Chronique


Par JOSE M. LABAKI  

 

LES PIRATES DE LA PAIX

Et d’ajouter: “Elle serait une agape en l’honneur de Bacchus, ni plus ni moins”. En cette fin de millénaire et en dépit des efforts inouïs en faveur de la paix, de la justice, de la liberté et de l’égalité entre les hommes, instaurées par le Christ, nous voilà en revanche emprunter le chemin de toutes les injustices et les impostures confondues, dont les effets dévastateurs portent en eux, la haine de la justice, de la liberté et de la fraternité.
“Seigneur, que les forces du bien soient aux prises avec les forces du mal, cela est évident, pour nous qui sommes établis dans le relatif. Mais qu’à cela ne tienne, la lumière de votre éternité éclaire le bien mêlé au mal et le mal confondu avec le bien. Car, notre salut ici-bas, dépend d’abord de cette vérité première qu’est la charité. Elle nous unit sans qu’aucune raison puisse l’altérer, politique ou autre, aussi conventionnelles et compromettantes soient-elles. Loi à laquelle nous sommes certains de ne pas échapper.
Les pirates de la paix, de la justice et de la liberté déferlent de partout. Les “caravansérails” en sont pleins, envahissant à la fois notre foi en vous et en nous-mêmes. Aidez-nous Seigneur à les arrêter sur le chemin des ténèbres.
Seigneur, au moment où vous empruntiez notre nature humaine, seuls Marie, Joseph et quelques bergers étaient là pour vous accueillir, comme si l’hôtelier de Bethléem avait voulu fermer sa porte à un couple d’émigrants, alors que tout Jérusalem était à ses affaires. Depuis, rien n’a changé. Nous vous cherchons là où vous n’êtes pas; là où vous nous cherchez, nous ne sommes pas. Nous voilà répétant les paroles du prophète Isaïe, huit siècles avant votre avènement: “Nul ne porte plainte selon la justice, ne plaide de bonne foi; asseyant son assurance sur du vide et parlant creux; concevant le dommage tout en engendrant le mal; tâtonnant comme des aveugles contre le mur; trébuchant en plein jour comme au crépuscule, comme des colombes roucoulant plaintivement, dans l’attente d’un Sauveur”.
***

“Dans un millénaire qui s’achève dans le désordre, tant par le calendrier que dans notre mémoire fragile, il est certain que des œuvres plus que d’autres, sont vouées à l’échec. Seule la vôtre demeure intacte et vivante, alors que toutes les autres sont fracassées.
Que reste-t-il, en effet, du matérialisme historique? Presque rien. Que reste-t-il bientôt de ce monde réglé par l’utilité et la nécessité? Quand tant de systèmes rejoignent les cimetières de l’incrédulité, le vôtre assumera son caractère impératif de témoignage et donc de prophétie.
Seigneur, à votre Divinité s’appliquent forcément toutes les lois de l’intelligence humaine; celle, principalement, de ne jamais se tenir dans l’intermédiaire. Les hommes ont tort de croire que la vérité est à égale distance de deux contraires. Dans nos jugements, dans nos systèmes de pensée, avouons-le, nous vivons sur une ligne de crête tendue entre deux abîmes symétriques, à droite et à gauche, entre deux erreurs contraires. Personne, d’ailleurs, n’a échappé à ce raisonnement.
Seigneur, comme par ironie, notre culte des commémorations feint d’oublier l’essentiel, celui des droits de l’homme fait à votre image, son droit à la vie, à la sécurité, à la protection familiale, à un niveau de vie décent, y compris une nourriture, un vêtement et un logement, son droit à la santé, à l’éducation, à la libre opinion dont l’exercice est devenu de nos jours prohibitif.
Seigneur, tout notre destin tient dans ce perpétuel combat entre ce que nous fûmes, ce que nous sommes devenus et ce que nous devions être, au niveau de la morale d’abord, de la dignité et de la fierté, ensuite.
Que nous cache-t-il, en effet, ce nouveau millénaire, à l’orée duquel notre humanité arrive anxieuse et accablée?
Enfantera-t-il une génération appliquée à la restauration d’un Liban quémendant ses droits nationaux, ses libertés vilipendées impunément?
Une génération passionnée pour des conditions plus humaines de travail pour tous, pour une répartition équitative des charges, clientélisme exclu; une génération d’hommes à poigne, incapable de renoncer à cette part sacro-sainte d’elle-même qui s’interroge, rêve de perfectibilité, de transcendance agissante, au-delà du matérialisme avilissant?
Seigneur, lorsque dans cette nuit de Noël, nous répétons avec vous, paix aux hommes de bonne volonté, ce n’est pas aux sursauts insolites des pirates de la paix que nous pensons, ni à ces blessures rouvertes au cœur du Liban, ni à ces angoisses qui nous rongent jusqu’à la moelle des os, mais à notre Rédemption, à toutes ces joies, à ce mystère joyeux que votre Nativité nous apporte et qui touche de toutes parts notre nature éphémère.
Seigneur, illuminez notre vie pleine de cruautés, d’abus et d’injustices que nous sommes acculés à supporter, mais dans laquelle nous devons tant bien que mal tenir notre rôle de croyant. Paraphrasant l’apôtre Paul, le Christianisme c’est la Foi, l’Espérance et l’Amour sans plus! Soyons dignes de ces vertus aujourd’hui et toujours.” 

Joyeux Noël et Bonne Année
 
 “L’humanité ferait une paix véritable si elle se mettait sous le signe de la Rédemption. Le pire serait qu’en la dépouillant de son essence, la Nativité deviendrait une fête creuse et païenne.”

Jean Guitton
(L’autre dimension du Christianisme)
 

  

 


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