![]() Le président Hraoui. |
![]() Nabih Berri. |
![]() Michel Murr. |
![]() Fouad Sanioura. |
Le premier plan avait reposé sur des impôts et des taxes
(ou surtaxes) et, le second, sur des prêts à des conditions
prétendûment avantageuses! Naturellement, s’il existe des
parties disposées à les octroyer à longs termes...
A ce moment, les comptes y seront et les gens du Pouvoir auront la possibilité
de réaliser leurs projets. Ils prélèveraient sur le
montant global de ce prêt, la somme de 380.000 dollars, à
déposer dans une banque où elle doublerait avec les intérêts
après trente ans, par rapport au prêt dans sa totalité,
soit deux milliards de dollars.
Le reste du montant serait placé à la Banque du Liban,
ses intérêts devant servir à réduire la proportion
du déficit budgétaire.
Ceci du point de vue théorique. Sur le plan pratique, aucun
expert ne s’est abstenu d’émettre des craintes face à cette
initiative, en tête desquels des éléments versés
dans les questions financières et économiques, plusieurs
d’entre eux siégeant à l’Assemblée nationale, entre
autres: le président Salim Hoss, MM. Sleiman Frangié, ministre
de la Santé; Nassib Lahoud, Issam Farès, Zaher el-Khatib,
Gebrane Tok, Moustapha Saad, sans oublier bon nombre d’experts ne faisant
pas partie de la législature.
Ceux-ci ont unanimement abouti à la conclusion suivante: ce
prêt (de 2 milliards) hypothèquera le Liban à l’étranger
à plus ou moins brève échéance.
Le président Hoss y a relevé des positivismes et, également,
des risques. “Si, demande-t-il, la parité de la monnaie nationale
venait à baisser, comment les générations futures
pourraient-elles y faire face?”
NÉGATIVISMES
D’autre part, il a ramené les négativismes à trois
faits: Primo, l’endettement en devises étrangères, constituera
un poids supplémentaire sur ces générations, surtout
si ces devises venaient à suivre une courbe ascendante. Secundo,
l’endettement en monnaies étrangères pourrait accroître
les liquidités sur le marché intérieur, au moins à
égalité avec le déficit budgétaire. Ceci est
un phénomène inflationniste qu’il faut éviter à
tout prix, car il menace de favoriser la “dollarisation” au sein de l’économie
nationale. Tertio, l’Etat serait amené à supporter des taux
d’intérêt élevés, ces derniers ayant tendance
à gonfler proportionnellement l’accroissement de la dette extérieure.
Ce qui éliminera, ne serait-ce que partiellement, l’effet positif,
consistant en la réalisation d’économies dans le service
de la dette, celles-ci résultant de la différence entre les
taux d’intérêt sur les monnaies étrangères et
la livre libanaise.
Alors que MM. Frangié et Tok estiment que cet emprunt hypothèquera
le Liban vis-à-vis de l’étranger, M. Lahoud soutient que
“l’endettement en devises étrangères n’est nullement la planche
de salut”. Aussi, demande-t-il aux responsables d’y renoncer et au Conseil
des ministres, “de siéger d’urgence, aux fins d’élaborer
un plan de sauvetage complet.”
Expliquant, du point de vue économique, le mécanisme
de l’endettement, le député du Metn précise que l’Etat
ne percevra que 430 millions de dollars sur le prêt du milliard.
Et ce, dans le cadre de l’emploi des bons du Trésor en monnaies
étrangères, dont l’intérêt est retranché
à l’avance, ce qu’on désigne sous l’appellation “Zéro
Coupon”. Ainsi, l’Etat aura à acquitter l’intérêt du
milliard de dollars dans sa totalité durant dix ans (terme du prêt)
fixé à 7%; soit près de 70 millions de dollars ou
700 millions en dix annuités.
