Et
d’ajouter: “Elle serait une agape en l’honneur de Bacchus, ni plus ni moins”.
En cette fin de millénaire et en dépit des efforts inouïs
en faveur de la paix, de la justice, de la liberté et de l’égalité
entre les hommes, instaurées par le Christ, nous voilà en
revanche emprunter le chemin de toutes les injustices et les impostures
confondues, dont les effets dévastateurs portent en eux, la haine
de la justice, de la liberté et de la fraternité.
“Seigneur, que les forces du bien soient aux prises avec les forces
du mal, cela est évident, pour nous qui sommes établis dans
le relatif. Mais qu’à cela ne tienne, la lumière de votre
éternité éclaire le bien mêlé au mal
et le mal confondu avec le bien. Car, notre salut ici-bas, dépend
d’abord de cette vérité première qu’est la charité.
Elle nous unit sans qu’aucune raison puisse l’altérer, politique
ou autre, aussi conventionnelles et compromettantes soient-elles. Loi à
laquelle nous sommes certains de ne pas échapper.
Les pirates de la paix, de la justice et de la liberté déferlent
de partout. Les “caravansérails” en sont pleins, envahissant à
la fois notre foi en vous et en nous-mêmes. Aidez-nous Seigneur à
les arrêter sur le chemin des ténèbres.
Seigneur, au moment où vous empruntiez notre nature humaine,
seuls Marie, Joseph et quelques bergers étaient là pour vous
accueillir, comme si l’hôtelier de Bethléem avait voulu fermer
sa porte à un couple d’émigrants, alors que tout Jérusalem
était à ses affaires. Depuis, rien n’a changé. Nous
vous cherchons là où vous n’êtes pas; là où
vous nous cherchez, nous ne sommes pas. Nous voilà répétant
les paroles du prophète Isaïe, huit siècles avant votre
avènement: “Nul ne porte plainte selon la justice, ne plaide de
bonne foi; asseyant son assurance sur du vide et parlant creux; concevant
le dommage tout en engendrant le mal; tâtonnant comme des aveugles
contre le mur; trébuchant en plein jour comme au crépuscule,
comme des colombes roucoulant plaintivement, dans l’attente d’un Sauveur”.
***
“Dans un millénaire qui s’achève dans le désordre,
tant par le calendrier que dans notre mémoire fragile, il est certain
que des œuvres plus que d’autres, sont vouées à l’échec.
Seule la vôtre demeure intacte et vivante, alors que toutes les autres
sont fracassées.
Que reste-t-il, en effet, du matérialisme historique? Presque
rien. Que reste-t-il bientôt de ce monde réglé par
l’utilité et la nécessité? Quand tant de systèmes
rejoignent les cimetières de l’incrédulité, le vôtre
assumera son caractère impératif de témoignage et
donc de prophétie.
Seigneur, à votre Divinité s’appliquent forcément
toutes les lois de l’intelligence humaine; celle, principalement, de ne
jamais se tenir dans l’intermédiaire. Les hommes ont tort de croire
que la vérité est à égale distance de deux
contraires. Dans nos jugements, dans nos systèmes de pensée,
avouons-le, nous vivons sur une ligne de crête tendue entre deux
abîmes symétriques, à droite et à gauche, entre
deux erreurs contraires. Personne, d’ailleurs, n’a échappé
à ce raisonnement.
Seigneur, comme par ironie, notre culte des commémorations feint
d’oublier l’essentiel, celui des droits de l’homme fait à votre
image, son droit à la vie, à la sécurité, à
la protection familiale, à un niveau de vie décent, y compris
une nourriture, un vêtement et un logement, son droit à la
santé, à l’éducation, à la libre opinion dont
l’exercice est devenu de nos jours prohibitif.
Seigneur, tout notre destin tient dans ce perpétuel combat entre
ce que nous fûmes, ce que nous sommes devenus et ce que nous devions
être, au niveau de la morale d’abord, de la dignité et de
la fierté, ensuite.
Que nous cache-t-il, en effet, ce nouveau millénaire, à
l’orée duquel notre humanité arrive anxieuse et accablée?
Enfantera-t-il une génération appliquée à
la restauration d’un Liban quémendant ses droits nationaux, ses
libertés vilipendées impunément?
Une génération passionnée pour des conditions
plus humaines de travail pour tous, pour une répartition équitative
des charges, clientélisme exclu; une génération d’hommes
à poigne, incapable de renoncer à cette part sacro-sainte
d’elle-même qui s’interroge, rêve de perfectibilité,
de transcendance agissante, au-delà du matérialisme avilissant?
Seigneur, lorsque dans cette nuit de Noël, nous répétons
avec vous, paix aux hommes de bonne volonté, ce n’est pas aux sursauts
insolites des pirates de la paix que nous pensons, ni à ces blessures
rouvertes au cœur du Liban, ni à ces angoisses qui nous rongent
jusqu’à la moelle des os, mais à notre Rédemption,
à toutes ces joies, à ce mystère joyeux que votre
Nativité nous apporte et qui touche de toutes parts notre nature
éphémère.
Seigneur, illuminez notre vie pleine de cruautés, d’abus et
d’injustices que nous sommes acculés à supporter, mais dans
laquelle nous devons tant bien que mal tenir notre rôle de croyant.
Paraphrasant l’apôtre Paul, le Christianisme c’est la Foi, l’Espérance
et l’Amour sans plus! Soyons dignes de ces vertus aujourd’hui et toujours.”
Joyeux Noël et Bonne Année
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“L’humanité ferait une paix véritable
si elle se mettait sous le signe de la Rédemption. Le pire serait
qu’en la dépouillant de son essence, la Nativité deviendrait
une fête creuse et païenne.”
Jean Guitton
(L’autre dimension du Christianisme)
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