AMBASSADEUR DU PAKISTAN À BEYROUTH ANEES UDDINE AHMED:
"NOUS PARTAGEONS AVEC LE LIBAN UNE VISION COMMUNE D'UN GRAND NOMBRE DE PROBLÈMES AUX PLANS RÉGIONAL ET INTERNATIONAL"

 
Licencié de l’université du Punjab et titulaire d’une maîtrise de l’université de Cantab, M. Anees Uddine Ahmed, ambassadeur du Pakistan, a suivi des cours à l’Institut international d’administration publique de Paris (Fondation René Cassin) pour les droits humanitaires internationaux, à l’université de Strasbourg et des cours de langue et de civilisation à la Sorbonne.
Admis dans la carrière diplomatique en 1970, il a occupé plusieurs postes: 3ème secrétaire d’ambassade à Paris (1972-73); 3ème et 2ème secrétaire à Nouakchott (1973-74); premier secrétaire à Bad Godesberg (1974-77); conseiller et chef du bureau de liaison à Athènes (1980-84).
Il a été, également, en poste à Ryad (1984-86), aux Nations-Unies en tant que représentant adjoint permanent (1986-88) et haut commissaire en Afrique du Sud, de 1993 à 1997.
Il a été chef de division de 1977 à 1979 au ministère pakistanais des Affaires étrangères, avant d’être nommé ambassadeur à Beyrouth.

RELATIONS FRATERNELLES
- Y aurait-il un contentieux entre le Liban et le Pakistan et comment qualifiez-vous la nature de leurs relations et des relations pakistano-arabes, en général?
“Il n’y a aucun problème ni différend quelconque entre le Liban et le Pakistan au niveau des relations bilatérales. En effet, ces relations sont cordiales et fraternelles, basées sur un profond respect et une confiance mutuelle. Nous partageons une perception commune sur un grand nombre de points importants, coordonnons nos activités au sein d’organisations internationales et régionales pour mettre en valeur et y accroître nos contributions. Je puis affirmer que notre expérience et nos relations traditionnelles se sont confirmées encore davantage lors de mes rencontres avec les officiels. Je suis persuadé qu’à l’avenir elles persisteront dans cette voie.”

- Quelle est la position de Karachi envers la crise afghane et est-il vrai que la capitale pakistanaise soutient l’une des parties en conflit? Apporte-t-elle son appui aux mouvements intégristes, tels que “Hamas” et le “Jihad islamique”?
“Le Pakistan se bat pour la paix et la stabilité dans la région. Il recherche une fin prochaine au conflit fracticide en Afghanistan qui l’a ravagé pendant plusieurs décennies.
“Aucun pays n’a souffert autant que le Pakistan des conséquences de cette agitation. Ainsi, nous avons un intérêt vital à instaurer une paix durable et une stabilité en Afghanistan. Pour cela, nous nous sommes mis en contact avec tous les groupes afghans, pour soutenir les efforts des Nations-Unies et promouvoir le processus de paix.
“Nous ne favorisons aucune action en Afghanistan et avons reconnu les autorités actuelles à Kabul, tel que nous l’avions fait pour les entités préalablement au pouvoir. Nous encourageons la modération et le dialogue pour qu’un gouvernement stable et multi-ethnique puisse être formé. Nous prions le secrétaire général des Nations-Unies de prendre des initiatives spécifiques en vue de l’instauration rapide de la paix et de la préservation de la souveraineté, de l’unité et de l’intégrité territoriale de l’Afghanistan.”


“Mon meilleur souvenir de diplomate remonte au temps 
où j’assumais les fonctions de haut commissaire en 
Afrique du Sud”, nous dit M. Anees Uddine Ahmed.


APPUI À L’ALGÉRIE
- En tant que pays islamique, comment le Pakistan réagit-il aux carnages en Algérie, étant donné que l’Iran a appelé la communauté internationale à y faire face?
“L’Algérie et le Pakistan maintiennent des relations bilatérales excellentes. Notre pays a donné son support total à la révolution algérienne et à sa lutte pour l’indépendance. Nous sommes persuadés que l’Algérie est un pays important, ayant son rôle propre au plan régional. Puis, elle fait partie du monde islamique. Actuellement, nous trouvons que l’Algérie est en mesure de résoudre ses problèmes, tant au niveau de ses gouvernants que de son peuple.”

