RENCONTRE AVEC LE GÉNÉRAL MICHEL AOUN À PARIS

 
L’important dans l’étape actuelle est que le Liban recouvre son indépendance et sa souveraineté”, a déclaré le général Michel Aoun. Niant avoir critiqué la magistrature, il reconnaît avoir dénoncé la “décision politique discrétionnaire.”
Par ailleurs, l’ancien chef du gouvernement dément avoir scellé une alliance avec le courant du Pouvoir aux élections estudiantines de l’université américaine. “Cela, dit-il, est impossible.”
De plus, il déplore le fait pour l’Autorité de faire allusion à un dossier le concernant, afin de faire croire aux gens que le général Aoun a transformé les fonds de l’Etat en argent personnel. “En réalité, ajoute-t-il, c’est l’Etat qui a subtilisé mon argent et mes droits. Aussi, faut-il ouvrir le dossier du Pouvoir qui a volé les deniers publics.”
De sa relation avec le président Amine Gemayel, il dit qu’elle est excellente, en passant sous silence, la nature de ses rapports avec le “amid” Raymond Eddé.
Le général Aoun estime que le ministre de l’Information, en interdisant son interview à la MTV, a violé la Constitution en empêchant un citoyen libanais de paraître et d’exprimer son opinion. “Ce ministre aurait dû, au contraire, agir au nom de la Constitution et la défendre.”
Il renouvelle son appel à ses partisans, leur demandant de participer aux élections municipales et des moukhtars, “parce qu’elles n’ont aucun cachet politique”, en précisant une fois de plus que le général Nadim Letayf est son porte-parole au Liban.
De sa position envers Israël, il répète qu’elle ne diffère pas de celle de la Syrie, en précisant qu’il considère l’Etat hébreu comme un ennemi, à moins que Damas soutienne le contraire.
 
Ma position ne diffère pas de celle de la Syrie quand elle considère Israël comme un ennemi 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Je n’ai pas critiqué la magistrature, mais la décision politique discrétionnaire 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Le courant national libre ne peut s’allier avec celui de l’Autorité 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Ma relation avec le président Amine Gemayel est excellente 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Le ministre de l’Information aurait dû agir au nom de la Constitution, non empêcher un citoyen libanais de paraître 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Le général Nadim Letayf est mon unique porte-parole au Liban

LES ÉLECTIONS DU BARREAU DE BEYROUTH 
Invité à expliquer le “revers” essuyé par les Aounistes aux élections de l’Ordre des avocats de Beyrouth, le général Aoun émet ces réflexions: “Le courant nationaliste a diverses orientations politiques au plan local, ses objectifs se situant au niveau national. Les élections syndicales sont éphémères, tous les candidats ayant des programmes identiques, à quelques exceptions près. 
“Puis, nous ne formons pas un parti et comptons dans nos rangs des membres de toutes les tendances se réclamant du parti communiste, du PNL, des Kataëb et du PSNS. Ces derniers se sont prononcés, tout d’abord, en faveur de Me Raymond Chédid aux élections du Barreau. A la suite du premier tour de scrutin, il a recueilli mille voix, contre 1.400 aux partis pro-gouvernementaux. A mon avis, il ne s’agit pas pour nous d’un échec. 
“Nous avons marqué des points par rapport à des principes déterminés, notamment en ce qui concerne les personnes détenues en Syrie. J’exige que celles-ci soient libérées et retournent au Liban, si aucune charge n’est retenue contre eux. Dans le cas contraire, qu’elles soient jugées par la Justice libanaise. 
“Nous avons évoqué, aussi, les dossiers vides et de la Justice discrétionnaire. Des personnes ont été déférées devant les tribunaux,  et d’autres ont été récompensées, alors qu’elles étaient impliquées dans des  crimes pareils à ceux pour lesquels Samir Geagea a été condamné.” 

CHANGEMENT D’ORIENTATION? 
- Vous avez adopté, dernièrement, des positions proches de celles des Forces libanaises notamment dans une interview accordée à la revue “Al-Massira” dans laquelle vous avez critiqué la Justice. Y aurait-il un changement dans votre orientation politique par rapport à vos adversaires de la veille? 
“Je n’ai pas critiqué la Justice, mais la décision politique discrétionnaire. Notre politique tend à regrouper les Libanais autour d’une option nationale unique. Cela ne signifie pas que nous œuvrons sur base d’une tactique politique. L’important dans l’étape actuelle est que le Liban recouvre son indépendance, sa liberté et sa souveraineté. Nous œuvrons dans ce but et quiconque agit dans ce sens est considéré comme notre allié et ami, même s’il ne se réclame pas de notre courant national.” 

