Au delà des politiques bricolées
pour un traitement anodin d’une situation économico-sociale délabrée,
à la mise en œuvre desquelles, le gouvernement en place fait feu
de tout bois, il existe, néanmoins une politique dictée par
le bon sens et l’impératif de la cohésion sociale, permettant
de soumettre le Pouvoir, à une réalité conforme aux
aspirations de ceux qui revendiquent inlassablement leur droit à
une vie décente, qui refusent qu’il y ait à leur insu, deux
Liban: un qui profite et l’autre qui sombre dans le besoin; un Liban privé
de parole, acculé à céder aux diktats des marchés
et qui assiste en faux témoin à la dissolution de sa mémoire,
de ses libertés et de son droit à la différence.
Certes, jamais le problème social au Liban n’a suscité
tant de remous, autant de polémiques, dont l’ampleur ne cesse de
démentir les déclarations de ceux qui annoncent à
cor et à cri que le Liban est à l’apogée du bonheur,
alors qu’il souffre d’une précarité accrue à tous
les niveaux. Les Libanais inquiets, refusent l’insécurité
sociale menaçante, surtout que leur droit à des moyens convenables
d’existence, est inscrit en tête de leur Constitution et demeure
un des fondements du Pacte national. Gérés par un gouvernement
génétiquement impotent, de plus en plus subordonné
à la loi des marchés, soumis aux critères d’une seule
personne, l’un et l’autre pataugeant dans un magnat d’affaires entachées
de lacunes et de corruption au service d’une minorité comblée
de privilèges qui s’attribue une part exorbitante des revenus et
des ressources du patrimoine, enrichie abusivement dans les spéculations
financières et immobilières, dans les transactions suspectes,
au détriment d’un contribuable déboussolé, condamné
à la pauvreté, - alors qu’aucune sanction n’est prise contre
les bénéficiaires de ce gigantesque dérapage, auxquels
on se garde bien de faire rendre gorge! Et pour comble, des scandales et
des déficits budgétaires accumulés sur plusieurs années
pour faire bon poids et dramatiser davantage la situation (la dette publique
s’élève à 21.000 milliards de L.L. selon Dr Salim
Hoss dont la crédibilité est irréprochable). Des déficits
accompagnés d’une dose assez forte de prélèvements
obligatoires, en faveur desquels le gouvernement des Trente plaide à
longueur de journée.
***
Et pourtant, les tenants du pouvoir devraient admettre que, désormais,
on ne peut plus gouverner, en méprisant les contribuables, en tentant
de les tromper sur l’essentiel, en les réduisant à une simple
abstraction pouvant être mise en équation et manipulée
à leur gré.
En matraquant, fiscalement, les plus faibles et en laissant le chômage
et la pauvreté s’étendre, il ne faudrait pas s’étonner
que l’impopularité de la classe gouvernante aille crescendo. Les
Libanais de tous bords, n’accepteront plus le principe du double programme
politique (mégapolitique), l’un racoleur et public, pour se faire
élire; l’autre ravageur et secret pour gouverner. Ils réclament
la fidélité à la parole donnée et les promesses
tenues, - celles surtout relevant de la sécurité sociale,
la lutte contre le chômage dont le taux s’élève à
15% de la population active, incertitude et pauvreté -, devant être
respectées en premier. Les erreurs, les dérapages et les
dérives de l’Etat seraient impardonnables dans l’actuelle atmosphère
politique, où l’indifférence le cède aux abus de pouvoir;
où la guerre des chiffres bat son plein. Un nouvel échec
plongerait le Liban dans une authentique crise de régime qu’il faudrait
impérativement éviter, car elle fournirait à la Gauche
plurielle (à ne pas confondre avec l’opposition démocratique)
et à ses alliés, l’argument qu’elle attend impatiemment,
pour se présenter comme l’unique et véritable salut. Ce qui
n’est pas du tout souhaitable, au moment où le Liban traverse l’étape
la plus cruciale de son histoire. La Gauche plurielle, dans ses diverses
composantes, (nul besoin de les répertorier), arrivée au
pouvoir disposerait, en l’absence d’un Etat de droit, de tous les atouts
pour s’imposer.
***
Le projet d’assainissement socio-économique et de restructuration
budgétaire et administrative, approuvé en Conseil de ministres,
les réserves du ministre Bouez exceptées, rejeté,
non seulement par la majorité des Libanais et une part non négligeable
de leurs élus, est loin d’être révolutionnaire, comme
le prétendent ses auteurs. Le plaidoyer de M. Rafic Hariri en sa
faveur, est-il suffisamment convaincant pour apaiser l’anxiété
et le malaise d’une société dont le pouvoir d’achat est à
ras de sol? Avec un bric-à-brac d’archaïsmes dans tous les
domaines et à tous les niveaux, l’on se demande, si l’actuel gouvernement
peut prendre encore en charge un pays qui refuse de se dépouiller
de tous ses acquis, après tant de luttes et de sacrifices.
Qu’il nous soit permis, en l’occurrence, de prodiguer certains conseils
au gouvernement Hariri. Pour pouvoir redresser la situation économique
et sociale et sortir le Liban de la déprime collective, il faudrait
donner de l’air à l’économie, au lieu de l’étouffer
par des endettements et des surcharges. Tel est le problème à
résoudre. Quand on compare le statut du Liban au contexte mondial,
l’hypertrophie de son administration et le poids harassant des services
publics et leurs personnels, que l’Etat s’épuise à alimenter,
on comprend le désarroi de l’opinion.
Le jour où la société assure au citoyen et à
sa famille les conditions nécessaires à leur développement,
garantissant à tous, notamment à l’enfant, à la mère,
aux vieux travailleurs, la protection, la santé, la sécurité
matérielle, le repos et les loisirs, ce jour-là, la famille
libanaise pourra dormir tranquille. Car tout être en raison de son
âge, de son état physique et mental, de sa situation économique,
se trouvant dans l’incapacité de travailler, a le droit d’obtenir
de la collectivité des moyens convenables d’existence. Mais que
faire face à l’hostilité de la classe aisée à
participer à un système fondé sur la solidarité,
laquelle n’est même pas organisée entre les salariés
eux-mêmes, encore moins entre ceux-ci et le patronat et dont les
effets inégalitaires s’amplifient au quotidien, sous le regard impassible
d’un Etat, censé être l’arbitre, le protecteur et non partie
prenante, comme c’est le cas.
Le gouvernement sous la houlette de M. Hariri, a certes marqué
un point, celui d’affronter les situations aussi diffici-les et pénibles.
C’est audacieux, mais ce n’est pas suffisant. Il joue à quitte ou
double face à un marasme généralisé, où
l’irrationnel et l’utopie, brouillent la réalité libanaise.
Dans un Liban apparemment unifié par les modes de vie et les marchés
financiers, il demeure une caractéristique propre aux Libanais:
celle de dire non aux réformes piégées! Toute-fois,
au lieu de s’engager dans de banales et stériles débats parlementaires,
en présentant quelques amendements aux textes habilitant le gouvernement
à procéder à des réformes d’envergure, mieux
vaut présenter un projet de rechange conférant à l’épreuve
de force tout son sens et sa dimension. “Malheureux le pays qui a besoin
de héros pour le redresser, alors que sur lui-même il devrait
compter”. |
“Malheureux le pays qui a besoin de héros
pour le redresser, alors que sur lui-même il devrait compter.”
Bertolt Brecht
(Echec du socialisme)
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