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![]() Khaled Salam, a-t-il signé le contrat à sa seule responsabilité? |
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LA JUSTICE SE SAISIT DE L’AFFAIRE
Le Parquet décide de se saisir de l’affaire pour savoir si des
commis-sions auraient été versées dans ce mar-ché,
d’autant que le contrat comporte plusieurs clauses désavantageuses
pour la partie libanaise. M. Adnane Addoum, procureur général
près la Cour de cassation, confiait le dossier au chef de la brigade
criminelle, le brigadier Béchara Salem et l’enquête occupe
depuis un mois le devant de la scène juridico-politique.
De longues journées et des heures interminables d’audience ont
eu lieu, plusieurs personnes ayant été entendues en vue de
tirer l’affaire au clair. Le brigadier Salem a recueilli les dépositions
à plusieurs reprises, en premier lieu du PDG de la MEA, Khaled Salam,
à la tête de la compagnie depuis septembre 95; du directeur
général, Youssef Lahoud, qui est à la MEA depuis 37
ans. Il a interrogé des membres du Conseil d’administration, dont
M. Hussein Kanaan, le premier à dénoncer “l’irrégularité”
du contrat; Mahfouz Skayné, PDG de la Intra; des techniciens, des
ingénieurs, ainsi que Salim Salam, fils de Khaled Salam, afin de
clarifier s’il a joué un rôle dans cette transaction et, dans
l’affirmative quel est-il?
Dès l’ouverture de l’enquête, Marwan Bardawil, propriétaire
de la “Bardawil offshore Aviation” et représentant d’une compagnie
américaine la “Boullioun”, fut placé en garde à vue.
Car le Parquet le soupçonnait, ainsi que son père Fouad d’avoir
trempé dans la double transaction de location; puis, du rachat des
avions. Car la “Boullioun” qu’ils représentent, possède le
tiers des actions de la “Sale”, compagnie ayant racheté les trois
appareils loués par la MEA.
Ayant reçu des documents montrant que la “Bardawil Aviation”
avait reçu des paiements réguliers de la “Boullioun”, le
Parquet décide de placer M. Bardawil en garde à vue. Mais
ses avocats: Mes Badaoui Abou-Dib, Joseph Khoury-Hélou et Tony Abou-Dib,
ont vivement réagi contre cette détention qu’aucun texte
de loi ne tolère, prouvant que la somme de 15.000 dollars versée
à leur client par la “Boullioun” était des honoraires payés
trimestriellement par la compagnie américaine à son représentant
au Moyen-Orient.
Au bout de seize jours de détention, Marwan Bardawil a été
libéré. Il lui est demandé de rester à la disposition
de la justice, tant que l’enquête n’est pas terminée.
QUI A CONCLU CE CONTRAT?
La tâche du général Béchara Salem ne fut
pas de tout repos. Il lui fallait élucider la question suivante:
qui a conclu le contrat et qui en était informé? Le PDG de
la MEA a-t-il reçu un mandat des onze membres du conseil d’administration
pour négocier cette transaction? Quel est le rôle du directeur
général, Youssef Lahoud dans cette affaire?
Selon des sources fiables, les membres du conseil d’administration
reconnaissent avoir mandaté le PDG pour négocier le contrat,
mais relèvent, aussi, qu’ils n’ont pas été consultés
avant sa signature par les deux parties.
Concernant le directeur général, Khaled Salam affirme
avoir agi en coordination avec Youssef Lahoud qui l’a, toutefois, nié
lors d’une confrontation avec Salam devant le chef de la brigade criminelle.
Il semblerait que, dès la prise en charge de ses fonctions, le PDG
aurait modifié le réglement intérieur de la compagnie
restreignant les prérogatives du directeur général
à la signature des affaires courantes et quotidiennes.
Autre point à éclaircir: le rôle du fils de Khaled
Salam. L’enquête a révélé que Salim Salam se
trouvait à Sin-gapour en novembre 1996, au moment où ont
démarré les négociations entre la “Singapor Airlines”
et la MEA. Simple coïncidence? Le jeune homme assure avoir été
mandaté par “l’American Express” en vue d’étudier les possibilités
de financer l’achat d’avions par une compagnie américaine la “Silk
Airways”.
