En revanche, l’opposition prend chaque jour plus d’ampleur et voit
son assise populaire s’élargir et s’affirmer, grâce à
son action incessante en faveur d’une vie démocratique saine.
Le gouvernement Hariri a, par ses erreurs réitérées,
fourni à ses détracteurs l’occasion et le climat propice
pour le prendre violemment à partie, à tel point que même
les députés qui lui sont acquis, se trouvent dans l’impossibilité
de le défendre.
OÙ SONT LES LIBERTÉS?
L’interview télévisée du général
Michel Aoun qui a été interdite à l’antenne par le
ministre de l’Information, dimanche dernier, a posé une fois de
plus le problème des libertés au Liban. Surtout après
l’arrestation, par la police anti-émeute, de soixante-trois éléments
parmi les centaines de personnes qui manifestaient près de la station
MTV, en signe de protestation contre la mesure d’interdiction. Ce qui a
porté les citoyens à se poser la question suivante: où
sont ces libertés que le gouvernement prétend vouloir préserver?
Puis, comment les responsables se targuent de sauvegarder la démocratie,
alors que leur manière d’agir prouve le contraire?
Le ministre de l’Information a fait montre de perplexité, ne
sachant quoi dire pour justifier sa décision injustifiée.
Au siège de la MTV, il a prétendu avoir été
surpris par le dispositif de sécurité mis en place. Naturellement,
personne ne l’a pris au sérieux. De fait, une fois revenu à
son bureau, il a diffusé un communiqué où il disait:
“Les images parues à la télévision suffisent à
justifier les mesures prises autour de la MTV, dimanche soir, les forces
de l’ordre ayant été amenées à agir de la sorte,
afin d’empêcher les perturbateurs de compromettre la sécurité
dans le secteur”.
Il y a lieu de signaler que, selon des milieux proches du chef de l’Etat,
le président Hraoui s’est prononcé contre l’interdiction
de l’interview du général Aoun. Il aurait préféré
laisser un responsable donner séance tenante, la réplique
à l’ancien chef du gouvernement et réfuter, éventuellement,
certains propos désobligeants du Général.
Ces mêmes milieux attribuent au président Hraoui des réflexions
dont il ressort que l’interdiction de l’interview a placé l’Autorité
en mauvaise posture, donnant l’impression qu’elle craint la vérité,
contrairement aux opposants. M. Hraoui a même insinué que
le président Hariri aurait dû prévenir les incidents
de la rue Fassouh, en permettant la retransmission de l’interview au lieu
de l’interdire... Un contact direct entre les chefs de l’Etat et du gouvernement,
pour tenter de prévenir le pire, n’a eu aucun résultat, M.
Hariri restant sur sa position, en prenant prétexte de l’interview
diffusée une semaine plus tôt par la MTV, dans laquelle le
président Amine Gemayel l’avait pris violemment à partie...
Fait encore plus grave: la police anti-émeute a arrêté,
non sans brutalité, plusieurs dirigeants d’Ordres de professions
libérales, entre autre M. Hikmat Dib, secrétaire général
de l’Ordre des ingénieurs et des dizaines d’universitaires, dont
Wadih Cortbawi, fils de l’ancien bâtonnier des avocats de Beyrouth,
Me Chakib Cortbawi. Il n’est donc pas étonnant que le Barreau ait
observé une grève de protestation de trois jours, suivi le
lendemain de l’Ordre des ingénieurs... alors que les manifestations
et sit-in faisaient boule de neige dans les universités.
L’OPPOSITION L’EMPORTE...
Ceci a contraint le chef du gouvernement à intervenir auprès
du Parquet pour libérer tous les détenus, le jour même
où se déroulait, place de l’Etoile, la séance parlementaire
consacrée aux questions et interpellations. M. Hariri a tenté,
mais en vain, de faire croire qu’un “simple souhait” - et non une interdiction
- avait été émis à la MTV de reporter l’émission
où le général Aoun devait paraître.
Conclusion pratique: l’Opposition est sortie gagnante de cette épreuve
de bras de fer dont le principal enjeu est la sauvegarde des libertés
publiques et de la démocratie, le Pouvoir ayant fait le jeu de ceux
qui n’approuvent pas sa politique inconséquente.
Ce fut, peut-on dire, un “péché mortel” commis par l’Exécutif,
de l’avis même des observateurs politiques et diplomatiques. Preuve
en est que la réaction hostile au Cabinet est venue, non seulement
des aounistes, mais de milieux “qui ne portaient pas jusqu’ici le Général
dans leur cœur”, pour reprendre les propres termes d’un anti-aouniste,
révolté “par le comportement stupide des gouvernants”. (sic).
Même M. Bahije Tabbarah, ministre de la Justice, a reconnu franchement
qu’une erreur avait été commise au plan judiciaire, faisant
ainsi allusion à l’arrestation de dizaines de personnes, sans que
des mandats d’arrestation en bonne et due forme aient été
pris à leur encontre. Si bien qu’on n’a pu déterminer la
partie ayant donné la consigne aux FSI d’appréhender des
personnes participant à une manifestation pacifique.
HARIRI SE DÉBINE...
M. Hariri a été tellement malmené au parlement,
mardi, qu’il a préféré ne pas assister à la
séance parlementaire, laissant son équipe à découvert,
sous prétexte qu’il était lié par un rendez-vous avec
la “Voix du Liban libre” où, d’ailleurs, il n’a pu défendre
sa politique décousue... L’absence du Premier ministre de la Chambre
n’a pas manqué d’indisposer le chef du Législatif qui
s’est empressé de suspendre les débats, en attendant la présence
du président du Conseil, accusant ce dernier d’ignorer l’Assemblée
et son rôle, tout en menaçant d’adopter à son égard
une attitude hostile.
Ainsi, le Cabinet paraît devoir arriver aux séances devant
être consacrées à l’examen du projet de budget 98,
dans une position très peu confortable, en ce sens qu’il devra se
soumettre à la volonté de la Chambre ou rendre le tablier.
D’autant que, d’après des sources fiables, les responsables syriens
ne voient pas d’un bon œil la manière selon laquelle le gouvernement
haririen se comporte, surtout par rapport à l’audiovisuel, certains
responsables (libanais) insinuant “qu’ils ne font qu’appliquer les souhaits
de Damas.”
Ceci étant, M. Hariri se trouve devant l’alternative suivante:
reconnaître ses erreurs et s’employer à les rectifier ou essuyer
d’autres revers plus cuisants qui causeront sa perte, à plus ou
moins brève échéance...