![]() Arrivée à l’aéroport de Larnaca. La délégation est accueillie par le Chargé d’affaires, Imane Younès et M. Yeannakis Moussas (à l’extrême gauche). |
![]() Petit déjeuner chez les Moussas: Mlle Imane Younès, M. Pierre Hélou, Mme et M. Yeannakis Moussas. |
MESSE EN LA CATHÉDRALE MARONITE
Il ne faut pas plus de trente minutes pour arriver à Nicosie
par l’autoroute. On se rend directement à la Cathédrale Notre-Dame
des maronites, située à quelques mètres de la ligne
de démarcation, pour participer à la messe solennelle de
dix heures, célébrée par Mgr Boutros Gemayel, archevêque
maronite du diocèse, secondé par Mgr Jean Orfano.
L’église est pleine. Au premier rang de l’assistance: le représentant
des maronites au parlement et Mme Haji Roussos, le consul du Liban et Mme
Costa Tabet, des notables et des fidèles de toutes générations.
Le plus émouvant était d’entendre la chorale servir la
messe par des chants liturgiques en syriaque et en libanais. Pourtant,
celle qui la dirige ne connaît pas l’arabe et nous confie qu’elle
retranscrit les mots en lettres grecques.
![]() Messe en la cathérale Notre-Dame des maronites à Nicosie. |
![]() Au siège de l’archevêché maronite. |
L’ESPOIR EST DANS LA JEUNESSE
Au début du XVIème siècle, selon les historiens,
les maronites de Chypre étaient au nombre de 60.000, répartis
dans plus de 60 villages au Nord de l’île. C’était leur âge
d’or. L’archevêque de l’époque, Gebraël Ibn al-Kilaï,
était un homme de grande culture ayant étudié durant
vingt ans à Rome. Il a transmis la pensée romaine catholique
aux maronites, aux Libanais et aux Arabes et traduit à l’arabe des
dizaines d’ouvrages théologiques, philosophiques et littéraires
de l’époque de la Renaissance.
En 1570, les Turcs occupent l’île. Les maronites subissent des
massacres et se dispersent. Leur nombre se réduit à quelques
milliers. Le patriarche Estephan Doueihy, qui fut archevêque de l’île
entre 1668 et 1670, retrace cette page d’histoire dramatique pour les fils
de la communauté.
En 1974, ils ont subi un nouveau drame: leurs villages au Nord de l’île
sont désertés et, actuellement, la communauté de 6.000
membres traverse la phase la plus dure de son histoire. “L’espoir et l’espérance
sont dans la jeunesse, conclut Mgr Gemayel. Ils sont l’avenir.”
L’HOSPITALITÉ MARONITO-CHYPRIOTE
La messe est suivie d’un cocktail offert par M. Antonis Haji Roussos,
dans la salle de réception de l’église. Une exposition de
peinture s’y tient, représentant les villages maronites du Nord
de Chypre quasiment vidés de leur population à l’heure actuelle.
La délégation se retrouve, ensuite, au salon de l’archevêché
autour de Mgr Boutros Gemayel. Sur les murs, sont accrochés les
portraits des archevêques qui se sont succédé sur ce
diocèse.
A 13 heures, un déjeuner est offert par la Jeunesse maronite
catholique à l’hôtel “Philoxenia”, siège des conférences
et rencontres internationales.
Le président et les membres de ce mouvement ont fort bien organisé
le programme de cette journée. Des toasts sont portés au
renforcement des liens entre les maronites de Chypre, la Ligue maronite
et la mère-patrie.
Suit une heure de visite le long de la ligne de démarcation
qui divise Nicosie et dans le Centre-ville.
RÉUNION RESTREINTE
Vers 15h30, on se rend à l’archevêché situé
dans un quartier résidentiel de la capitale et tenu par trois religieuses
antonines: sœurs Thérèse Abi-Younès qui s’y trouve
depuis 12 ans; Sonia Abou el-Hosn depuis 5 ans et Jeannette Fénanios,
arrivée il y a trois mois.
Mgr Jean Orfano et le R.P. Maroun Sfeir participent à
cette rencontre restreinte, ainsi que M. Haji Roussos, représentant
des maronites au parlement chypriote et M. Petros Markou, du département
d’agriculture de Nicosie.
L’archevêque et les trois religieuses exposent les activités
du diocèse aux plans religieux, social et culturel. Mgr Gemayel
insiste sur la création d’un atelier des icônes en vue d’unifier
l’art religieux maronite. Il attache, par ailleurs, beaucoup d’importance
sur le centre d’accueil au Liban, (“St-Peter’s Center”) créé
par le diocèse de Chypre à Kornet Chehwane.
M. Roussos expose la situation au plan politique; ce qu’attendent et
espèrent les maronites de Chypre de la Ligue maronite et du Liban,
en général.
CONFÉRENCE - DÉBAT
Cette conférence-débat constitue le moment fort de la
journée. Elle se déroule dans la salle de conférences
de l’hôtel “Philoxenia” équipée d’un dispositif pour
la traduction simultanée, du français au grec et vice-versa.
Le président de la Jeunesse maronite catholique de Chypre, Yeannakis
Moussas, ouvre la rencontre qui rassemble autour de la délégation
libanaise et du représentant des maronites au parlement chypriote,
M. Antonis Haji Roussous, une quarantaine de membres du mouvement de la
jeunesse maronite locale.
M. Moussas en explique l’objectif: “Renforcer les liens sur des bases
solides entre les maronites de Chypre et du Liban. Deux conférenciers
sont appelés à prendre la parole: MM. Haji Roussous et Pierre
Hélou.
