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ÉCONOMIE ET RECONSTRUCTION
Ce point de vue, M. André Yared, ex-président de l’Association
le partage. “Le malaise socio-économique, dit-il, résulte
du déséquilibre entre les revenus et les dépenses.
Après vingt ans de guerre, il est normal que certaines entreprises
en crise financière ferment leurs portes. Mais il est inacceptable
de laisser leur nombre s’accroître et rien ne laisse prévoir
un changement.
“La relance du marché, ajoute Yared, nécessite une stabilité
de la vie socio-économique, laquelle n’est assurée que par
une économie productive. Or, la politique de reconstruction de l’Etat
va dans le sens opposé, le gouvernement s’engageant dans des projets
improductifs. Des sommes énormes sont dépensées sans
qu’il y ait des revenus équivalents. Je ne renie pas l’importance
des travaux en cours, mais il y a un ordre de priorité qu’il faut
respecter”.
AUTRE SON DE CLOCHE
M. Anis Mrad, vice-président de l’Association des commerçants
de Hamra, désapprouve ce raisonnement. “L’Etat, soutient-il, fait
tout son possible. Sept ans auparavant, les infrastructures étaient
détruites et sans elles il ne peut y avoir un relèvement.
La reconstruction contribuera à la croissance des zones rurales
et à la réduction de la pression sur Beyrouth. L’économie
progressera au fur et à mesure que le Libanais s’habituera à
un nouveau mode de vie. Il doit apprendre à assumer ses responsabilités
envers son pays.”
Les experts se montrent optimistes. “La rectification du statut économique
exige son maintien en état d’urgence durant trois ans”, estime Marwan
Iskandar.
Comment opérer cette rectification?
“L’adoption de certaines mesures ajustant le déficit budgétaire
répond à cette question, assure-t-il.
“D’ailleurs, le président de la Banque mondiale lors de sa visite
au Liban en juin dernier a subordonné un prêt d’un montant
d’un milliard 600 millions de dollars pour quatre ans, au règlement
du déficit.”
M. Iskandar propose certaines mesures: maintien de la stabilité
intérieure pour favoriser une décision ferme de redressement.
A son avis, le ralentissement économique est dû en grande
partie au tiraillement politique causé par la période préélectorale
et la prorogation du mandat du chef de l’Etat, d’une part; les différends
opposant le Premier ministre, Rafic Hariri au président de l’Assemblée,
M. Nabih Berri (concernant les moyens d’assurer les fonds pour les déplacés
et l’endettement en devises étrangères), d’autre part.
DÉFICIT INADMISSIBLE
“L’autorité libanaise, poursuit-il, réalise aujourd’hui
que la proportion du déficit budgétaire (de 53% au lieu de
37%) est inadmissible, surtout que le déficit en 1995, 1996, 1997
a dépassé d’un tiers les prévisions.
“En outre, les indicateurs de la Banque du Liban ont enregistré
une régression en septembre et octobre derniers. Cette perte de
dynamisme est motivée par l’absence d’argent liquide, la hausse
des taux d’intérêts sur les avances, ainsi que la limitation
de celle-ci aux grandes entreprises. L’intention de créer une entreprise
d’un capital de 50 milliards de livres libanaises pour financer les petites
entreprises peut empêcher les“lock-out”.
Sans doute, il y a eu un retard dans l’exécution de ce projet,
mais la Banque du Liban œuvre dans ce sens.
Cela, sans compter que l’action économique comptait, surtout,
sur le secteur foncier. Saturés, les permis de construire ont régressé
de 60%en 1995/1996 et de 30% en 1997, par rapport aux années précédentes.
Mais entre-temps que faire?
Redresser, économiquement, le pays exige l’élaboration
de réformes politiques. La réhabilitation du secteur commercial
doit être consolidée par une politique financière souple.
“Imposer une taxe allant de 1000 dollars par an à tout commerçant,
profitera au Trésor, estime Nehmé sans que cela affecte le
Libanais moyen et à revenu limité”. La politique financière
est, en quelque sorte, responsable de l’état actuel”.