- Le général en retraite Fouad Malek vous a fait assumer, dans une déclaration à “Al-Massira”, la responsabilité des affrontements entre l’Armée et les Forces libanaises... 
“La vérité historique de cette guerre, nul ne peut la déterminer. Des parties internationales ont interféré dans le jeu et nul, ni moi ni un autre, n’a le droit d’en définir l’identité. Je ne me prêterai pas à une discussion byzantine à ce sujet avec qui que ce soit, l’Histoire authentique devant être écrite par les historiens. Je demande au général Malek s’il a lu l’ouvrage de Karim Pakradouni intitulé: “La malédiction d’une patrie”, son auteur ayant été, à un moment donné commandant en second des F.L. L’homme ne doit pas se laisser emprisonner par le mensonge qu’il invente.” 

- Le brigadier Khalil Matar que vous connaissez bien pour avoir servi sous votre commandement, est impliqué dans l’assassinat de Rachid Karamé. Que pensez-vous de l’accusation? 
“Je ne puis porter un jugement en connaissance de cause avant la clôture de l’enquête judiciaire. L’affaire n’est pas ambiguë, du moment que des aveux ont été enregistrés.” 

- Quel jugement portez-vous sur le général Emile Lahoud, commandant en chef de l’Armée? S’il posait sa candidature à la magistrature suprême, le soutiendriez-vous? 
“Je ne peux évaluer son action actuelle. Quand il sera élu président de la République, je ferai part de mon opinion à son sujet.” 

PAS D’ALLIANCE AVEC LE POUVOIR 
- Aux élections estudiantines à  l’université américaine, les étudiants du courant aouniste se sont alliés à ceux du courant haririste. Cette alliance serait-elle un début d’alliance avec le chef du gouvernement ou bien s’agit-il d’une déviation de la base et de vos orientations? 
“Ceci est une erreur ayant entraîné la démission du comité estudiantin de l’université pour élire un autre à sa place. Je tiens à assurer qu’un courant national libre ne peut s’allier au Pouvoir; cela est impossible.” 

- Le président Hariri a réitéré son invitation, en vous demandant de retourner au pays natal; de même que le vice-président du Conseil supérieur chiite. Qu’auriez-vous à leur répondre? 
“Ils ont répliqué au sit-in devant la MTV, il y a quelques jours et voyez ce qu’ils ont fait avec les moyens d’information audiovisuelle.” 

LE POUVOIR A VOLÉ L’ÉTAT 
- Depuis quelques mois, un juge d’instruction, Faouzi Dagher, a été chargé “de préparer le dossier Michel Aoun”. Quels sont vos renseignements à ce sujet? 
“Il n’y a pas de “dossier Aoun” et cela est regrettable. Quand certains responsables y ont fait allusion, les gens ont dû croire que le général Aoun a subtilisé les fonds du Trésor; ce qui est impossible et inimaginable. J’estime que c’est plutôt l’Etat qui a pris mon argent et mes droits. A mon avis, il faut ouvrir le dossier de l’Autorité qui a volé les deniers publics.” 

- Comment qualifiez-vous vos rapports avec le Pouvoir libanais en place? 
“Il n’y a aucun rapport entre nous et il n’y en aura pas.” 

- Et vos rapports avec le président Amine Gemayel? 
“Ils sont excellents et il peut être souvent calomnié par certains pour des raisons qui n’échappent à personne.” 

- Maintenez-vous le contact avec le “amid” Raymond Eddé? 
“Je n’entretiens pas de relation avec lui. C’est une personne qui attente à la dignité des autres et les calomnie.” 

- Peut-on s’attendre à une rencontre, ne serait-ce qu’à Paris, entre le général Aoun, le président Gemayel et le “amid” Eddé? Dans la négative, qu’est-ce qui entrave une telle réunion? 
“Je rencontre souvent le président Gemayel. Quant au “amid” Eddé, son passé est excellent, mais je n’ai pas à juger ses prises de position actuelles, d’autant qu’il est devenu pro-Hariri et pro-Hraoui.” 