Afin de vérifier ces arguments, le général Salem
a demandé l’ordre de mission délivré par la banque
américaine en novembre 96. Surtout, qu’au fil des interrogatoires,
il s’est révélé que la correspondance entre le PDG
de la MEA et la “Singapor Airlines” pour la location des cinq avions, remonterait
à novembre 96 et non à février 97, tel que l’avait
affirmé au départ Khaled Salam.
NOUVELLE DONNE: LA VENTE DE TROIS “JUMBO”
Suite à la déposition de Mahfoud Aziz, chef du département
opération à la MEA, le chef de la brigade criminelle est
informé que la MEA a récemment vendu trois avions de type
“Jumbo” (Boeing 747) à 21 millions de dollars pièce à
une compagnie américaine la AIA. L’un des trois appareils a déjà
été livré; les deux autres le seront en février,
puisqu’à l’heure actuelle l’un est loué à Air France;
l’autre à Air Maroc.
Le prix de vente des “Jumbo Jets” semblait défavorable comparé
à celui de la location des “Airbus”. Elle avait pour but de renflouer
les caisses de la MEA en situation peu brillante. Mais le besoin financier
peut-il, à lui seul, justifier cette vente? D’autant plus que pour
la B.D.L., principal actionnaire de la M.E.A., tout gaspillage caractérisant
les transactions est considéré comme un gaspillage de “biens
publics”.
LA BALLE DANS LE CAMP DE LA BANQUE CENTRALE
Les investigations effectuées par le chef de la brigade criminelle
sous la supervision du procureur général, Adnane Addoum ont
permis, dit-on, jusque-là, de dégager certains fils conducteurs
et de cerner les responsabilités. On attend, à présent,
les résultats de l’enquête.
Ce dossier brûlant risque-t-il de connaître le même
sort que tant d’autres?
Quoi qu’il en soit, un fait est certain: la balle est maintenant dans
le camp de la Banque du Liban.
A ce titre, la BDL avait approuvé le plan triennal (97, 98,
99), mis au point par la société après avoir porté
son capital à 125 millions de dollars, afin de permettre à
la MEA de se restructurer, de moderniser sa flotte et de la faire passer
d’une compagnie n’ayant eu que des pertes depuis des années, à
une société capable de réaliser des bénéfices
à partir de 1999.
La Banque centrale est venue, aussi, récemment au secours de
la MEA payant pour elle un emprunt de 14 millions de dollars qu’elle avait
fait auprès des banques Audi et du Crédit Libanais et étant
venu à échéance en août 97.
La MEA espérait rembourser cette dette par la livraison du premier
“Jumbo Jet” vendu à la compagnie américaine, mais il y a
eu un retard dans cette livraison à cause de certaines réparations
à effectuer sur l’appareil.
QUE RÉSERVE L’AVENIR À LA MEA?
Quelles mesures compte donc adopter la Banque du Liban face à
cette grave crise que traverse la MEA?
A Londres, les avocats de la MEA mènent devant la Chambre de
Commerce de la capitale britannique - qui constitue selon une clause du
contrat, l’autorité d’arbitrage en cas de conflit entre les deux
parties - des pourparlers loin des feux de la rampe, en vue d’obtenir la
résiliation du contrat entre la MEA et la “Singapor Airlines”.
A Beyrouth, la Banque Centrale n’a toujours pas décidé
de se porter partie civile contre les personnes susceptibles d’avoir encaissé
des commissions dans le cadre de ce contrat. Car lorsqu’il s’agit de la
MEA, la banque se comporte comme une société commerciale
et le Parquet ne peut pas engager, spontanément, des poursuites.
Allons-nous en savoir davantage dans les jours à venir?
En somme, cette histoire de pot-de-vin aura été la goutte
d’eau qui remet en question l’avenir de notre compagnie nationale d’aviation.