LA LIGUE MARONITE À NICOSIE 
RÉTABLIR LES CONTACTS ET RENFORCER LES LIENS AVEC CHYPRE

A l’initiative de la jeunesse maronite catholique de Chypre, qui fête son dixième anniversaire, notamment de son président, Yeannakis Moussas, le président de la Ligue maronite, Pierre Hélou, a effectué une visite d’un jour à Nicosie, le dimanche 7 décembre, à la tête d’une délégation de quinze personnes dont quatre membres du comité exécutif.
Riche en rencontres et dialogue, la journée a renforcé les liens entre maronites du Liban et de l’île. Elle a permis, surtout, à la délégation de connaître de près les problèmes des maronites de Chypre et de promettre d’aider dans la mesure de ses moyens à la recherche d’une solution conforme à leurs aspirations et aux droits de l’homme.
 
 
Arrivée à l’aéroport de Larnaca. La délégation
est accueillie par le Chargé d’affaires, 
Imane Younès et M. Yeannakis Moussas 
(à l’extrême gauche).
 
Petit déjeuner chez les Moussas: Mlle Imane Younès, 
M. Pierre Hélou, Mme et M. Yeannakis Moussas.

 
 
Ce fut une journée intéressante et fructueuse. A 6h30, les membres de la délégation sont au complet à l’AIB pour le départ prévu à 7h15. Vingt-cinq minutes plus tard, nous voilà à Chypre. A l’aéroport de Larnaca, nous sommes accueillis au salon d’honneur par le Chargé d’affaires du Liban à Nicosie, Imane Younès, diplomate pleine de gentillesse et d’amabilité qui sera présente à nos côtés tout au long de cette visite.
L’initiateur de cette journée de rencontre, Yeannakis Moussas, président de la Jeunesse maronite catholique de Chypre est là, aussi, avec quelques jeunes du mouvement. Très vite, le contact est établi avec chaleur.
Les formalités terminées, M. Moussas nous invite, aussitôt, à son domicile à Larnaca, où sa jeune épouse (ils sont mariés depuis un an) et sa belle-mère ont préparé un petit déjeuner dans la plus pure tradition d’hospitalité maronito-chypriote. On apprend ainsi que, selon la coutume de l’île, ce sont les parents de la mariée qui offrent la maison au gendre.

MESSE EN LA CATHÉDRALE MARONITE
Il ne faut pas plus de trente minutes pour arriver à Nicosie par l’autoroute. On se rend directement à la Cathédrale Notre-Dame des maronites, située à quelques mètres de la ligne de démarcation, pour participer à la messe solennelle de dix heures, célébrée par Mgr Boutros Gemayel, archevêque maronite du diocèse, secondé par Mgr Jean Orfano.
L’église est pleine. Au premier rang de l’assistance: le représentant des maronites au parlement et Mme Haji Roussos, le consul du Liban et Mme Costa Tabet, des notables et des fidèles de toutes générations.
Le plus émouvant était d’entendre la chorale servir la messe par des chants liturgiques en syriaque et en libanais. Pourtant, celle qui la dirige ne connaît pas l’arabe et nous confie qu’elle retranscrit les mots en lettres grecques.
 
 

 
Messe en la cathérale Notre-Dame des maronites à Nicosie.
 
Au siège de l’archevêché maronite.
 
 
L’HISTOIRE DES MARONITES DE CHYPRE
Dans son homélie, Mgr Gemayel relève l’importance d’une telle rencontre “qui, dit-il, révèle tout l’intérêt qu’accorde la Ligue maronite, aux maronites de Chypre et, tout particulièrement, à la jeunesse qui célèbre le dixième anniversaire de son mouvement.”
Il donne, ensuite, un aperçu instructif de l’histoire de la communauté maronite de Chypre. “Savez-vous, dit-il, que le premier mouvement d’émigration des Libanais a été vers cette île, avec laquelle les relations datent de l’époque des Phéniciens?”
Les maronites y sont venus autour de l’an 900. Mais le premier document officiel date de 1120. Il est écrit des mains du patriarche de l’époque confiant à un groupe de moines la mission de s’occuper des maronites de Chypre.
Autre date historique à retenir: la création, en 1316, du diocèse maronite de Chypre qui se perpétue jusqu’à nos jours. Longtemps, les prélats de la communauté ont résidé sur l’île; puis, dès le XVIIème siècle ils ont dû, pour des raisons politiques, résider au Liban, dans la région du Metn, ce qui a conduit à la création d’un diocèse commun à Antélias et à Chypre. Il en fut ainsi jusqu’à il y a dix ans. En 1988, il fut décidé de redonner à l’île un diocèse indépendant résidant sur place. Mgr Boutros Gemayel est le premier archevêque à remplir cette mission.

