RELATIONS FRATERNELLES
- Y aurait-il un contentieux entre le Liban et le Pakistan et comment
qualifiez-vous la nature de leurs relations et des relations pakistano-arabes,
en général?
“Il n’y a aucun problème ni différend quelconque entre
le Liban et le Pakistan au niveau des relations bilatérales. En
effet, ces relations sont cordiales et fraternelles, basées sur
un profond respect et une confiance mutuelle. Nous partageons une perception
commune sur un grand nombre de points importants, coordonnons nos activités
au sein d’organisations internationales et régionales pour mettre
en valeur et y accroître nos contributions. Je puis affirmer que
notre expérience et nos relations traditionnelles se sont confirmées
encore davantage lors de mes rencontres avec les officiels. Je suis persuadé
qu’à l’avenir elles persisteront dans cette voie.”
- Quelle est la position de Karachi envers la crise afghane et est-il
vrai que la capitale pakistanaise soutient l’une des parties en conflit?
Apporte-t-elle son appui aux mouvements intégristes, tels que “Hamas”
et le “Jihad islamique”?
“Le Pakistan se bat pour la paix et la stabilité dans la région.
Il recherche une fin prochaine au conflit fracticide en Afghanistan qui
l’a ravagé pendant plusieurs décennies.
“Aucun pays n’a souffert autant que le Pakistan des conséquences
de cette agitation. Ainsi, nous avons un intérêt vital à
instaurer une paix durable et une stabilité en Afghanistan. Pour
cela, nous nous sommes mis en contact avec tous les groupes afghans, pour
soutenir les efforts des Nations-Unies et promouvoir le processus de paix.
“Nous ne favorisons aucune action en Afghanistan et avons reconnu les
autorités actuelles à Kabul, tel que nous l’avions fait pour
les entités préalablement au pouvoir. Nous encourageons la
modération et le dialogue pour qu’un gouvernement stable et multi-ethnique
puisse être formé. Nous prions le secrétaire général
des Nations-Unies de prendre des initiatives spécifiques en vue
de l’instauration rapide de la paix et de la préservation de la
souveraineté, de l’unité et de l’intégrité
territoriale de l’Afghanistan.”
- A quels problèmes: social, économique, démographique
ou de toute autre nature, le gouvernement pakistanais est-il confronté:
chômage, récession, déficit budgétaire, etc...?
“Le Pakistan est un pays en voie de développement. Nous célébrons,
cette année, cinquante ans d’indépendance et lorsque nous
faisons l’inventaire de notre position, aujourd’hui, nous ressentons une
satisfaction, étant donné les progrès remarquables
accomplis dans la plupart des domaines.
“Depuis 1947, d’importants changements se sont produits. En même
temps, nous sommes profondément conscients du long chemin qui reste
à parcourir et des défis à relever. En un mot, le
Pakistan se trouve confronté à des problèmes socio-économiques
inhérents au processus de développement.
TROIS OBJECTIFS
“Vous avez pertinemment souligné les secteurs social, économique
et démographique. Le gouvernement est engagé à assurer
le bien-être et la prospérité du peuple pakistanais.
Ses priorités et ses programmes ont plusieurs facettes, sont complémentaires
et visent trois objectifs principaux:
“La libéralisation, la privatisation et la dérégulation.
Dorénavant, le gouvernement va soutenir l’efficacité, restreindre
les dépenses aux limites budgétaires et focaliser sur les
programmes d’action afin de rehausser les indices sociaux, l’éducation,
la santé et de créer une infrastructure moderne bénéfique
aux activités économiques. La libéralisation va, simultanément,
réactiver le marché et encourager les entrepreneurs, ainsi
que le secteur privé à profiter des opportunités économiques
qui lui seront offertes. La privatisation élargit l’espace “capital-risque”,
d’une part, et libère des fonds pour diminuer la dette publique,
d’autre part.
“Bien évidemment, les actions prises dans le cadre de l’économie
nationale, doivent être soutenues par une amélioration de
l’environnement international. Aucun Etat n’est isolé, et n’est
une île”.
“Nous devons aborder des domaines riches tels que l’accès au
marché, les tarifs d’échange, un approvisionnement positif
de ressources, transfert de technologie, etc...
“Le Pakistan joue un rôle actif dans la communauté internationale
pour une restructuration macro-économique positive et équitable
des échanges et des relations économiques internationaux.”
POUR LA PRIVATISATION
- De plus en plus d’Etats optent pour la privatisation: l’Egypte
va vendre ses hôtels, ses vignobles et ses complexes touristiques.
Le Koweit prévoit la création d’un organisme pour superviser
la privatisation des services publics. A Karachi est-on acquis à
cette formule?
“La privatisation est un point central de la politique de réforme
économique du gouvernement pakistanais. La concurrence entre les
secteurs public et privé est depuis longtemps révolue. Islamabad
est convaincu que le gouvernement doit se concentrer sur le développement
et la création d’un cadre macro-économique de croissance
et au-delà de cela, se trouve le domaine des entreprises privées,
les entreprises d’Etat sont en vente, des complexes pharmaceutiques, des
cimenteries, des lignes de chemins de fer, la compagnie aérienne
nationale, des fabriques de textiles, etc...
