Chronique


Par JOSE M. LABAKI  

 

(1) LA DETTE PUBLIQUE: UN CAUCHEMAR ERRANT
(2) UNE GÉRANCE QUI PRÊTE À ÉQUIVOQUE

Au delà des politiques bricolées pour un traitement anodin d’une situation économico-sociale délabrée, à la mise en œuvre desquelles, le gouvernement en place fait feu de tout bois, il existe, néanmoins une politique dictée par le bon sens et l’impératif de la cohésion sociale, permettant de soumettre le Pouvoir, à une réalité conforme aux aspirations de ceux qui revendiquent inlassablement leur droit à une vie décente, qui refusent qu’il y ait à leur insu, deux Liban: un qui profite et l’autre qui sombre dans le besoin; un Liban privé de parole, acculé à céder aux diktats des marchés et qui assiste en faux témoin à la dissolution de sa mémoire, de ses libertés et de son droit à la différence.
Certes, jamais le problème social au Liban n’a suscité tant de remous, autant de polémiques, dont l’ampleur ne cesse de démentir les déclarations de ceux qui annoncent à cor et à cri que le Liban est à l’apogée du bonheur, alors qu’il souffre d’une précarité accrue à tous les niveaux. Les Libanais inquiets, refusent l’insécurité sociale menaçante, surtout que leur droit à des moyens convenables d’existence, est inscrit en tête de leur Constitution et demeure un des fondements du Pacte national. Gérés par un gouvernement génétiquement impotent, de plus en plus subordonné à la loi des marchés, soumis aux critères d’une seule personne, l’un et l’autre pataugeant dans un magnat d’affaires entachées de lacunes et de corruption au service d’une minorité comblée de privilèges qui s’attribue une part exorbitante des revenus et des ressources du patrimoine, enrichie abusivement dans les spéculations financières et immobilières, dans les transactions suspectes, au détriment d’un contribuable déboussolé, condamné à la pauvreté, - alors qu’aucune sanction n’est prise contre les bénéficiaires de ce gigantesque dérapage, auxquels on se garde bien de faire rendre gorge! Et pour comble, des scandales et des déficits budgétaires accumulés sur plusieurs années pour faire bon poids et dramatiser davantage la situation (la dette publique s’élève à 21.000 milliards de L.L. selon Dr Salim Hoss dont la crédibilité est irréprochable). Des déficits accompagnés d’une dose assez forte de prélèvements obligatoires, en faveur desquels le gouvernement des Trente plaide à longueur de journée.
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Et pourtant, les tenants du pouvoir devraient admettre que, désormais, on ne peut plus gouverner, en méprisant les contribuables, en tentant de les tromper sur l’essentiel, en les réduisant à une simple abstraction pouvant être mise en équation et manipulée à leur gré.
En matraquant, fiscalement, les plus faibles et en laissant le chômage et la pauvreté s’étendre, il ne faudrait pas s’étonner que l’impopularité de la classe gouvernante aille crescendo. Les Libanais de tous bords, n’accepteront plus le principe du double programme politique (mégapolitique), l’un racoleur et public, pour se faire élire; l’autre ravageur et secret pour gouverner. Ils réclament la fidélité à la parole donnée et les promesses tenues, - celles surtout relevant de la sécurité sociale, la lutte contre le chômage dont le taux s’élève à 15% de la population active, incertitude et pauvreté -, devant être respectées en premier. Les erreurs, les dérapages et les dérives de l’Etat seraient impardonnables dans l’actuelle atmosphère politique, où l’indifférence le cède aux abus de pouvoir; où la guerre des chiffres bat son plein. Un nouvel échec plongerait le Liban dans une authentique crise de régime qu’il faudrait impérativement éviter, car elle fournirait à la Gauche plurielle (à ne pas confondre avec l’opposition démocratique) et à ses alliés, l’argument qu’elle attend impatiemment, pour se présenter comme l’unique et véritable salut. Ce qui n’est pas du tout souhaitable, au moment où le Liban traverse l’étape la plus cruciale de son histoire. La Gauche plurielle, dans ses diverses composantes, (nul besoin de les répertorier), arrivée au pouvoir disposerait, en l’absence d’un Etat de droit, de tous les atouts pour s’imposer.

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Le projet d’assainissement socio-économique et de restructuration budgétaire et administrative, approuvé en Conseil de ministres, les réserves du ministre Bouez exceptées, rejeté, non seulement par la majorité des Libanais et une part non négligeable de leurs élus, est loin d’être révolutionnaire, comme le prétendent ses auteurs. Le plaidoyer de M. Rafic Hariri en sa faveur, est-il suffisamment convaincant pour apaiser l’anxiété et le malaise d’une société dont le pouvoir d’achat est à ras de sol? Avec un bric-à-brac d’archaïsmes dans tous les domaines et à tous les niveaux, l’on se demande, si l’actuel gouvernement peut prendre encore en charge un pays qui refuse de se dépouiller de tous ses acquis, après tant de luttes et de sacrifices.
Qu’il nous soit permis, en l’occurrence, de prodiguer certains conseils au gouvernement Hariri. Pour pouvoir redresser la situation économique et sociale et sortir le Liban de la déprime collective, il faudrait donner de l’air à l’économie, au lieu de l’étouffer par des endettements et des surcharges. Tel est le problème à résoudre. Quand on compare le statut du Liban au contexte mondial, l’hypertrophie de son administration et le poids harassant des services publics et leurs personnels, que l’Etat s’épuise à alimenter, on comprend le désarroi de l’opinion.
Le jour où la société assure au citoyen et à sa famille les conditions nécessaires à leur développement, garantissant à tous, notamment à l’enfant, à la mère, aux vieux travailleurs, la protection, la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs, ce jour-là, la famille libanaise pourra dormir tranquille. Car tout être en raison de son âge, de son état physique et mental, de sa situation économique, se trouvant dans l’incapacité de travailler, a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence. Mais que faire face à l’hostilité de la classe aisée à participer à un système fondé sur la solidarité, laquelle n’est même pas organisée entre les salariés eux-mêmes, encore moins entre ceux-ci et le patronat et dont les effets inégalitaires s’amplifient au quotidien, sous le regard impassible d’un Etat, censé être l’arbitre, le protecteur et non partie prenante, comme c’est le cas.
Le gouvernement sous la houlette de M. Hariri, a certes marqué un point, celui d’affronter les situations aussi diffici-les et pénibles. C’est audacieux, mais ce n’est pas suffisant. Il joue à quitte ou double face à un marasme généralisé, où l’irrationnel et l’utopie, brouillent la réalité libanaise. Dans un Liban apparemment unifié par les modes de vie et les marchés financiers, il demeure une caractéristique propre aux Libanais: celle de dire non aux réformes piégées! Toute-fois, au lieu de s’engager dans de banales et stériles débats parlementaires, en présentant quelques amendements aux textes habilitant le gouvernement à procéder à des réformes d’envergure, mieux vaut présenter un projet de rechange conférant à l’épreuve de force tout son sens et sa dimension. “Malheureux le pays qui a besoin de héros pour le redresser, alors que sur lui-même il devrait compter”. 

 
 “Malheureux le pays qui a besoin de héros pour le redresser, alors que sur lui-même il devrait compter.”

Bertolt Brecht
(Echec du socialisme)
 

  

 


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