Saturnale

Par MARY YAZBECK AZOURY  
QUI L’A FAIT ROI?
Qui l’a couronné?
La Victoire.
Quelle victoire?
Celle de l’argent.
Car moment expliquer cet asservissement d’un peuple à l’égard d’un homme?
Comment expliquer que les Libanais ne sont que des “chétifs insectes” au passage de cet homme?
Samedi dernier, une cérémonie était organisée par la Fondation Hariri à l’AUB en l’honneur de ses lauréats.
L’AUB demeure ouverte durant le week-end. Le samedi, les étudiants sont nombreux, car différentes activités sont programmées.
Quelle n’est leur surprise à leur sortie de l’AUB de constater que leurs voitures, même celles garées aux endroits autorisés, avaient été enlevées par des grues et emmenées à la fourrière.
La raison?
Ce sont les magasins et les restaurants avoisinants qui la leur donnent.
Le chef du gouvernement étant attendu dans l’après-midi, des forces de l’ordre étaient passées dans la matinée, munies de haut-parleurs et avaient annoncé que toutes les voitures devaient être enlevées de la rue Bliss.
Malheureusement pour les propriétaires, la plupart d’entre eux se trouvaient soit dans la bibliothèque insonorisée, soit en train de faire du sport, soit du côté de l’avenue de Paris et n’avaient rien entendu.
On ne sait qui donne ces ordres “à la Bokassa” ou “à la Duvallier?”
Si c’est le cabinet du chef du gouvernement, c’est triste, fort triste. Si l’initiative est prise dans l’ignorance du Premier ministre, c’est encore plus triste; c’est la preuve par neuf que le Liban est gouverné par une bande de flatteurs convaincus que “médiocre et rampant l’on arrive à tout”.
***

CHACUN EST PRÉSUMÉ INNOCENT
“Jusqu’à ce qu’il soit reconnu coupable”, écrit William Blackstone dans “Commentaries on the Laws of England”.
Il en est de même dans tous les pays civilisés.
Ce qui se passe, actuellement, au Liban est une honte.
Une petite fille est morte en des circonstances difficiles et même mystérieuses. L’enquête est en cours. Dans un excès de zèle peu louable, on arrête à gauche et à droite avant même d’avoir des preuves. Les médias rivalisent de “scoops” n’hésitant pas à téléviser les personnes interrogées, menottes aux poignets. Or, ce sont des personnes mises en garde à vue, non inculpées, encore moins accusées et reconnues coupables.
Comment autorise-t-on un scandale pareil?
“Croyez qu’il n’y a pas de plate méchanceté, pas d’horreurs, pas de conte absurde, qu’on ne fasse adopter aux oisifs d’une grande ville en s’y prenant bien (...)
D’abord, un bruit léger, rasant le sol comme hirondelle avant l’orage, pianissimo murmure et file et sème en courant le trait empoisonné. Telle bouche le recueille et piano piano vous le glisse à l’oreille adroitement. Le mal est fait: il germe, il rampe, il chemine et rinforzando de bouche en bouche il va le diable; puis, tout à coup (je) ne sais comment, vous voyez calomnie se dresser, siffler, s’enfler, grandir à vue d’œil. Elle s’élance, étend son vol, tourbillonne, enveloppe, arrache, entraîne, éclate, tonne et devient grâce au ciel, un cri général, un crescendo public, un chorus universel de haine et de proscription. Quel diable y résisterait?” écrit Beaumarchais dans “Le Barbier de Séville”.
Les chaînes de TV au Liban, ainsi que de nombreux organes de presse, qui ne sont pas souvent des feuilles de choux, se font l’écho d’arrestations (peut-être arbitraires), photographient ou télévisent des accusés non encore jugés. Il s’agit souvent de petits gangs, arracheurs de sacs, voleurs sans grande envergure et sans grande importance.
Or, des voleurs, on en connaît beaucoup au Liban.
Certains sont même “importants”... Alors photographier pour photographier, autant le faire avec les grosses prises qu’avec quelques malfaiteurs de troisième ordre.
Pour en revenir à l’“affaire Gregory “à la libanaise”, il faut que le silence se fasse pour permettre aux magistrats instructeurs de faire leur travail.
Après les résultats de l’enquête, la presse pourra se déchaîner. En attendant, un peu de retenue.

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ENTRE L’ÉTAT PROVIDENCE
Et l’Etat escroc, il y a un monde.
L’électricité s’envole et l’Etat vole. Des factures d’électricité deux fois le salaire minimum... Quand ce n’est pas trois et quatre fois. Or, il ne s’agit ni d’usines, ni de bureaux, ni de locaux commerciaux. Il s’agit d’appartements qui abritent deux, trois, quatre ou quelque fois cinq à six personnes.
Comme on ne sait plus comment récolter de l’argent, on est en train de matraquer le citoyen.
Superbe cadeau de Noël ou peut-être à l’occasion de la Saint-Nicolas, les factures d’électricité ont pris un envol incroyable.
Il ne faut pas considérer le prix de l’électricité dans l’absolu comme nos responsables le font. Ils osent donner des chiffres, citer des exemples. Il faut qu’ils considèrent ces factures dans leur contexte relatif.
Au Liban, le citoyen libanais n’a pas les mêmes revenus le même PNB qu’en France, en Angleterre ou en Italie.
Imaginons un peu ce que feraient les Français, s’ils recevaient des factures égalant à deux ou trois fois le salaire minimum? Imaginez un peu ces factures de 12.000 ou 15.000 ou 30.000 Francs  français...
Pour beaucoup moins que cela, les français ont dressé des barricades, ont fait la grève, ont renversé des gouvernements.
Alors au Liban, quand la facture est de 400.000L.L. ou de 600.000L.L. cela équivaut au double et triple du salaire minimum... Sans compter les autres cadeaux de Noël!!! Jusqu’à quand le Libanais demeurera-t-il amorphe, abruti, lésé, soumis, brimé et résigné?

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NOËL COMMERCIAL
Tout est à vendre et tout est à acheter au Liban. Même les bons sentiments, et les fêtes religieuses. On vendrait le diable s’il était cuit.
Décembre c’est le mois de Noël, une fête religieuse. Qui a mentionné une seule fois l’événement dans les publicités qui  ont commencé en novembre. Il s’agit de tout, sauf de la Nativité du Christ.
Loin de nous de prêcher ou de sermonner. Néanmoins, sans avoir un petit esprit, sans être petit bourgeois ou bigot, qu’on nous permette de nous étonner de cette masse publicitaire commerciale exploitée à qui mieux mieux.
Dans le déroulement morose de l’année liturgique, il est une fête joyeuse, heureuse, la plus belle fête de la Chrétienté, celle de l’espérance où le Sauveur est né.
“Paix sur la Terre aux hommes de bonne volonté”...
Avons-nous encore des hommes de cette trempe?


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