“En même temps, les secteurs importants de l’économie
jusqu’à présent réservés à l’Etat, ont
été ouverts à des investissements privés couvrant
l’énergie, les télé-communications et les lignes aériennes.
Un trait saillant de cette politique est qu’elle offre une opportunité
aux investisseurs étrangers.
“Premièrement, tous les secteurs ouverts aux investisseurs locaux,
le sont aussi aux étrangers sans discrimination.
“Deuxièmement, les investissements étrangers peuvent
participer avec des capitaux à 100%.
“Troisièmement, le rapatriement complet des profits et gains
de capitaux est garanti. Comme vous le savez, la roupie pakistanaise est
entièrement convertible.”
LE CONFLIT DU CACHEMIRE
- Où en est le conflit indo-pakistanais autour du Cachemire
et sur quoi ont débouché les pourparlers exploratoires, qualifiés
de cordiaux, ayant eu lieu vers la mi-septembre à New York?
“Le Pakistan déploie des efforts pour trouver un règlement
juste au conflit du Cachemire et Jammu, en accord avec les résolutions
des Nations Unies. Les résolutions du Conseil de Sécurité
définissent le Cachemire en tant que territoire dont la possession
par le Pakistan ou l’Inde, est à déterminer par voie
de référendum sous la supervision de l’ONU. Selon les accords
de “Simla” de 1972, l’Inde a accepté un règlement final de
ce conflit. Le droit à l’autodétermination est sacro-saint;
cela a été maintes fois déclaré par les Nations
Unies et le peuple du Cachemire est en droit de se poser la question suivante:
Pourquoi ce pacte de la communauté internationale n’a pas été
honoré? Le Conseil de Sécurité ne peut pas être
sélectif quant à l’application de ses résolutions.
“Il est clair que le Pakistan a pris l’initiative de reprendre le dialogue
stagnant avec l’Inde. Il y a eu trois rencontres entre les ministres des
Affaires étrangères du Pakistan et de l’Inde. Les Premiers
ministres se sont rencontrés trois fois, la dernière étant
à Edimbourg au début de ce mois.
“En juin dernier à Islamabad, les ministres des Affaires étrangères
se sont mis d’accord sur un agenda compréhensif, ainsi que sur un
mécanisme pour traiter tous les points, y compris le conflit Jammu-Cachemire
de manière soutenue. Huit points ont été établis
et huit commissions allaient être créées pour négocier
et trancher les points litigieux. Malheureusement, les pourparlers de septembre
auxquels vous vous référez, n’ont pas réussi à
établir ce mécanisme et cela est dû aux difficultés
causées par l’autre côté en relation avec la commission
chargée de ce conflit.
PLAN DE RÈGLEMENT
“Néanmoins, le Pakistan va persévérer dans son
dialogue avec l’Inde pour le bien de son peuple et des peuples de l’Asie
du Sud. Nous espérons que l’Inde finira par prendre des mesures
pour créer un climat favorable au succès des négociations.
Ceci pourrait inclure:
1- un arrêt de la campagne de répression envers le peuple
du Cachemire;
2- un retrait, ne serait-ce que des troupes indiennes chargées
de cette répression;
3- la mise au point d’un mécanisme chargé de préparer
les termes d’un accord final, selon les souhaits du peuple du Cachemire.
“En plus de tout ce qui a été dit, il y a une dimension
humaine terrible à la tragédie du Jammu-Cachemire. L’oppression,
la brutalité, la violence et la tyrannie sont omniprésentes
et les crimes quotidiens très nombreux pour être énumérés
ici.
“Permettez-moi de vous donner un exemple. Il y a eu plus de morts dans
ce conflit ces derniers douze mois que dans tout le conflit palestinien
au cours des sept longues années de l’Intifada. Cet exemple à
lui tout seul est bouleversant.”
- A l’occasion de la visite de la princesse Diana à la mosquée
de Lahore, un imam pakistanais avait affirmé que la princesse de
Galles voulait se convertir à l’Islam sans fournir aucune précision
à ce sujet...
“Je suis désolé de vous décevoir, mais je n’ai
aucune information à ce sujet.”
- Quel est votre meilleur souvenir de diplomate?
“C’est une question difficile. Il est impossible d’y répondre
réellement. Néanmoins, il y a quelques points importants
qui me viennent à l’esprit. Je me souviens avec une grande satisfaction
d’avoir été associé aux mouvements de libération
en Afrique du Sud: l’ANC et la SWAPO. Ma participation personnelle à
leur victoire finale et, ensuite, bien sûr ma désignation
comme premier haut commissaire pakistanais en Afrique du Sud. J’ai eu le
privilège d’avoir des contacts avec l’un des géants de ce
siècle, Nelson Mandela, un défenseur des libertés,
un négociateur pour la réconciliation nationale et, finalement,
un chef d’Etat.
“C’est un souvenir exceptionnel.”