LE “MOIS DU SHOPPING”
Par contre, le “mois du shopping” est apprécié par les
commerçants. “C’est l’une des initiatives capables de revitaliser
le marché”, affirme M. Yared. A part quelques fausses notes, ce
“mois” a été un succès.
“Cette année, des discussions ont été entamées
avec le ministère de l’Economie et du Commerce, annonce M. Nehmé.
La déclaration des soldes de 50%, trois mois à l’avance l’an
dernier, a ralenti l’activité du marché qui n’a été
vraiment démarré qu’en février. Les conséquences
étaient désastreuses au plan des ventes.
“Cependant, les participants au mois du shopping, cette année,
seront libres quant aux soldes qu’ils comptent afficher. Ceux qui désirent
des escomptes (de 50%) seront amenés à informer le ministère
et à présenter la liste des prix des articles concernés.
“Ces mesures sont destinées à empêcher la manipulation
des prix. La non-déclaration de 50% n’influencera d’aucune façon
les clients, en particulier les touristes. Ces derniers étant intéressés
par les réductions des agences de voyage et des hôtels, le
shopping venant en second lieu”.
POURQUOI PAS UN MARCHÉ COMMUN ARABE?
Bien que février soit réservé aux escomptes, le
Libanais va en Syrie pour faire ses achats, les prix y étant moins
élevés. C’est un phénomène qui s’amplifie et
suscite le mécontentement des commerçants libanais.
“Le conseil économique supérieur libano-syrien s’en occupera”,
espère M. Nehmé.
“En tant que commerçants libanais lésés par ce
phénomène, nous demandons d’appliquer le principe de la réciprocité”.
M. Iskandar juge que la différence des prix doit forcer les
commerçants libanais à réviser les leurs. “Le Liban
et la Syrie, pense-t-il, sont invités à rejoindre l’OMC.
La création même d’un marché arabe commun réanimera
l’économie libanaise”.
Certes, des mesures protectionnistes sont à concevoir. Telle
la règlementation de la main-d’œuvre étrangère, en
prévoyant des taxes sur le permis de travail et les revenus, l’employeur
devant faire bénéficier ses employés de la sécurité
sociale”.
“En tout état de cause, dit M. Yared, accentuer le rôle
de l’Etat reste le moyen le plus sûr, à condition que les
mesures soient adaptées aux besoins de la société-libanaise.
Comprimer les dépenses, consolider l’investissement dans des projets
relatifs à la vie quotidienne s’avèrent nécessaires”.
“L’Etat Libanais n’use pas de tout son potentiel. Il faut qu’il gère
ses ressources”, observe M. Iskandar. Quelques astuces seraient valables,
tel d’assurer l’application de la taxe sur la mécanique dont les
recettes seront de 100 millions de dollars, alors que les sommes recueillies
par l’Etat ont atteint jusqu’ici 16% seulement.
“Il en est de même pour l’électricité, les recettes
ne dépassant par les 35%. A ce niveau, des modifications doivent
intervenir. Deux facteurs sont à prendre en considération:
le coût élevé du courant au Liban et le paiement des
factures, en réduisant de 20% le prix du courant, les factures devant
être détaillées et non approximatives par rapport à
la consommation. Les recettes pourraient totaliser quelque 120 millions
de dollars”.
L’organisation de la circulation et l’implantation des métreurs
pneumatiques réduisent, aussi, la perte. Imposer une taxe de 2%
sur les ventes excepté les médicaments, les produits agricoles,
les livres et les journaux. Une taxe qui représente au moins 120
millions de dollars par an.
Une dernière mesure à adopter: augmenter le prix de l’essence.
M. Iskandar pense que le relèvement de 5000L.L. des prix de l’essence
n’atteint pas les classes pauvres, car le citoyen de condition modeste
utilise les moyens de transport.
Réactiver le marché à tous les niveaux est primordial.
En premier lieu, la désobéissance civile des affamés
prônée par Cheikh Sobhi Toufaily risque de s’étendre
si la “politique d’appauvrissement” persiste.
En second lieu, le pouvoir libanais ne peut plus tergiverser, persévérer
dans la voie actuelle et subir la fureur des classes défavorisées.