- On entend parler de moins en moins de la Rencontre nationale fondée à Paris. Aurait-elle mis fin à ses activités avant d’atteindre ses objectifs? 
“L’action politique ressemble à l’action militaire, en ce sens que des faits peuvent être divulgués, contrairement aux autres. Les décisions qui sont prises sont dévoilées, alors que celles qui sont en cours d’élaboration sont gardées secrètes.” 

D’ACCORD SUR LA SOUVERAINETÉ 
-Vous parlez souvent d’une “déprime chrétienne” et engagez les Libanais à se solidariser alors que vous ne parvenez pas à réunir les opposants de l’extérieur... 
“Nous nous retrouvons toujours autour de l’indépendance et de la souveraineté du Liban. Mais si nous ne nous réunissons pas tous, ce n’est pas une chose grave. Chacun de nous a sa position et le sort du Liban ne repose pas sur notre rencontre.” 

- Quel est votre commentaire à propos de l’interdiction de votre interview à la MTV? 
“C’est un fait déplorable, d’autant que le ministre de l’Information a transgressé la Constitution et empêché un citoyen libanais d’exprimer son opinion et de paraître. Il doit agir au nom de la Constitution et la protéger pour ne pas être violée. Le ministre Sabeh a deviné, à l’avance, ce que j’allais dire au cours de l’interview, par rapport au passé. De quel droit m’accuse-t-il d’attenter à la paix civile qui repose sur trois données: la sécurité, la justice sociale et la liberté? 
“Où sont ces trois données, alors qu’il a été attenté à ma liberté et à celle des étudiants? Il a détruit la paix civile et m’accuse de la compromettre. De par sa contexture, le Liban ne peut vivre sans liberté qui est sa raison d’être.” 

JE NE BOYCOTTERAI PAS LES MUNICIPALES 
- Comme on sait, vous avez boycotté les législatives en 1992 et 96, appelant vos partisans à ne pas participer au scrutin. Boycotterez-vous les élections municipales et des moukhtars et croyez-vous qu’elles auront lieu, en définitive? 
“Si j’appelle à la participation aux élections municipales et des moukhtars, c’est parce qu’elles n’ont pas un cachet politique engageant l’avenir de la patrie, comme les élections législatives. J’ignore si les municipales auront lieu ou pas.” 

- D’aucuns vous comparent à Raymond Eddé, en ce sens que vous entreprenez votre action politique de l’étranger... 
“Ce n’est pas vrai du tout. Je suis toujours parmi mes partisans et amis, le général Nadim Letayf étant mon porte-parole au Liban.” 

- Qu’auriez-vous à dire au sujet de votre récente entrevue à Paris avec S. Em. le cardinal Sfeir et quelle a été la teneur de votre entretien? 
“La rencontre a été le couronnement d’une entente entre nous, car nous avons une même vision des problèmes auxquels le Liban et notre peuple sont confrontés. Puis, nos objectifs sont les mêmes: l’indépendance, la souveraineté et la décision libre.” 

- Sa Béatitude a-t-il tenté de regrouper les leaders de l’extérieur? 
“Non, la rencontre s’étant limitée à nous deux, le cardinal Sfeir ayant brossé un tableau exhaustif de la situation dans la mère-patrie. Sa visite a permis un tour d’horizon sur la conjoncture locale. Nous sommes d’accord au plan des principes fondamentaux et des constantes nationales.” 

JE PEUX RALLIER LA RÉSISTANCE SOUS CONDITION 
- Quelle est votre position envers Israël? 
“Elle ne diffère pas de celle de la Syrie. Si elle considère l’Etat hébreu comme un ennemi, nous sommes d’accord avec elle, à moins qu’elle dise le contraire.” 

- Sayed Hassan Nasrallah a formé les “cellules de la résistance” appelant tous les citoyens libanais à s’y enrôler: engagez-vous vos partisans à en faire partie et comment considérez-vous la résistance au Liban? 
“Je suis avec la résistance, mais je n’appelle pas mes partisans à y adhérer, car je dois, au préalable, m’associer à la décision. Je crois que la résistance se complète par d’autres moyens politiques. Je n’ai pas d’inconvénient à la rallier, à condition que je sois fixé sur ses orientations et ses objectifs.”


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