Cela signifie que l’intérêt effectif atteindra 10%. Il
en arrive à soutenir qu’il existe une grande différence entre
un prêt contracté en livres libanaises et un autre en monnaies
étrangères, le dernier comportant beaucoup plus de risques
que le premier, le plus dangereux résidant dans notre incapacité
de contrôler la parité des monnaies étrangères.
ACQUITTER LES DETTES PAR D’AUTRES DETTES?
De plus, en cas de hausse des monnaies étrangères, la
dette qui nous incombe s’alourdit. On peut en déduire, d’une manière
scientifique, que l’économie qu’on en attend n’excèderait
pas un pour cent du déficit, ce qui ne mérite pas toute cette
aventure...
Quant à M. Issam Farès, député du Akkar,
il a dit: “La controverse autour de “l’identité” des dettes est
un non-sens. Car les dettes sont des dettes et ne peuvent être remboursées
par d’autres dettes. L’endettement à l’extérieur vaut au
pays des surcharges dangereuses à l’avenir, d’autant que le gouvernement
insinuait, précédemment, qu’il n’y avait rien à craindre,
parce que la majorité de la dette est intérieure, la dette
extérieure étant dérisoire. Aujourd’hui, il remplace
la dette intérieure par la dette extérieure. Le citoyen devient
perplexe, ignorant dans quelle politique financière il doit avoir
confiance.”
Et d’ajouter: “Le problème réside dans la mentalité
ayant mené la situation économique là où elle
a abouti. On cherche donc à gérer la crise économique
à tout prix, alors qu’on devrait la régler au moindre prix.”
SAAD: LA TROÏKA RESPONSABLE...
De son côté, M. Moustapha Saad estime que “les rencontres
présidentielles - celles de la troïka - qui se déroulent
dans le cadre des recherches visant à résoudre la crise économico-financière
dans laquelle le Liban se débat, ont pour but, semble-t-il, d’anesthésier
les citoyens et, aussi, d’ajourner les solutions à leurs problèmes.
De fait, ces rencontres ont lieu en dehors des institutions constitutionnelles
concernées par ces dossiers. Peut-on ne pas admettre que les
présidents eux-mêmes sont responsables de la situation si
peu enviable dont pâtissent les citoyens?”, conclut le député
du Liban-Sud.
M. Zaher el-Khatib, député du Chouf, pense que “l’endettement
selon le système “Zéro Coupon” augmentera la dette publique
et, partant, le déficit budgétaire.”
Les trois présidents s’étaient concertés, à
ce sujet, à la faveur de rencontres-marathons auxquelles ont participé
certains ministres et députés: MM. Yassine Jaber, Fouad Sanioura,
Mohamed Abdel-Hamid Beydoun, Anouar el-Khalil, Khalil Hraoui, ainsi qu’un
certain nombre d’experts.
Ceux-ci ont préconisé, en définitive, trois mécanismes
pour résoudre la crise:
1) des projets de lois que le gouvernement transmettrait à la
Chambre, visant à réduire les dépenses, à réorganiser
la perception des impôts et taxes et à accroître les
recettes du Trésor.
2) des propositions suggérant des modifications à la
loi de finances, ce qui est du ressort de la commission parlementaire des
Finances et du Budget.
3) Elaborer de nouvelles structures étatiques, tâche incombant
au ministère de la Réforme administrative et aux organismes
de contrôle.
Tous ces projets seraient transmis aux instances qualifiées
pour étude.
VAGUE D’INDIGNATION POPULAIRE ET PARLEMENTAIRE
Il est apparu, par la suite, que le gouvernement cherche à contourner
la difficulté. En effet, ce qu’il n’a pu obtenir en novembre dernier
à travers le “plan des 800 millions de dollars”, et le relèvement
du prix de l’essence (de 5.000 livres les vingt litres), il s’emploie à
l’avoir d’une manière détournée.
Ceci a eu pour conséquence de susciter une vague d’indignation
au double plan parlementaire et populaire, car les charges sous lesquelles
ploieraient les citoyens, si le nouveau plan venait à être
adopté, dépasseraient de loin celles initialement prévues
par le “plan des 800 millions”.