- A quels problèmes: social, économique, démographique ou de toute autre nature, le gouvernement pakistanais est-il confronté: chômage, récession, déficit budgétaire, etc...?
“Le Pakistan est un pays en voie de développement. Nous célébrons, cette année, cinquante ans d’indépendance et lorsque nous faisons l’inventaire de notre position, aujourd’hui, nous ressentons une satisfaction, étant donné les progrès remarquables accomplis dans la plupart des domaines.
“Depuis 1947, d’importants changements se sont produits. En même temps, nous sommes profondément conscients du long chemin qui reste à parcourir et des défis à relever. En un mot, le Pakistan se trouve confronté à des problèmes socio-économiques inhérents au processus de développement.

TROIS OBJECTIFS
“Vous avez pertinemment souligné les secteurs social, économique et démographique. Le gouvernement est engagé à assurer le bien-être et la prospérité du peuple pakistanais. Ses priorités et ses programmes ont plusieurs facettes, sont complémentaires et visent trois objectifs principaux:
“La libéralisation, la privatisation et la dérégulation. Dorénavant, le gouvernement va soutenir l’efficacité, restreindre les dépenses aux limites budgétaires et focaliser sur les programmes d’action afin de rehausser les indices sociaux, l’éducation, la santé et de créer une infrastructure moderne bénéfique aux activités économiques. La libéralisation va, simultanément, réactiver le marché et encourager les entrepreneurs, ainsi que le secteur privé à profiter des opportunités économiques qui lui seront offertes. La privatisation élargit l’espace “capital-risque”, d’une part, et libère des fonds pour diminuer la dette publique, d’autre part.
“Bien évidemment, les actions prises dans le cadre de l’économie nationale, doivent être soutenues par une amélioration de l’environnement international. Aucun Etat n’est isolé, et n’est une île”.
“Nous devons aborder des domaines riches tels que l’accès au marché, les tarifs d’échange, un approvisionnement positif de ressources, transfert de technologie, etc...
“Le Pakistan joue un rôle actif dans la communauté internationale pour une restructuration macro-économique positive et équitable des échanges et des relations économiques internationaux.”

POUR LA PRIVATISATION
- De plus en plus d’Etats optent pour la privatisation: l’Egypte va vendre ses hôtels, ses vignobles et ses complexes touristiques. Le Koweit prévoit la création d’un organisme pour superviser la privatisation des services publics. A Karachi est-on acquis à cette formule?
“La privatisation est un point central de la politique de  réforme économique du gouvernement pakistanais. La concurrence entre les secteurs public et privé est depuis longtemps révolue. Islamabad est convaincu que le gouvernement doit se concentrer sur le développement et la création d’un cadre macro-économique de croissance et au-delà de cela, se trouve le domaine des entreprises privées, les entreprises d’Etat sont en vente, des complexes pharmaceutiques, des cimenteries, des lignes de chemins de fer, la compagnie aérienne nationale, des fabriques de textiles, etc...
“En même temps, les secteurs importants de l’économie jusqu’à présent réservés à l’Etat, ont été ouverts à des investissements privés couvrant l’énergie, les télé-communications et les lignes aériennes. Un trait saillant de cette politique est qu’elle offre une opportunité aux investisseurs étrangers.
“Premièrement, tous les secteurs ouverts aux investisseurs locaux, le sont aussi aux étrangers sans discrimination.
“Deuxièmement, les investissements étrangers peuvent participer avec des capitaux à 100%.
“Troisièmement, le rapatriement complet des profits et gains de capitaux est garanti. Comme vous le savez, la roupie pakistanaise est entièrement convertible.”

