UNE NOUVELLE BAVURE DU POUVOIR PROVOQUE UN TOLLÉ DANS TOUS LES MILIEUX
À L'ORIGINE: UNE INTERVIEW DU GÉNÉRAL MICHEL AOUN ÀLA MTV INTERDITE PAR LE MINISTRE DE L'INFORMATION
LE BARREAU LIBANAIS DÉCRÈTE UNE GRÈVE DE TROIS JOURS

 
Face à face étudiants et FSI.
 
Comme il était prévisible autant que relativement injustifié, l’interdiction de la retransmission de l’interview accordée à la MTV par le général Michel Aoun, n’a pas manqué de susciter un tollé général, dont de nombreuses réactions indignées, notamment dans les milieux parlementaires, sans compter les malencontreuses échauffourées entre les forces de l’ordre et les manifestants, réprimées avec brutalité! Mais venons-en aux faits.

LES FAITS
Il est 7h du soir. Achrafieh grouille de piétons qui, à la faveur de cette belle soirée de fin de week-end, flânent dans les rues décorées pour les fêtes de fin d’année. Aucune tension n’est perceptible et la présence des forces de l’ordre se justifie par le fait que les manifestants se sont donné rendez-vous à 18h30 devant les locaux de l’ICN.
Les portraits du Général sont cachés sous les pulls. Les jeunes aounistes ont décidé depuis jeudi d’organiser le sit-in devant la MTV en guise de protestation. Des partisans du président Amine Gemayel devaient se joindre à eux.
A l’heure H, arrivés au niveau du collège La Sagesse, il leur devient difficile de gagner Fassouh, les FSI quadrillant le secteur et en bloquant tous les accès.
En empruntant les rues secondaires, ils approchent jusqu’à cinquante mètres des locaux de la MTV. Là, des agents de la brigade anti-émeute, armés jusqu’aux dents, forment un obstacle humain infranchissable. Une voiture diffuse, à l’aide d’un haut-parleur, un des hymnes composés pour le général lors de la guerre dite de “libération”. Les agents regardent, indifférents. Si certains semblent franchement hostiles - d’autres ont l’air littéralement ailleurs. Un officier tente de parlementer avec le secrétaire général de l’Ordre des ingénieurs. Ensuite... les cris des manifestants ne parviendront pas à couvrir le sinistre bruit des bottes: trois rangs d’agents s’avancent au pas cadencé, le visage caché sous des casques à visière, un bouclier dans une main et un gourdin dans l’autre. Ce mouvement inattendu ne fait qu’envenimer la situation et enflamme les protestataires qui se ruent sur eux en hurlant: “Syrie dehors!” et “Non à un parlement à la solde de Damas”.
Ils se heurtent à une première ceinture humaine: les policiers tentent de les disperser en les aspergeant d’eau. Personne entre-temps, n’a fait attention au bruit d’une double détonation et, tout à coup, l’air devient irrespirable; on a du mal à avaler... La police a lancé deux grenades lacrymogènes. Et les manifestants de battre en retraite, pourchassés par les policiers. Certains d’entre eux sont rattrapés et violemment roués de coups, avant d’être conduits vers des fourgons postés un peu plus loin... Curieusement, un agent protège un des manifestants de la colère d’un autre policier. Dans une voiture diffusant des chants des partisans du Général,  quelqu’un s’adresse par haut-parleur aux gendarmes: “Vous êtes nos frères, comprenez-nous. Nous ne voulons pas nous battre avec vous...” Le spectacle tient du surréel!
On connaît la suite lamentable de l’événement, dont tous les journaux se sont fait l’écho par le menu: plus d’une soixantaine de personnes interpellées, parmi lesquels quelques-unes contusionnées... Si les rues sont vides, dix minutes plus tard, l’affaire va remplir les colonnes de la presse... pour quelque temps.
 
 

 
Des arrestations improvisées.
 
Les manifestants aounistes devant la MTV.
 

LE TOLLÉ
En multipliant les maladresses au cours de ces derniers jours et, particulièrement, dans l’affaire MTV, le Pouvoir contrairement à ses objectifs, a réussi à donner un souffle à l’opposition. Un vaste courant d’opinion s’est, en effet, mobilisé afin de défendre, non seulement, les libertés d’expression mais, aussi et surtout, un certain visage du Liban!
L’interdiction de l’interview de la MTV et l’attitude répressive des forces de l’ordre ont embrasé les différents milieux politique, syndical, professionnel, estudiantin et populaire: avocats, opposition chrétienne, milieux parlementaires - cela sur la scène locale où à l’unanimité on a stigmatisé en termes très sévères les atteintes à la liberté d’opinion et la vague d’arrestations qualifiées d’arbitraires qui a suivi la manifestation. Au plan international, nombre d’organisations, notamment Amnesty International, la FIDH, le mouvement franco-libanais “SOLIDA” se sont élevées contre la répression de la liberté d’expression.

DERNIÈRE HEURE:
Sur ordre du Premier ministre, toutes les personnes appréhendées lors des événements de samedi soir, ont été relâchées... Cette décision aurait été prise, en vue d’apaiser les esprits et de mettre un terme aux remous occasionnés par cette malencontreuse affaire.
 
 
UN DES INNOMBRABLES MANIFESTES PUBLIÉS À LA SUITE DE L’AFFAIRE MTV 
L’Amicale des étudiants de l’ESIB (Ecole supérieure des ingénieurs de Beyrouth) de l’U.S.J., regrette profondément, le sort réservé à leur collègue, Rabih Traboulsi, étudiant en mathématiques supérieures, maltraité et détenu par les forces de l’ordre, pour avoir voulu défendre la liberté d’expression, en participant à la manifestation qui s’est déroulée le dimanche 14-12-1997, à Achrafieh aux abords de la MTV. 
Aussi, l’Amicale demande-t-elle au nom de tous les étudiants, et au nom de la Démocratie et de la Liberté d’expression, la libération immédiate de leur collègue, ainsi que celle de tous les détenus, victimes d’injustice et d’irrespect envers la démocratie! 
L’Amicale des étudiants de l’ESIB 
 
 

 

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