Qui
a saboté l’Exhortation apostolique? Cette question, tout Libanais
bien pensant est en droit de la poser. Mais la réponse ne peut venir
de ceux qui n’ont rien épargné pour placer sous le boisseau
l’appel du Saint-Père aux communautés nationales, les engageant
à œuvrer ensemble pour édifier un Etat de droit dont ils
peuvent être fiers, basé sur le désir de vivre en commun,
sans lequel le Liban ne peut assurer sa pérennité.
Les événements
des dernières semaines et la situation dans laquelle le pays se
débat, portent à penser que si le locataire du palais du
gouvernement, depuis près de cinq ans, peut être un excellent
entrepreneur et un grand homme d’affaires, il a donné jusqu’ici
la preuve d’un piètre Premier ministre.
La raison de son échec à ce titre, provient de ce qu’il
ne semble pas s’y connaître en politique dont il ignore les règles
et les principes sans lesquels un Etat ne peut être bien gouverné.
Il n’y a pas quelques mois, à l’occasion de l’inauguration de
la “Cité sportive Camille Chamoun” - dont il a voulu changer le
nom, ce qui dénote un manque de sens politique - M. Hariri croyait
pouvoir rassurer le chef de l’Etat (assis à ses côtés
dans la tribne officielle): “Le pays marche; ne vous faites pas de soucis,
Monsieur le président.”
Le chef du gouvernement feignait, jusqu’à tout dernièrement,
de ne pas entendre les mises en garde, les remarques et les critiques des
opposants siégeant à la Chambre ou en dehors de l’enceinte
parlementaire, arguant qu’il s’agissait de “manœuvres politiciennes”, partant
du principe: “Ote-toi de là pour que je m’y mette”!
Mais M. Hariri a fini par déchanter et rabattre de ses prétentions
après avoir constaté, un peu tard, que le navire dont il
est le chef de bord allait échouer, s’il ne l’a déjà
fait, sur les récifs... Comme le “Champollion” s’était immobilisé,
à cause d’une fausse manœuvre, sur les dunes d’Ouzaï dans les
années cinquante.
D’erreurs en fausses initiatives et en décisions inopportunes,
vite rapportées, le Cabinet haririen a perdu le halo de prestige
qui avait accompagné sa formation.
Nous émettons ces réflexions en ayant entendu le Premier
ministre déplorer que “la visite papale, en mai dernier, n’ait pas
eu de suite”. A qui la faute? N’est-ce pas au gouvernement qui a fait la
sourde oreille aux recommandations et aux conseils du Saint-Père?
“Nous sommes ouverts à tout le monde, mais on n’a pas le droit
d’imputer toute la responsabilité aux seuls gouvernants; celle-ci
doit être partagée”, a assuré M. Hariri, en réaffirmant
“sa foi dans la coexistence”, d’où son appel en faveur “d’un dialogue
concret et fructueux”...
Or, le Souverain Pontife a adressé aux Libanais un message qui
n’a encore reçu aucun début d’application sur le terrain.
Sa Sainteté a engagé les catholiques “à œuvrer,
en collaboration avec leurs compatriotes de toutes les communautés,
à l’effet de servir le bien commun de la cité terrestre,
en tirant de la foi leur inspiration et les principes fondamentaux pour
la vie en société”. Et d’ajouter: “Cela n’est possible qu’avec
la participation active de tous les habitants de ce pays qui sont appelés
à prendre part au projet de la reconstruction.”
Mais pour que le Liban soit à la dimension de sa vocation internationale,
il faut édifier un Etat digne de ce nom. D’où la nécessité
vitale d’une réforme structurelle. Et à ce propos, nous revient
à l’esprit ces propos tenus par le regretté Charles Malek,
lors d’une rencontre en 1948 au palais de Chaillot à Paris devant
une docte assistance: “Nous nous chargeons de donner à notre pays
sa plus large assise internationale. A vous d’agir de manière à
ce qu’il tienne de l’intérieur.”
Et pour tenir, le Liban doit être pris en charge par tous ses
fils, dont aucune frange, quelle qu’elle soit, ne doit être exclue
ou marginalisée... A bon entendeur, salut! |