Editorial


Par MELHEM KARAM 

 
LE PLAN DE RÉFORME GONFLÉ... LES RISQUES ET LES OBJECTIFS  

Le plan de réforme présidentiel qu’ils ont ainsi appelé modestement, ap-prouvé à l’unanimité en Conseil des ministres, on n’aurait pas lui donner une telle dimension, car la plupart de ses matières n’ont pas besoin de lois, ni de décrets et encore moins de décisions de la part du Conseil des ministres. Ses clauses auraient pu être appliquées en vertu d’arrêtés administratifs que n’importe quel directeur général pourrait signer.
Pour être plus précis, nous dirons que c’est une nouvelle déclaration ministérielle par laquelle le gouvernement affirme son maintien jusqu’à la fin du régime. Il se donne ainsi une bouffée d’oxygène prolon-geant son âge jusqu’à cette échéance. C’est, peut-être, ce qu’il vise, si nous désirons nommer les choses par leurs noms. Puis, les propositions qui y sont consignées ont un double objectif: Primo, tenter d’améliorer l’image de la situation, en attendant de s’assurer de la justesse des rumeurs autour de la reprise des négociations. Secundo, propager un climat destiné à mettre en avant les grands électeurs dans la bataille de la présidence.
Dans leur ensemble, les engagements auxquels fait mention le plan d’assainissement et l’austérité qu’il tend à imposer, ne procurent pas le montant requis pour le Trésor, les réserves réalisables demeurant très dérisoires. L’intervention du Conseil des ministres est banal, de même que celle de la Chambre des députés, parce qu’elles sont du ressort des commissions et de l’administration.
Quant à l’idée de réduire le nombre des fonctionnaires en six annuités, sur base de l’amenuisement de leur nombre à raison de dix-mille fonctionnaires par an, en plus de l’arrêt de toute nouvelle embauche, en amadouant les fonctionnaires pour les porter à démissionner ou à faire valoir leur droit à la retraite, tout cela est déplacé.
Le plus dangereux est que l’Etat annonce que d’ici à dix ans, l’administration ne recevra pas du sang nouveau. Est-ce parce que la réforme administrative n’a pu être réalisée, qu’on réduira le nombre des ronds-de-cuir?
Cette question, les gens se la posent, sans y répondre ou bien ils y répondent par insinuation. Ils interprètent cela comme un communiqué Nº1 destiné aux jeunes, leur signifiant en toute franchise qu’il n’y aurait pas de place pour eux au Liban et, qu’en conséquence, ils devraient s’expatrier! Puis, le fait d’appâter les fonctionnaires pour les inciter à démissionner sera très onéreux.
La gravité du plan présidentiel réside en ce que, pour la première fois, un engagement écrit est élaboré, en vue de traiter les problèmes sociaux et de la vie quotidienne de la part des trois présidents.
Puis, de l’observation du marché financier et, partant, des expériences précédentes, les différends des présidents coûtent cher, en ce sens que la Banque du Liban est contrainte d’intervenir à l’effet de préserver la parité de la livre, chaque fois qu’ils sont en désaccord. Pour qu’au cas où ils s’entendent de nouveau, il lui est difficile d’amasser des dizaines, pour ne pas dire des centaines de millions de dollars sur le marché, après qu’elle s’était empressée de les accaparer elle-même.
Le facteur psychologique continue à influer sur les gens, preuve en est qu’ils n’ont pas attendu l’application des mesures, pour multiplier la demande sur la livre. Ceci a permis à la Banque centrale de compenser l’hémorragie à laquelle elle s’est exposée, à cause du désaccord ayant opposé les présidents, ce qui a suscité la panique sur les marchés et parmi les citoyens. Quelle que soit l’appellation donnée à ce plan, il mérite d’être appelé “manifeste de déclaration d’intentions”, parce qu’il sagit de propositions visant à traiter la situation financière économique et administrative. Il a été élaboré par les présidents Berri et Hariri, avant de l’étudier avec le président Hraoui qui l’a approuvé. Son but est d’éviter à la situation financière les tractations inhérentes aux prochaines élections présidentielles. C’est un pas à la fois préventif et défensif, destiné à épargner au marché financier des répercussions pareilles à celles qui s’étaient produites en mai 1994, avant que la reconduction du mandat présidentiel fut tranchée, en le prorogeant de moitié. De là, la tendance à tout consigner par écrit.
Ceux qui ont critiqué le plan présidentiel, partent du fait qu’il transgresse le principe de la séparation des pouvoirs, étant donné que les pouvoirs législatif et exécutif ont mis au point ensemble le texte. Cette procédure laisse imaginer qu’il s’agit d’un partenariat illégal, ayant supprimé le principe de la séparation des pouvoirs.
Ceux qui ont approuvé le plan répliquent que cela serait pardonnable, si cette petite infraction débouchait sur des résultats de nature à résorber une crise devenue, aujoud’hui, un fait accompli grave.
