AMBASSADEUR D'ESPAGNE EN POSTE DEPUIS SEPTEMBRE 97 GRACIA MUNOZ:
"MON PAYS VEUT CONTRIBUER À LA RECONSTRUCTION DU LIBAN ET UNE FIRME ESPAGNOLE PARTICIPE DÉJÀ AU RÉAMÉNAGEMENT DU PORT DE BEYROUTH"

 
 
 
 
 
Le chef de la diplomatie libanaise a signé à Madrid, en 1996, un accord de coopération aux plans scientifique, technique et culturel
 
Docteur de la faculté de droit de Madrid, Master en économie (1962) de l’université de Londres (London School of Economics); Master en droit international de l’Académie de La Haye; diplômé en droit international (1964) de l’Institut des hautes études internationales et de l’université de Luxembourg pour les Droits comparés (1965), M. Garcia Munoz, nouvel ambassadeur d’Espagne à Beyrouth, a occupé son premier poste diplomatique fin 1966, en tant que troisième secrétaire d’ambassade au Salvador.  
Puis, il a assumé les charges suivantes: consul-adjoint à Francfort (Allemagne) en 1971 et consul-adjoint à Hambourg (1971-74). Rappelé à l’administration centrale à Madrid, il a été nommé directeur pour les affaires d’Afrique et du Moyen-Orient; directeur pour les affaires économiques et directeur des Relations économiques multilatérales (1975-78); sous-directeur général pour les affaires économiques internationales, en 1980.  
Il a participé à plusieurs conférences internationales, négocié maints traités internationaux et s’est occupé des accords internationaux sur les matières premières.  
En 1981, il est affecté à Washington à titre de chef du département des affaires économiques et commerciales à l’ambassade d’Espagne aux Etats-Unis. En 1985, il est ministre plénipotentiaire à Paris et, en 1990, ambassadeur auprès de la conférence de la sécurité et de la coopération en Europe, à Vienne. Il a pris part à la rédaction de la charte pour l’Europe et la conférence de Helsinki ayant donné lieu à la création de l’organisation de la sécurité et de la coopération.  
Après avoir été en poste à Bordeaux (France) en 1993 en tant que consul général, M. Munoz a été nommé ambassadeur au Liban le 15 septembre 97 et a présenté ses lettres de créance au chef de l’Etat le 16 octobre.  
 
 
LE LIBAN DEVIENT DE PLUS EN PLUS IMPORTANT POUR L’ESPAGNE  
- Y aurait-il quelque contentieux entre Beyrouth et Madrid et quelle est la nature de leurs relations, en général; en particulier aux plans commercial et culturel?  
“Les relations entre l’Espagne et le Liban ont toujours été amicales et très étroites. Il y a beaucoup d’échanges entre Libanais et Espagnols. Tous les Libanais qui se rendent en Espagne, se sentent chez eux et vice-versa. Sur le plan officiel, les relations sont excellentes, preuve en est la visite du Premier ministre, M. Hariri en Espagne où il a rencontré le roi Juan Carlos, le président du Conseil et a eu une réunion de travail avec le patronat, au siège de la confédération espagnole des patrons. Ce fut une rencontre importante et fructueuse; toutes les possibilités ont été examinées amenant, ainsi, des sociétés et entreprises espagnoles à investir au Liban. Pour les aider, l’Espagne a signé un protocole financier de 105 millions de dollars, dont 5 millions à titre de dons. 
“Sur le plan commercial, je dois dire que le Liban devient de plus en plus important pour l’Espagne. En 1996, les exportations espagnoles au Liban ont atteint 125 millions de dollars. 
“En 1997, les exportations espagnoles au Liban ont augmenté de 58,7% durant les sept premiers mois de l’année (de janvier à juillet), ce qui se traduit en chiffres à 118 millions de dollars. Si cette tendance se confirme, nous aurons une augmentation substantielle des produits espagnols au Liban. 
“Je vais rendre hommage, ici, aux hommes d’affaires libanais qui ont beaucoup aidé à la réalisation de ces échanges. Nous espérons que les ventes de produits libanais en Espagne augmenteront d’une façon parallèle, car les produits libanais sont très appréciés par mes compatriotes. 
“Sur le plan culturel, le ministre libanais des Affaires étrangères, M. Farès Bouez, a signé à Madrid en 1996, un accord de coopération aux plans culturel, technique et scientifique. On envisage, maintenant, de réunir la commission mixte prévue dans cet accord pour explorer les secteurs où la coopération entre le Liban et l’Espagne peut être développée.” 