Une source parlementaire émet ces réflexions: “Les divers
blocs de l’Assemblée ont détecté la tactique suivie
par le “plan présidentiel” et le président Berri s’est empressé
de dire que “l’important est dans l’application de ce plan”, comme s’il
pressentait, à l’avance, les obstacles auxquels il se trouvera en
butte”.
Le chef du gouvernement, Rafic Hariri, a eu vent du mécontentement
ayant affecté son propre camp - celui des membres du gouvernement
- c’est ce qui l’a amené à ajourner, mercredi dernier, la
séance hebdomadaire du Conseil des ministres. Ainsi, il s’est donné
le temps de convaincre les ministres récalcitrants de la validité
du plan. M. Hariri entreprenait, aussitôt, une campagne pour prouver
que l’endettement en dollars sera bénéfique, en ce sens qu’il
accroîtra les liquidités sur le marché local. Le Premier
ministre soutient que le taux sur les prêts en monnaies étrangères
sont plus avantageux pour une double raison: ils sont accordés à
long terme et le taux d’intérêt est plus bas que celui exigé
pour les prêts intérieurs...
DETTE EXTÉRIEURE EN HAUSSE
A ce propos, les milieux fiables, indiquent que la dette extérieure
a augmenté au cours des dix premiers mois de l’année courante,
de 542 millions de dollars, soit dans une proportion de 30,6%; elle s’est
élevée à 2,311 milliards de dollars, fin octobre dernier.
En contrepartie, la dette intérieure est passée de 11,01
milliards de dollars à la fin de l’année écoulée,
à 12,02 milliards en octobre 97, ceci ayant résulté
de la tendance à recourir aux prêts extérieurs.
En chiffres, on peut dire que si la moyenne du taux de la dette intérieure
est de 16% par an, la moyenne du taux d’intérêt de la dette
extérieure se situant autour de 8%, soit la moitié du coût
de la dette.
M. Fouad Sanioura, ministre d’Etat pour les affaires financières,
a été chargé d’établir une étude comparative,
destinée à mettre en relief les avantages de la politique
d’endettement extérieur, mais l’opposition a déjà
tiré les conséquences d’une telle politique qui ne prend
pas en considération les problèmes se posant aux citoyens
dans leur vie quotidienne, puisqu’elle donne la priorité à
la crise financière.
Il y a lieu de signaler que le vice-président du Conseil, Michel
Murr a dit, lundi dernier, à l’issue d’une entrevue avec le chef
du gouvernement (à son retour de Damas); que “le plan de redressement
économico-financier, est un accord politique et financier
entre les trois présidents, preuve en est, qu’il a eu des retombées
positives sur le marché local”.
Mais M. Murr n’a pas dit que ce plan exige un long temps pour être
mis à exécution, comme l’a reconnu M. Sanioura, en soulignant
que “c’est un plan de longue haleine ne pouvant être concrétisé
dans un bref délai”.
CAMOUFLER LES DIVERGENCES INTER-PRÉSIDENTIELLES?
En fait et d’après ce qu’en pensent des milieux renseignés,
le “plan de redressement“ tend à camoufler les divergences inter-présidentielles
qui avaient mis en danger les fonds de réserve de la Banque centrale
qui a dû intervenir à plusieurs reprises en quelques semaines,
à l’effet de stabiliser la parité de la monnaie nationale.
La partie syrienne a dû presser les pôles du Pouvoir de mettre
une sourdine à leurs différends, pour faire face à
une conjoncture régionale peu rassurante.
Tout compte fait et ainsi que le souligne, à juste raison, le
président Hoss, il importe de traiter le déficit budgétaire,
en améliorant la perception des impôts et taxes, en mettant
fin au gaspillage et en optant pour une politique d’austérité.
Le gouvernement qui a suivi une politique diamétralement opposée
à cette tendance, est-il disposé à renverser la vapeur?
Il s’agit, en définitive, d’une question de confiance.