L’ESPOIR EST DANS LA JEUNESSE
Au début du XVIème siècle, selon les historiens, les maronites de Chypre étaient au nombre de 60.000, répartis dans plus de 60 villages au Nord de l’île. C’était leur âge d’or. L’archevêque de l’époque, Gebraël Ibn al-Kilaï, était un homme de grande culture ayant étudié durant vingt ans à Rome. Il a transmis la pensée romaine catholique aux maronites, aux Libanais et aux Arabes et traduit à l’arabe des dizaines d’ouvrages théologiques, philosophiques et littéraires de l’époque de la Renaissance.
En 1570, les Turcs occupent l’île. Les maronites subissent des massacres et se dispersent. Leur nombre se réduit à quelques milliers. Le patriarche Estephan Doueihy, qui fut archevêque de l’île entre 1668 et 1670, retrace cette page d’histoire dramatique pour les fils de la communauté.
En 1974, ils ont subi un nouveau drame: leurs villages au Nord de l’île sont désertés et, actuellement, la communauté de 6.000 membres traverse la phase la plus dure de son histoire. “L’espoir et l’espérance sont dans la jeunesse, conclut Mgr Gemayel. Ils sont l’avenir.”

L’HOSPITALITÉ MARONITO-CHYPRIOTE
La messe est suivie d’un cocktail offert par M. Antonis Haji Roussos, dans la salle de réception de l’église. Une exposition de peinture s’y tient, représentant les villages maronites du Nord de Chypre quasiment vidés de leur population à l’heure actuelle.
La délégation se retrouve, ensuite, au salon de l’archevêché autour de Mgr Boutros Gemayel. Sur les murs, sont accrochés les portraits des archevêques qui se sont succédé sur ce diocèse.
A 13 heures, un  déjeuner est offert par la Jeunesse maronite catholique à l’hôtel “Philoxenia”, siège des conférences et rencontres internationales.
Le président et les membres de ce mouvement ont fort bien organisé le programme de cette journée. Des toasts sont portés au renforcement des liens entre les maronites de Chypre, la Ligue maronite et la mère-patrie.
Suit une heure de visite le long de la ligne de démarcation qui divise Nicosie et dans le Centre-ville.

RÉUNION RESTREINTE
Vers 15h30, on se rend à l’archevêché situé dans un quartier résidentiel de la capitale et tenu par trois religieuses antonines: sœurs Thérèse Abi-Younès qui s’y trouve depuis 12 ans; Sonia Abou el-Hosn depuis 5 ans et Jeannette Fénanios, arrivée il y a trois mois.
Mgr Jean  Orfano et le R.P. Maroun Sfeir participent à cette rencontre restreinte, ainsi que M. Haji Roussos, représentant des maronites au parlement chypriote et M. Petros Markou, du département d’agriculture de Nicosie.
L’archevêque et les trois religieuses exposent les activités du diocèse aux plans religieux, social et culturel. Mgr Gemayel insiste sur la création d’un atelier des icônes en vue d’unifier l’art religieux maronite. Il attache, par ailleurs, beaucoup d’importance sur le centre d’accueil au Liban, (“St-Peter’s Center”) créé par le diocèse de Chypre à Kornet Chehwane.
M. Roussos expose la situation au plan politique; ce qu’attendent et espèrent les maronites de Chypre de la Ligue maronite et du Liban, en général.

CONFÉRENCE - DÉBAT
Cette conférence-débat constitue le moment fort de la journée. Elle se déroule dans la salle de conférences de l’hôtel “Philoxenia” équipée d’un dispositif pour la traduction simultanée, du français au grec et vice-versa.
Le président de la Jeunesse maronite catholique de Chypre, Yeannakis Moussas, ouvre la rencontre qui rassemble autour de la délégation libanaise et du représentant des maronites au parlement chypriote, M. Antonis Haji Roussous, une quarantaine de membres du mouvement de la jeunesse maronite locale.
M. Moussas en explique l’objectif: “Renforcer les liens sur des bases solides entre les maronites de Chypre et du Liban. Deux conférenciers sont appelés à prendre la parole: MM. Haji Roussous et Pierre Hélou.
Le président de la Ligue maronite fait un remarquable exposé: “Ce matin, affirme-t-il, nous avons eu droit à une messe qui nous a tous émus, car pour la première fois dans un pays grec, nous avons écouté des chants liturgiques en arabe et en syriaque.”
Il remercie Mgr Gemayel de “l’activité intense qu’il déploie” en faveur des maronites de Chypre et pour resserrer les liens entre l’île et le Liban. Il remercie, également, M. Haji Roussous de son exposé sur les besoins de la communauté maronite de Chypre, ajoutant: “Je voudrais assurer notre ami que nous allons déployer tous nos efforts pour essayer, dans la mesure de nos faibles moyens, d’améliorer le sort de la communauté maronite.”
Puis, il exprime sa gratitude à M. Moussas “mon jeune ami à qui nous devons cette rencontre. Il a déployé pour nous réunir de gros efforts et, dès le premier contact, j’ai eu pour lui la plus grande sympathie. Ce premier contact sera suivi de beaucoup d’autres pour le plus grand bien de tous.”