Nous revenons à dire que des mesures administratives auraient pu être remplacées par une note de service, sans réunions et sans lui donner cette grande dimension. La suppression des conseillers pris hors cadre, la non-utilisation des voitures de l’Etat à des fins familiales, la réduction des quantités d’essence accordées à des fonctionnaires de l’administration et l’interdiction de l’hospitalisation à l’étranger, sauf approbation du Conseil des ministres, tout cela n’a pas besoin de décrets ou de projets de lois. De là, l’agrandissement de l’appellation a attiré l’attention des gens sur des faits douteux.
Le jour où a commencé le différend autour des propositions, les gens ont senti que les rencontres libano-syriennes étaient en congé, car la partie syrienne a dit aux Libanais: “Ne nous mêlez pas à la situation économique, car nous avons assez de problèmes. Nous ne voulons pas être accusés de nous immiscer en toute chose, le pays ne souffrant pas une hémorragie. Et lorsque vous tomberez d’accord, les portes de Damas vous seront ouvertes”.
En dépit de l’éloignement politique et des divergences, ce qui distingue cette année de la précédente, est que l’entente politique continue à trébucher. Cependant, l’entente de tous sur des questions économiques devant être réglées, est devenue un point de rencontre pour toutes les parties. Parce qu’elles considèrent que si elle venait à empirer, cette situation ne pardonnerait pas et dépasserait les personnes pour menacer le destin.
En Conseil des ministres, l’origine du plan a paru inconnue. On n’a pas su qui en assumait la paternité, bien qu’il ait été divulgué sans qu’on en révèle la source. Le Conseil des ministres a essayé de le consolider par un soutien politique apparu sous forme d’unanimité réalisée autour de lui. On admet la nécessité de le soutenir par des mesures pratiques, tels des projets de lois ou de décrets. Il est reconnu, à présent, que la situation économique et financière est difficile et nul n’ose contester l’une de ses clauses ou de ses lettres; cela se produit pour la première fois en Conseil des ministres.
Même les opposants avaient un point de vue non éloigné de l’essence. Nul n’a dit mot au gouvernement, mais certains ont observé qu’il a tardé à agir. Il y a eu des réserves sur l’impôt de un pour cent. Quant à l’endettement, les opposants rappellent au gouvernement qu’il disait, précédemment: Tant que la dette est intérieure, il n’y a pas de problème. Pourquoi donc a-t-il recours maintenant à l’endettement extérieur?
Le gouvernement répond que l’endettement intérieur moyennant un taux élevé, accroît le déficit et le service de la dette publique. Puis, le retrait des liquidités du marché entraîne le marasme. Alors que le taux sur les prêts extérieurs est moindre, ce qui ranime les liquidités. Quant au prêt de deux milliards de l’étranger, il réalise une économie de l’ordre de 240 milliards de livres annuellement, ceci représentant la différence entre le taux sur la livre libanaise et les devises rares.
Le gouvernement considère avoir bien fait en admettant l’existence d’une crise, alors qu’il la niait, précédemment. Il ajoute que si la crise n’avait pas de base, ces mesures n’auraient pas été prises et il est préférable qu’elles le soient, tardivement, que de ne pas être prises du tout.
Ceci en ce qui a trait au plan. En ce qui concerne la suppression des indemnités accordées jusqu’ici aux anciens présidents, ministres et députés, c’est une hérésie à laquelle il n’est pas permis d’avoir recours. Car il ne s’agit pas de gaspillage, ni d’un argent dépensé inconsidérément. Les grands ayant gouverné le Liban dans le passé et étant affectés dans leur vie avec leurs familles, ne peuvent pas apparaître différemment de ce qu’ils étaient le jour où ils étaient au pouvoir. Ceci ferait apparaître le gouvernement sous le sceau de l’ingratitude, en ne reconnaissant pas le mérite des grands sur le pays.
L’Etat dit que le nombre des fonctionnaires est de 157.000, y compris les effectifs de l’armée et des FSI, leurs traitements coûtant au Trésor 250 milliards de livres par mois.
Ceci en ce qui concerne la situation financière. Au plan politique, la prorogation du mandat présidentiel est une possibilité entre d’autres, abstraction faite du désir du président Hraoui de vouloir proroger son mandat ou pas. Bien que la reconduction ait moins de dimension que d’autres, n’empêche que l’image de la présidence n’apparaît pas à travers des données locales mais extérieures. Rien ne se produira avant le printemps, c’est-à-dire après que se sera concrétisé le sort des négociations sur les volets actuellement paralysés, sans qu’on se contente des négociations palestino-israéliennes. C’est pourquoi, l’attente justifie un plan de résistance, pour empêcher que le temps perdu expose le pays à des secousses économico-financières, comme c’est le cas en ce moment.
Tous attendent avec angoisse et le mot est, certainement, à d’autres que ceux qui croient avoir leur mot à dire.
Le commentaire le plus plaisant fait autour du plan présidentiel, est celui d’un des députés du “Hezbollah” qui a dit: “Les dix-sept clauses servent de tremplin à la dix-huitième... et la justifient”. 

Photo Melhem Karam

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