LE CONFLIT DU CACHEMIRE
- Où en est le conflit indo-pakistanais autour du Cachemire et sur quoi ont débouché les pourparlers exploratoires, qualifiés de cordiaux, ayant eu lieu vers la mi-septembre à New York?
“Le Pakistan déploie des efforts pour trouver un règlement juste au conflit du Cachemire et Jammu, en accord avec les résolutions des Nations Unies. Les résolutions du Conseil de Sécurité définissent le Cachemire en tant que territoire dont la possession par le Pakistan  ou l’Inde, est à déterminer par voie de référendum sous la supervision de l’ONU. Selon les accords de “Simla” de 1972, l’Inde a accepté un règlement final de ce conflit. Le droit à l’autodétermination est sacro-saint; cela a été maintes fois déclaré par les Nations Unies et le peuple du Cachemire est en droit de se poser la question suivante: Pourquoi ce pacte de la communauté internationale n’a pas été honoré? Le Conseil de Sécurité ne peut pas être sélectif quant à l’application de ses résolutions.
“Il est clair que le Pakistan a pris l’initiative de reprendre le dialogue stagnant avec l’Inde. Il y a eu trois rencontres entre les ministres des Affaires étrangères du Pakistan et de l’Inde. Les Premiers ministres se sont rencontrés trois fois, la dernière étant à Edimbourg au début de ce mois.
“En juin dernier à Islamabad, les ministres des Affaires étrangères se sont mis d’accord sur un agenda compréhensif, ainsi que sur un mécanisme pour traiter tous les points, y compris le conflit Jammu-Cachemire de manière soutenue. Huit points ont été établis et huit commissions allaient être créées pour négocier et trancher les points litigieux. Malheureusement, les pourparlers de septembre auxquels vous vous référez, n’ont pas réussi à établir ce mécanisme et cela est dû aux difficultés causées par l’autre côté en relation avec la commission chargée de ce conflit.

PLAN DE RÈGLEMENT
“Néanmoins, le Pakistan va persévérer dans son dialogue avec l’Inde pour le bien de son peuple et des peuples de l’Asie du Sud. Nous espérons que l’Inde finira par prendre des mesures pour créer un climat favorable au succès des négociations. Ceci pourrait inclure:
1- un arrêt de la campagne de répression envers le peuple du Cachemire;
2- un retrait, ne serait-ce que des troupes indiennes chargées de cette répression;
3- la mise au point d’un mécanisme chargé de préparer les termes d’un accord final, selon les souhaits du peuple du Cachemire.
“En plus de tout ce qui a été dit, il y a une dimension humaine terrible à la tragédie du Jammu-Cachemire. L’oppression, la brutalité, la violence et la tyrannie sont omniprésentes et les crimes quotidiens très nombreux pour être énumérés ici.
“Permettez-moi de vous donner un exemple. Il y a eu plus de morts dans ce conflit ces derniers douze mois que dans tout le conflit palestinien au cours des sept longues années de l’Intifada. Cet exemple à lui tout seul est bouleversant.”

- A l’occasion de la visite de la princesse Diana à la mosquée de Lahore, un imam pakistanais avait affirmé que la princesse de Galles voulait se convertir à l’Islam sans fournir aucune précision à ce sujet...
“Je suis désolé de vous décevoir, mais je n’ai aucune information à ce sujet.”

- Quel est votre meilleur souvenir de diplomate?
“C’est une question difficile. Il  est impossible d’y répondre réellement. Néanmoins, il y a quelques points importants qui me viennent à l’esprit. Je me souviens avec une grande satisfaction d’avoir été associé aux mouvements de libération en Afrique du Sud: l’ANC et la SWAPO. Ma participation personnelle à leur victoire finale et, ensuite, bien sûr ma désignation comme premier haut commissaire pakistanais en Afrique du Sud. J’ai eu le privilège d’avoir des contacts avec l’un des géants de ce siècle, Nelson Mandela, un défenseur des libertés, un négociateur pour la réconciliation nationale et, finalement, un chef d’Etat.
“C’est un souvenir exceptionnel.”

JEANNE MASSAAD

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