COOPÉRATION LIBANO-ESPAGNOLE  
- L’Espagne contribue-t-elle et dans quels secteurs, à la reconstruction des régions libanaises dévastées par la guerre ou à la remise en état de ses infrastructures?  
“Les événements du Liban ont constitué une tragédie, car une guerre tellement longue est toujours fort éprouvante pour la population et l’économie. L’Espagne veut contribuer à la reconstruction du Liban et participe, déjà, à la reconstruction du port de Beyrouth par le biais d’une grande entreprise espagnole. C’est un projet nécessitant le débours de 103 millions de dollars. Il en est de même dans les autres régions libanaises où la coopération espagnole est présente. Des réalisations dans le domaine agricole ont pour but d’aider les agriculteurs libanais à améliorer leur méthode de production et la commercialisation de leur produit. D’autres visent à assurer un métier aux personnes handicapées et à promouvoir la formation professionnelle avec des subventions pour la création des écoles, notamment à Jezzine. 
“Il existe, aussi, une coopération espagnole directe avec des organisations non gouvernementales dans les secteurs de la santé, de l’assistance publique et du développement des activités féminines. 
“Toutes ces actions représentent des aides directes espagnoles d’un montant de trois millions et demi de dollars. 
“Dans la sylviculture, l’Espagne a financé un projet au Mont-Liban pour l’établissement de pépinières pour le reboisement de cette zone. 
“Pour les années à venir, le gouverne-ment espagnol prévoit des plans pour aider le Liban à surmonter les difficultés des dernières années.” 

ATTACHÉ À L’EURO  
- Quelle est la position du gouverne-ment espagnol envers l’Euro et la monnaie européenne unique sera-t-elle adoptée dans le délai prévu?  
“Le gouvernement espagnol veut participer, dès le début, à l’établissement de l’Euro. Nous avons déployé beaucoup d’efforts dans tous les domaines de l’économie pour qu’elle soit en état de faire partie du groupe des pays fonda-teurs. 
“L’Espagne attend, aujourd’hui, les critères de convergence et nous espérons que la monnaie unique sera en place le 1er janvier 1999. L’opinion publique espa-gnole est très attachée à l’Euro; il y a dans tous les médias des campagnes pour expliquer ce qui va se passer avec la peseta après janvier 99.” 

- Qu’en est-il du chômage dans votre pays et quelles mesures le gouvernement de Madrid a-t-il envisagé pour conjurer ce fléau?  
“Nous sommes très préoccupés par le problème du chômage et mon pays souffre beaucoup de ce fléau. Tous les gouvernements lui recherchent des solutions. D’abord, ils vont proposer des mesures pour encourager les entreprises à embaucher des jeunes et former les personnes au chômage pour qu’elles puissent trouver un emploi. 
“C’est par des mesures budgétaires, fiscales et de formation que l’on peut combattre le chômage. Jusqu’aujourd’hui, il y a eu une diminution importante du taux de chômage dont la proportion atteint 12% de la population active.” 

QUID DE LA PRIVATISATION?  
- Le gouvernement espagnol est-il acquis à la politique des privatisations et dans quels secteurs compte-t-il les appliquer?  
“La privatisation pour le gouvernement espagnol n’est pas à l’ordre du jour, car à l’exception de très peu de secteurs, le charbon et la sidérurgie par exemple, tous les autres ont toujours été pris en charge par le secteur privé. 
“Le gouvernement va faire sortir de son rayon, la seule entreprise sidérurgique publique et quelques mines de charbon qui sont encore supervisées par l’Etat.” 

