Ma position ne diffère
pas de celle de la Syrie quand elle considère Israël comme
un ennemi
Je n’ai pas critiqué la
magistrature, mais la décision politique discrétionnaire
Le courant national libre ne
peut s’allier avec celui de l’Autorité
Ma relation avec le président
Amine Gemayel est excellente
Le ministre de l’Information
aurait dû agir au nom de la Constitution, non empêcher un citoyen
libanais de paraître
Le général Nadim
Letayf est mon unique porte-parole au Liban |
LES ÉLECTIONS DU BARREAU DE BEYROUTH
Invité à expliquer le “revers” essuyé par les
Aounistes aux élections de l’Ordre des avocats de Beyrouth, le général
Aoun émet ces réflexions: “Le courant nationaliste a diverses
orientations politiques au plan local, ses objectifs se situant au niveau
national. Les élections syndicales sont éphémères,
tous les candidats ayant des programmes identiques, à quelques exceptions
près.
“Puis, nous ne formons pas un parti et comptons dans nos rangs des
membres de toutes les tendances se réclamant du parti communiste,
du PNL, des Kataëb et du PSNS. Ces derniers se sont prononcés,
tout d’abord, en faveur de Me Raymond Chédid aux élections
du Barreau. A la suite du premier tour de scrutin, il a recueilli mille
voix, contre 1.400 aux partis pro-gouvernementaux. A mon avis, il ne s’agit
pas pour nous d’un échec.
“Nous avons marqué des points par rapport à des principes
déterminés, notamment en ce qui concerne les personnes détenues
en Syrie. J’exige que celles-ci soient libérées et retournent
au Liban, si aucune charge n’est retenue contre eux. Dans le cas contraire,
qu’elles soient jugées par la Justice libanaise.
“Nous avons évoqué, aussi, les dossiers vides et de la
Justice discrétionnaire. Des personnes ont été déférées
devant les tribunaux, et d’autres ont été récompensées,
alors qu’elles étaient impliquées dans des crimes pareils
à ceux pour lesquels Samir Geagea a été condamné.”
CHANGEMENT D’ORIENTATION?
- Vous avez adopté, dernièrement, des positions proches
de celles des Forces libanaises notamment dans une interview accordée
à la revue “Al-Massira” dans laquelle vous avez critiqué
la Justice. Y aurait-il un changement dans votre orientation politique
par rapport à vos adversaires de la veille?
“Je n’ai pas critiqué la Justice, mais la décision politique
discrétionnaire. Notre politique tend à regrouper les Libanais
autour d’une option nationale unique. Cela ne signifie pas que nous œuvrons
sur base d’une tactique politique. L’important dans l’étape actuelle
est que le Liban recouvre son indépendance, sa liberté et
sa souveraineté. Nous œuvrons dans ce but et quiconque agit dans
ce sens est considéré comme notre allié et ami, même
s’il ne se réclame pas de notre courant national.”
- Le général en retraite Fouad Malek vous a fait assumer,
dans une déclaration à “Al-Massira”, la responsabilité
des affrontements entre l’Armée et les Forces libanaises...
“La vérité historique de cette guerre, nul ne peut la
déterminer. Des parties internationales ont interféré
dans le jeu et nul, ni moi ni un autre, n’a le droit d’en définir
l’identité. Je ne me prêterai pas à une discussion
byzantine à ce sujet avec qui que ce soit, l’Histoire authentique
devant être écrite par les historiens. Je demande au général
Malek s’il a lu l’ouvrage de Karim Pakradouni intitulé: “La malédiction
d’une patrie”, son auteur ayant été, à un moment donné
commandant en second des F.L. L’homme ne doit pas se laisser emprisonner
par le mensonge qu’il invente.”
- Le brigadier Khalil Matar que vous connaissez bien pour avoir servi
sous votre commandement, est impliqué dans l’assassinat de Rachid
Karamé. Que pensez-vous de l’accusation?
“Je ne puis porter un jugement en connaissance de cause avant la clôture
de l’enquête judiciaire. L’affaire n’est pas ambiguë, du moment
que des aveux ont été enregistrés.”
- Quel jugement portez-vous sur le général Emile Lahoud,
commandant en chef de l’Armée? S’il posait sa candidature à
la magistrature suprême, le soutiendriez-vous?
“Je ne peux évaluer son action actuelle. Quand il sera élu
président de la République, je ferai part de mon opinion
à son sujet.”
PAS D’ALLIANCE AVEC LE POUVOIR
- Aux élections estudiantines à l’université
américaine, les étudiants du courant aouniste se sont alliés
à ceux du courant haririste. Cette alliance serait-elle un début
d’alliance avec le chef du gouvernement ou bien s’agit-il d’une déviation
de la base et de vos orientations?
“Ceci est une erreur ayant entraîné la démission
du comité estudiantin de l’université pour élire un
autre à sa place. Je tiens à assurer qu’un courant national
libre ne peut s’allier au Pouvoir; cela est impossible.”
- Le président Hariri a réitéré son invitation,
en vous demandant de retourner au pays natal; de même que le vice-président
du Conseil supérieur chiite. Qu’auriez-vous à leur répondre?
“Ils ont répliqué au sit-in devant la MTV, il y a quelques
jours et voyez ce qu’ils ont fait avec les moyens d’information audiovisuelle.”
LE POUVOIR A VOLÉ L’ÉTAT
- Depuis quelques mois, un juge d’instruction, Faouzi Dagher, a
été chargé “de préparer le dossier Michel Aoun”.
Quels sont vos renseignements à ce sujet?
