 24,4% des émissions de CO2 et qui  sont,  en revanche, les mieux protégés,   sont les enfants terribles des conférences. En juin 1992, lors du sommet de la terre de Rio, ils avaient fait partie des 154 Etats qui ont signé la convention-cadre sur les changements climatiques - le nombre de ces Etats est passé depuis à 171 - devant stabiliser les émissions de gaz à effet de serre en l’an 2000, engagement que ces pollueurs numéro un de la planète n’ont pas honoré de même que leurs partenaires.
Représentés par une délégation de 80 membres accompagnés, en principe, par le vice-président Al Gore surnommé “M. Environnement”, les Américains ont déjà annoncé la couleur. Le président Clinton a pris les devants en proposant l’échéance de 2010 pour réduire les gaz à effet de serre sur la base des niveaux d’émission de 1990. Encore une fois, l’Amérique ne pourra pas tenir ses promesses même à ce stade-là, car elle ne serait pas prête à revenir au niveau de 1990.
En fait, le président Clinton navigue sur deux courants contraires. Les écologistes et les scientifiques qui le mettent en garde contre une politique laxiste, néfaste sur le long terme et les industriels du charbon, du pétrole et de l’automobile que rejoignent les syndicats et la majorité du Congrès. Depuis quelques mois déjà, ces industriels ont mené une vaste campagne publicitaire achetant des pages entières dans les grands journaux et déboursant, à cette fin, quelque 13 millions de dollars pour dénoncer un éventuel traité de réduction des émissions de gaz à effet de serre, lequel ruinerait l’économie et serait facteur de chômage.
Même dilemme au Canada où le Premier ministre Jean Chrétien qui annonce un “résultat désastreux, si nous continuons à laisser augmenter ces émissions”, se trouve sous la pression de certaines provinces à l’exemple de l’Alberta qui couvre  à 80% les besoins en pétrole, gaz et charbon du pays.
L’Australie se range dans le même bord et refuse de souscrire à toutes les exigences de réductions d’émission de gaz à effet de serre prônées par les scientifiques. Et le Premier ministre australien, John Howard, a déclaré que “nous ne sommes pas prêts à supprimer des emplois.”
Les Etats du Sud faisant partie du groupe des 77 et qui ont besoin des technologies modernes pour accéder au développement, rechignent à leur tour d’être embarqués dans la même galère que les 36 Etats dits développés de l’annexe I de la Convention de Rio. Ceux-ci sont à l’origine des deux tiers des émissions de CO2 dans le monde.
Les Européens seraient-ils les meilleurs élèves de la conférence? Ils proposent une réduction de 15% d’ici à 2010 des émanations de gaz à effet de serre à partir des niveaux de 1990. Ils dépassent largement les modestes objectifs du Japon qui se chiffrent à 5%.

INCERTITUDES DES PRÉVISIONS
L’extraordinaire mobilisation des scientifiques, des politiques et des économistes avec en tête climatologues, météorologistes. océanographes, n’a finalement pas réussi à percer le mystère qui continue à envelopper la terre, l’atmosphère et les océans. Selon l’institut de météorologie Max-Planck de Hambourg, les prévisions sur le réchauffement de la planète présenteraient une marge d’erreur de 50%. Car il est encore difficile de départager entre le réchauffement qui est l’œuvre de l’homme et celui de la nature. Il y a 120.000 ans, la terre connaissait un réchauffement légèrement supérieur à celui d’aujourd’hui. Et pourtant, le niveau des eaux de mer avait dépassé de six mètres celui qui prévaut actuellement sur nos côtes.
Faut-il, dans ces conditions, baisser la garde? La conférence de Kyoto voudrait parvenir à des objectifs chiffrés qui engagent le plus grand nombre de pays de la planète terre.


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