“La
ratification du projet de loi sur les municipalités est un exploit”,
a déclaré le chef du gouvernement. C’est ce qu’on appelle
transformer le revers en victoire. En effet, après avoir mené
campagne avec son ministre de l’Intérieur, en faveur du principe
de la nomination des conseillers municipaux et s’être rétracté,
le Premier ministre s’attribue le mérite d’avoir amputé le
texte gouvernemental de l’article 20, relatif aux nominations! Fort heureusement,
le principe démocratique a fini par prévaloir, l’Assemblée
(notre photo) ayant fait barrage à une hérésie législative...
C’est maintenant
chose faite: le principe de la nomination du tiers des conseillers municipaux
a été définitivement abandonné et les Libanais
bien pensants, fermement attachés au système démocratique
ne peuvent que s’en réjouir.
Certains avaient opiné “qu’il serait préférabe
d’organiser le scrutin municipal même sur la base d’une loi imparfaite
et non idéale, que de le reporter à une date indéterminée
ou à ne pas l’organiser du tout.”
Drôle de logique! Comme si on ne se ressent pas encore des fâcheuses
séquelles des législatives de 92 et 96 qui ont été
organisées selon une loi inique, parce qu’elle répartit les
circonscriptions électorales, les unes d’après le caza et
les autres selon les mohafazats!
En fait, le renoncement au principe des nominations s’est imposé,
dès le moment où les trois pôles du Pouvoir - la troïka,
puisqu’il faut l’appeler par son nom - ne sont pas parvenus à s’entendre
autour de la formule à retenir.
En effet, le chef de l’Etat reste attaché à ce principe,
lequel a été abandonné, in extremis par les chefs
du Législatif et du gouvernement.
Les trois présidents avaient tenté de dégager
une solution de moyen terme qui aurait consisté à opter pour
un projet de scrutin assorti d’une représentation proportionnelle.
Le Premier ministre n’aurait pas été hostile à cette
formule, mais le président de l’Assemblée l’a rejetée,
arguant qu’elle consacre le confessionnalisme, “ce qui est en contradiction
avec le document d’entente nationale.”
Or, en se disant fermement attaché au principe des nominations,
le chef de l’Etat a assuré que son opinion lui était dictée,
moins par des considérations d’ordre personnel, que par son souci
“de préserver l’entente”.
Et pour rassurer les parlementaires, il a clairement laissé
entendre qu’il ne renverra pas à la Chambre le projet de loi tel
qu’ils l’auront ratifié.
En définitive, ceux-ci ont souscrit à une proposition
de loi présentée par deux de leurs collègues: Mohamed
Youssef Beydoun et Mohamed Abdel-Hamid Beydoun - se réclamant, respectivement,
du “bloc des six” (Husseini, Karamé, Hoss, S. Lahoud, Boutros Harb
et Beydoun - opposition) et du bloc dont le chef de file n’est autre que
le président de l’Assemblée.
En vertu du texte approuvé, les élections municipales
se dérouleront librement dans les villes et villages non occupés
et dans ceux ou des réconciliations n’ont pas été
opérées, c’est-à-dire les localités que leurs
habitants (déplacés) n’ont pas encore réintégrées.
C’est normal. Ici, les administrateurs et les caïmacams assumeront
les charges des édiles, en attendant que ceux-ci puissent être
désignés par voie élective, trois mois tout au plus
après le retrait de l’occupant.
Tout compte fait, les municipales n’auraient pas causé tant
de tapage, si le gouvernement avait dès le départ résolu
de laisser aux citoyens bénéficiant du droit de vote le soin
d’élire les conseillers: les électeurs, étant
donné leur lucidité et leur capacité d’appréciation,
comme ils l’ont prouvé de tout temps, sauraient recourir au panachage,
aux fins de confier aux éléments modérés, impartiaux
et objectifs, le soin de les représenter au sein des conseils muncipaux.
Car il est maintenant établi que les gouvernants compromettent
l’entente nationale - et non les citoyens - à cause de leur manie
de vouloir tout manigancer, afin d’infiltrer leurs hommes liges dans tous
les rouages de l’Etat et de l’administration, tant étatique que
municipale... |