Le président de la Ligue maronite fait un remarquable exposé:
“Ce matin, affirme-t-il, nous avons eu droit à une messe qui nous
a tous émus, car pour la première fois dans un pays grec,
nous avons écouté des chants liturgiques en arabe et en syriaque.”
Il remercie Mgr Gemayel de “l’activité intense qu’il déploie”
en faveur des maronites de Chypre et pour resserrer les liens entre l’île
et le Liban. Il remercie, également, M. Haji Roussous de son exposé
sur les besoins de la communauté maronite de Chypre, ajoutant: “Je
voudrais assurer notre ami que nous allons déployer tous nos efforts
pour essayer, dans la mesure de nos faibles moyens, d’améliorer
le sort de la communauté maronite.”
Puis, il exprime sa gratitude à M. Moussas “mon jeune ami à
qui nous devons cette rencontre. Il a déployé pour nous réunir
de gros efforts et, dès le premier contact, j’ai eu pour lui la
plus grande sympathie. Ce premier contact sera suivi de beaucoup d’autres
pour le plus grand bien de tous.”
“SANS LA LIBERTÉ, PAS DE LIBAN”
Ensuite, M. Hélou évoque l’histoire du Liban: “Un merveilleux
pays de montagne, de refuge pour toutes les communautés et,
jusqu’en 1975, un exemple de coexistence inter-communautaire.”(...)
“Sans la liberté, ajoute-t-il, il n’y a pas de Liban.” Il déplore
les années de guerre, le drame du déplacement et, aujourd’hui,
un monde politique affaibli, “où, pensons-nous, la ligue maronite
a un rôle essentiel à jouer. Cette Ligue n’est pas une association
caritative, mais une organisation politique que nous voulons transformer
en institution durable.”
Il parle de l’émigration libanaise, des liens à créer
avec les maronites du monde et termine en ces termes: “Ce premier contact
a été très fructueux. Il nous a permis de faire connaissance
et de connaître de près vos problèmes. En tant que
Ligue maronite et que Libanais, nous vous promettons de maintenir le contact
et de fournir notre aide dans la mesure de nos moyens”.
LA SITUATION DES MARONITES DE CHYPRE
Auparavant, le représentant des maronites au parlement chypriote
avait exposé la situation de ses coreligionnaires et rappelé
leurs justes revendications en vue de recouvrer leurs terres et leurs droits.
Il donne un aperçu historique de la présence des maronites
dans l’île depuis le Xème siècle pour en arriver à
la situation actuelle.
Dans les années 70 avant le partage, les maronites au nombre
de 5.000 vivaient au Nord de l’île, dans quatre villages dont les
noms rappellent leur origine. Le plus célèbre est celui de
Kormakitis, en référence au village de Kour dans le caza
de Batroun; Asomatos ou Chamâte; Aya Marina et Karpasia.
Après le partage en 1974, ces villages sont tous passés
sous domination turque. Il n’y reste plus, aujourd’hui, que 170 habitants,
tous des personnes âgées. Les maronites se sont dispersés
à 95% dans la partie grecque. Pour s’y rendre une fois par mois,
ils ont besoin d’une autorisation et doivent se confiner au lieu précis
qu’ils visitent.
Que va-t-il advenir de ces localités une fois que les vieux
ne seront plus de ce monde? D’autant plus qu’avec leur faculté d’adaptation,
les maronites vont être assimilés par la communauté
grecque?
D’où le mémorandum présenté par la communauté
maronite de Chypre réclamant notamment ce qui suit:
1- Revenir à leurs villages et jouir des droits de l’homme les
plus élémentaires.
2- Accorder un “statut spécial” à la région maronite.
Le canton pourrait être de préférence rattaché
à l’Etat chypriote grec, sinon placé sous la juridiction
du gouvernement central d’un Etat fédéré.
3- Accorder à la communauté maronite le droit de participer,
à part entière, à la vie publique et, aux enfants,
d’avoir une éducation maronite.
4- Restaurer les églises et monastères et les restituer
à leur propriétaire légal: l’Eglise maronite.
JUMELAGE DE VILLES LIBANAISES ET CHYPRIOTES
La communauté maronite de Chypre espère que le Liban
officiel, ainsi que la Ligue maronite pourraient l’aider, en plaidant sa
cause auprès des grandes puissances.
Dans le débat qui a suivi, plusieurs idées furent proposées.
Me Antoine Akl a suggéré la création d’une ligue maronite
à Chypre. Un Chypriote a parlé de jumelage de villes libanaises
et chypriotes. D’autres ont parlé de la possibilité de poursuivre
les études universitaires au Liban. Le Dr Fady Comair a annoncé
que la Ligue sera sur le site Internet le jour de la Saint-Maron (le 9
février 98).
Une dernière collation et la délégation accompagnée
de Mlle Imane Younès et M. Yeannakis Moussas, reprend le chemin
de Larnaca, pour de là revenir à Beyrouth.
La
délégation libanaise était formée de MM. Pierre
Hélou, président de la Ligue maronite et de quatre membres
du comité exécutif: Hafez Zakhour, secrétaire général;
Rachad Salamé, chargé des relations extérieures; Rachid
Jalkh et le Dr Fady Comair; des membres de la Ligue: MM. Antoine Akl, Abdallah
Moussalem, Henri Hélou, architecte; Joseph Khalil, président
des scouts maronites et Emile Yamine, notaire.
La délégation était accompagnée de cinq journalistes: Nelly Hélou, Habib Chlouk, Georges Berbéri, Youssef Hoyek et Naufal Daou. |