“Il n’y a pas de “dossier Aoun” et cela est regrettable. Quand certains
responsables y ont fait allusion, les gens ont dû croire que le général
Aoun a subtilisé les fonds du Trésor; ce qui est impossible
et inimaginable. J’estime que c’est plutôt l’Etat qui a pris mon
argent et mes droits. A mon avis, il faut ouvrir le dossier de l’Autorité
qui a volé les deniers publics.”
- Comment qualifiez-vous vos rapports avec le Pouvoir libanais en
place?
“Il n’y a aucun rapport entre nous et il n’y en aura pas.”
- Et vos rapports avec le président Amine Gemayel?
“Ils sont excellents et il peut être souvent calomnié
par certains pour des raisons qui n’échappent à personne.”
- Maintenez-vous le contact avec le “amid” Raymond Eddé?
“Je n’entretiens pas de relation avec lui. C’est une personne qui attente
à la dignité des autres et les calomnie.”
- Peut-on s’attendre à une rencontre, ne serait-ce qu’à
Paris, entre le général Aoun, le président Gemayel
et le “amid” Eddé? Dans la négative, qu’est-ce qui entrave
une telle réunion?
“Je rencontre souvent le président Gemayel. Quant au “amid”
Eddé, son passé est excellent, mais je n’ai pas à
juger ses prises de position actuelles, d’autant qu’il est devenu pro-Hariri
et pro-Hraoui.”
- On entend parler de moins en moins de la Rencontre nationale fondée
à Paris. Aurait-elle mis fin à ses activités avant
d’atteindre ses objectifs?
“L’action politique ressemble à l’action militaire, en ce sens
que des faits peuvent être divulgués, contrairement aux autres.
Les décisions qui sont prises sont dévoilées, alors
que celles qui sont en cours d’élaboration sont gardées secrètes.”
D’ACCORD SUR LA SOUVERAINETÉ
-Vous parlez souvent d’une “déprime chrétienne” et
engagez les Libanais à se solidariser alors que vous ne parvenez
pas à réunir les opposants de l’extérieur...
“Nous nous retrouvons toujours autour de l’indépendance et de
la souveraineté du Liban. Mais si nous ne nous réunissons
pas tous, ce n’est pas une chose grave. Chacun de nous a sa position et
le sort du Liban ne repose pas sur notre rencontre.”
- Quel est votre commentaire à propos de l’interdiction de
votre interview à la MTV?
“C’est un fait déplorable, d’autant que le ministre de l’Information
a transgressé la Constitution et empêché un citoyen
libanais d’exprimer son opinion et de paraître. Il doit agir au nom
de la Constitution et la protéger pour ne pas être violée.
Le ministre Sabeh a deviné, à l’avance, ce que j’allais dire
au cours de l’interview, par rapport au passé. De quel droit m’accuse-t-il
d’attenter à la paix civile qui repose sur trois données:
la sécurité, la justice sociale et la liberté?
“Où sont ces trois données, alors qu’il a été
attenté à ma liberté et à celle des étudiants?
Il a détruit la paix civile et m’accuse de la compromettre. De par
sa contexture, le Liban ne peut vivre sans liberté qui est sa raison
d’être.”
JE NE BOYCOTTERAI PAS LES MUNICIPALES
- Comme on sait, vous avez boycotté les législatives
en 1992 et 96, appelant vos partisans à ne pas participer au scrutin.
Boycotterez-vous les élections municipales et des moukhtars et croyez-vous
qu’elles auront lieu, en définitive?
“Si j’appelle à la participation aux élections municipales
et des moukhtars, c’est parce qu’elles n’ont pas un cachet politique engageant
l’avenir de la patrie, comme les élections législatives.
J’ignore si les municipales auront lieu ou pas.”
- D’aucuns vous comparent à Raymond Eddé, en ce sens
que vous entreprenez votre action politique de l’étranger...
“Ce n’est pas vrai du tout. Je suis toujours parmi mes partisans et
amis, le général Nadim Letayf étant mon porte-parole
au Liban.”
- Qu’auriez-vous à dire au sujet de votre récente entrevue
à Paris avec S. Em. le cardinal Sfeir et quelle a été
la teneur de votre entretien?
“La rencontre a été le couronnement d’une entente entre
nous, car nous avons une même vision des problèmes auxquels
le Liban et notre peuple sont confrontés. Puis, nos objectifs sont
les mêmes: l’indépendance, la souveraineté et la décision
libre.”
- Sa Béatitude a-t-il tenté de regrouper les leaders
de l’extérieur?
“Non, la rencontre s’étant limitée à nous deux,
le cardinal Sfeir ayant brossé un tableau exhaustif de la situation
dans la mère-patrie. Sa visite a permis un tour d’horizon sur la
conjoncture locale. Nous sommes d’accord au plan des principes fondamentaux
et des constantes nationales.”
JE PEUX RALLIER LA RÉSISTANCE SOUS CONDITION
- Quelle est votre position envers Israël?
“Elle ne diffère pas de celle de la Syrie. Si elle considère
l’Etat hébreu comme un ennemi, nous sommes d’accord avec elle, à
moins qu’elle dise le contraire.”
- Sayed Hassan Nasrallah a formé les “cellules de la résistance”
appelant tous les citoyens libanais à s’y enrôler: engagez-vous
vos partisans à en faire partie et comment considérez-vous
la résistance au Liban?
“Je suis avec la résistance, mais je n’appelle pas mes partisans
à y adhérer, car je dois, au préalable, m’associer
à la décision. Je crois que la résistance se complète
par d’autres moyens politiques. Je n’ai pas d’inconvénient à
la rallier, à condition que je sois fixé sur ses orientations
et ses objectifs.” |