De
quoi s’agit-il? D’engager une négociation sérieuse pour aboutir
à une paix véritable, fondée sur la restitution par
Israël des territoires qu’il occupe depuis 1967? Ou de relancer une
négociation illusoire pour permettre à M. Clinton d’accorder
à M. Netanyahu l’audience qu’il lui avait refusée il y a
un mois? En somme, d’effacer la fameuse “gifle” et de renflouer le chef
du gouvernement israélien?
On se souvient que le 20 octobre, au cours d’un dîner en l’honneur
du président Weizman en présence des représentants
de la communauté juive d’Amérique, M. Clinton avouait qu’il
ne pouvait rien faire si M. Netanyahu ne lui présentait pas un “script”.
Et M. Netanyahu s’est dépêché d’en écrire un
qu’il vient de discuter avec Mme Albright à Paris. Bien que ce “script”
soit encore parfaitement flou (“ce ne sont que des idées”, a précisé
modeste, son auteur), Mme Albright a jugé que cela pouvait suffire
à relancer les pourparlers avec M. Arafat, lequel est prié
d’être plus réaliste. C’est-à-dire de réclamer
moins de territoires et moins d’autonomie. Admirable!
Ainsi, s’engagerait non plus une négociation sérieuse
(on occulte déjà des accords dûment signés sur
ces mêmes problèmes), mais une sorte de maquignonage dont
le but est de flouer encore les Palestiniens.
Mais, alors que M. Netanyahu se refuse encore à rendre public
son programme d’évacuation des territoires et de fixer les frontières
de son Etat (Israël demeure, au bout de cinquante ans, le seul pays
au monde sans frontières définies), on a vu son ministre
des Infrastructures, M. Ariel Sharon exposer sur le terrain son propre
plan de saucissonnage de la Cisjordanie, conçu pour maintenir les
Palestiniens sous le strict contrôle militaire d’Israël (contrôle
direct ou par colons interposés). M. Sharon, lui, a bien écrit
son “script” et avec un luxe de précisions.
L’objectif est clair: rendre impossible l’émergence d’un Etat
palestinien. M. Netanyahu lui-même ne s’en est jamais caché.
Alors?... Que veut M. Clinton?
***
Au cours de son audience à l’Elysée, qui a précédé
ses deux rencontres avec Mme Albright, M. Netanyahu s’est entendu répéter
que la meilleure garantie de la sécurité d’Israël c’est
la paix et que la paix dépend de la restitution des territoires
occupés, sur la base des principes adoptés à Madrid
et des accords déjà conclus avec les Palestiniens à
Oslo, à Taba ou à Hébron.
Mais ce langage, la diplomatie américaine se refuse encore à
le tenir. Elle continue de ménager M. Netanyahu. Alors que la communauté
juive des Etats-Unis invite M. Clinton à exercer un véritable
leadership pour amener Israël à tenir ses engagements, pourquoi
la diplomatie américaine est-elle conduite de manière à
encourager le gouvernement Netanyahu à atermoyer et, finalement,
à rendre impossible l’aboutissement du processus?
Faut-il rappeler qu’au moment où s’ouvrait la conférence
de Madrid, M. Shamir, alors chef du gouvernement israélien, confiait
à ses proches qu’il y allait avec la volonté de faire traîner
les négociations pendant dix ans au moins? Autrement dit à
les faire échouer.
M. Netanyahu ne fait que suivre la même tactique.
A la Maison-Blanche, n’en est-on pas conscient? Ne sait-on pas comment
presser le mouvement?
Ou bien est-on complice des mêmes manśuvres dilatoires?
Sommes-nous en train d’assister, avec la puissance américaine,
à la réédition de l’échec de la puissance britannique
laquelle, après avoir balancé pendant toute la durée
du mandat, entre ses intérêts arabes et les pressions de l’Agence
juive, avait fini, en 1947, par remettre son mandat à l’ONU pour
se retirer piteusement de la Palestine et laisser ainsi se développer
un processus de guerres et d’insécurité qui dure depuis cinquante
ans?
Certes, il y a encore aujourd’hui pour l’Amérique la nécessité
de maintenir un contrôle sur les régions pétrolifères
du Golfe et cela peut retarder l’échéance d’un abandon. Mais
si, un jour, on découvrait un substitut au pétrole? On pourrait
parier, alors; que tout le Moyen-Orient serait livré à lui-même,
c’est-à-dire, en fait, aux deux puissances qui sont préparées
pour le dominer: la Turquie et Israël.
***
Après ses entretiens de Paris et de Genève, Mme Albright
se veut prudemment optimiste. Que pouvait-elle dire d’autre? Elle fait
son métier de diplomate.
Mais en réalité, on a bien l’impression que la diplomatie
américaine est, depuis un an, prisonnière de ses propres
engagements à l’égard de M. Netanyahu. La fameuse lettre
qu’en janvier dernier, M. Christopher adressait au chef du gouvernement
israélien, pour l’aider à faire approuver par la Knesset
les accords relatifs à Hébron, laissait entendre qu’Israël
serait libre de fixer souverainement l’étendue de son retrait de
Cisjordanie et on parlait déjà, comme aujourd’hui, de 8%
du territoire laissé aux Palestiniens. Et c’est ce qui expliquerait
cette histoire de “script” réclamé par Clinton et le plan
préparé par Ariel Sharon.
Enfin, la conférence internationale réunie à Charm
el-Cheikh pour mobiliser le monde contre le terrorisme justifiait, d’avance,
les conditions que M. Netanyahu pose maintenant à Arafat pour commencer,
dans six mois, un redéploiement limité de son armée:
faire la preuve d’un combat sans relâche contre le Hamas.
Priorité au terrorisme et liberté pour Israël de
fixer l’étendue du territoire concédé aux Palestiniens:
ainsi, M. Netanyahu a dicté ses conditions à Washington.
La négociation dont on parle encore n’aurait plus d’autre objet
que d’amener M. Arafat à être “réaliste”. |
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