- Au récent sommet de Strasbourg, le conseil de l’Europe a décidé de créer une institution européenne pour lutter contre la corruption, le crime organisé et la drogue, considérés comme les principaux ennemis de la démocratie et de l’Etat de droit. Auquel de ces fléaux, l’Espagne est-elle le plus confrontée?  
“L’Espagne, comme tous les pays de l’Union européenne, est très consciente du phénomène de la corruption, du crime organisé et des problèmes de la drogue qui en découlent. 
“Mon pays, malheureusement, s’est transformé en plaque tournante pour les drogués qui viennent de l’Amérique du Sud. Pour lutter contre ce fléau, on a modernisé les services de répression et établi une coopération très étroite avec les autres pays européens comme avec ceux d’Amérique producteurs de drogue. 
“Quant à la corruption, des lois ont été élaborées et appliquées de manière à traduire en justice toutes les personnes, même les plus haut placées.” 

- Quel est l’impact du mariage de la fille cadette du couple royal espagnol avec un roturier et un tel mariage est-il admis par rapport au prince héritier?  
“Le mariage de la deuxième fille du roi, l’Infante Christina a été un événement en soi. C’est la classe sociale de son mari qui fait que cet événement a été perçu par le peuple espagnol comme un mariage d’amour entre des personnes de leur âge et de leur époque. 
“Quant au mariage du prince héritier, nous attendons toujours son choix. Les Espagnols savent qu’il y a un bouquet de jeunes femmes, des candidates, jeunes et très belles: celle qu’il choisira sera la bienvenue.” 

L’ESPAGNE ET L’OTAN  
- Quelles ont été les retombées de l’élargissement de l’OTAN, dont un Espagnol est le secrétaire général?  
“L’Espagne fait partie de l’OTAN depuis 1986 et les gouvernements espa-gnols ont toujours coopéré à sa restructuration afin qu’elle puisse remplir son rôle après la guerre froide. Le défi, de nos jours, exige que l’OTAN puisse faire face à des événements n’ayant pas un caractère belliqueux et rendent l’organi-sation indispensable pour le maintien de la paix. 
“Que son secrétaire général soit un Espagnol est interprété par mon pays comme une reconnaissance de sa participation très poussée à l’organisa-tion.” 

- Qu’en est-il de la “guerre américano-européenne” pour les marchés de l’Est?  
“Après que les Américains ont déclaré par l’entremise du président Clinton que les intérêts stratégiques des Etats-Unis sont de caractère économique, les pays concernés doivent faire face au défi lancé par Washington. Par la suite, l’Union européenne est devenue un concurrent économique pour les Etats-Unis, quand il s’agit de gagner un marché.” 

LE LIBAN BOUGE...  
- Quelles sont vos impressions quant à la situation présente au Liban?  
“Quand on arrive au Liban, on est un peu conditionné par son passé récent, mais dès que j’ai atterri sur la terre libanaise, j’ai aperçu que le Liban a fait et continue à déployer un effort extra-ordinaire pour se rattraper après sa dure épreuve. 
“C’est un pays qui bouge dans les secteurs social, économique, culturel et financier. 
“Je suis très agréablement surpris de constater que les Libanais ont relevé le défi qui leur a été lancé, celui de reconstruire un pays tellement atteint par la guerre. 
“J’ai eu l’occasion de visiter quelques régions et de constater combien les choses vont vite, pour restituer au Liban la place qui lui correspond sur la scène inter-nationale. 
“Un de mes grands projets, actuelle-ment, est de faire venir le roi d’Espagne au Liban, pays qu’il a visité en tant que prince en 1969.” 

- Quel est votre meilleur souvenir de diplomate?  
“Quand on est diplomate, il y a beaucoup de souvenirs, mais celui qui m’a beaucoup touché est ma présence à la conférence de Madrid en 1991, où ont été posées les premières pierres devant instaurer la paix au Proche-Orient.” 

 
 (Propos recueillis par JEANNE MASSAAD)

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