“SANS LA LIBERTÉ, PAS DE LIBAN”
Ensuite, M. Hélou évoque l’histoire du Liban: “Un merveilleux pays  de montagne, de refuge pour toutes les communautés et, jusqu’en 1975, un exemple de coexistence inter-communautaire.”(...)
“Sans la liberté, ajoute-t-il, il n’y a pas de Liban.” Il déplore les années de guerre, le drame du déplacement et, aujourd’hui, un monde politique affaibli, “où, pensons-nous, la ligue maronite  a un rôle essentiel à jouer. Cette Ligue n’est pas une association caritative, mais une organisation politique que nous voulons transformer en institution durable.”
Il parle de l’émigration libanaise, des liens à créer avec les maronites du monde et termine en ces termes: “Ce premier contact a été très fructueux. Il nous a permis de faire connaissance et de connaître de près vos problèmes. En tant que Ligue maronite et que Libanais, nous vous promettons de maintenir le contact et de fournir notre aide dans la mesure de nos moyens”.

LA SITUATION DES MARONITES DE CHYPRE
Auparavant, le représentant des maronites au parlement chypriote avait exposé la situation de ses coreligionnaires et rappelé leurs justes revendications en vue de recouvrer leurs terres et leurs droits.
Il donne un aperçu historique de la présence des maronites dans l’île depuis le Xème siècle pour en arriver à la situation actuelle.
Dans les années 70 avant le partage, les maronites au nombre de 5.000 vivaient au Nord de l’île, dans quatre villages dont les noms rappellent leur origine. Le plus célèbre est celui de Kormakitis, en référence au village de Kour dans le caza de Batroun; Asomatos ou Chamâte; Aya Marina et Karpasia.
Après le partage en 1974, ces villages sont tous passés sous domination turque. Il n’y reste plus, aujourd’hui, que 170 habitants, tous des personnes âgées. Les maronites se sont dispersés à 95% dans la partie grecque. Pour s’y rendre une fois par mois, ils ont besoin d’une autorisation et doivent se confiner au lieu précis qu’ils visitent.
Que va-t-il advenir de ces localités une fois que les vieux ne seront plus de ce monde? D’autant plus qu’avec leur faculté d’adaptation, les maronites vont être assimilés par la communauté grecque?
D’où le mémorandum présenté par la communauté maronite de Chypre réclamant notamment ce qui suit:
1- Revenir à leurs villages et jouir des droits de l’homme les plus élémentaires.
2- Accorder un “statut spécial” à la région maronite. Le canton pourrait être de préférence rattaché à l’Etat chypriote grec, sinon placé sous la juridiction du gouvernement central d’un Etat fédéré.
3- Accorder à la communauté maronite le droit de participer, à part entière, à la vie publique et, aux enfants, d’avoir une éducation maronite.
4- Restaurer les églises et monastères et les restituer à leur propriétaire légal: l’Eglise maronite.

JUMELAGE DE VILLES LIBANAISES ET CHYPRIOTES
La communauté maronite de Chypre espère que le Liban officiel, ainsi que la Ligue maronite pourraient l’aider, en plaidant sa cause auprès des grandes puissances.
Dans le débat qui a suivi, plusieurs idées furent proposées. Me Antoine Akl a suggéré la création d’une ligue maronite à Chypre. Un Chypriote a parlé de jumelage de villes libanaises et chypriotes. D’autres ont parlé de la possibilité de poursuivre les études universitaires au Liban. Le Dr Fady Comair a annoncé que la Ligue sera sur le site Internet le jour de la Saint-Maron (le 9 février 98).
Une dernière collation et la délégation accompagnée de Mlle Imane Younès et M. Yeannakis Moussas, reprend le chemin de Larnaca, pour de là revenir à Beyrouth.
 

La délégation libanaise était formée de MM. Pierre Hélou, président de la Ligue maronite et de quatre membres du comité exécutif: Hafez Zakhour, secrétaire général; Rachad Salamé, chargé des relations extérieures; Rachid Jalkh et le Dr Fady Comair; des membres de la Ligue: MM. Antoine Akl, Abdallah Moussalem, Henri Hélou, architecte; Joseph Khalil, président des scouts maronites et Emile Yamine, notaire.
La délégation était accompagnée de cinq journalistes: Nelly Hélou, Habib Chlouk, Georges Berbéri, Youssef Hoyek et Naufal Daou. 


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