ENTRETIEN AVEC LE CHEF DE L'ÉTAT ÉGYPTIEN
LE PRÉSIDENT HOSNI MOUBARAK À MELHEM KARAM:
"SANS UNE COORDINNATION ENTRE LES ETATS ARABES, LE TERRORISME NE MANQUERA PAS D'Y SÉVIR"

 
Vous ne pouvez pas ne pas aimer le président Hosni Moubarak: il envahit votre cœur par ses initiatives suaves, ses gestes humains et sa bonne humeur permanente. Il mène l’entretien avec la dextérité des professionnels passés maîtres dans la manière de traiter avec les peuples et les particuliers, partant d’un dialogue incessant qu’il sait imprégner de sa chaleur et de sa souplesse.
Le Raïs est fidèle à ses amitiés, ne trouvant pas excessif tout effort qu’il serait appelé à déployer en leur faveur, élevant ses relations à un haut niveau, même avec ses plus petits amis.
La rencontre a eu lieu au palais d’Al-Ourouba dans la nouvelle Egypte, en présence de MM. Safouat el-Charif, ministre de l’Information et Nabil Osman, chef de l’organisme général des renseignements. Elle a duré deux heures: une heure pour l’enregistrement de l’entretien - et c’est ce que vous allez lire - et une heure non enregistrée (“of the record”, selon l’expression anglaise).
Cela aurait été une tâche difficile, n’était-ce l’engagement du président Moubarak à la faciliter, en fournissant tous les renseignements requis en réponse à nos questions. Il se soucie d’informer ses amis des moindres détails, afin qu’ils les utilisent à servir les causes arabes auxquelles il s’est voué corps et âme, leur consacrant son âme et son temps.
Quand il est mis en situation de choisir entre ses amis et autre chose, l’option est immanquablement dans l’intérêt de ses frères et de sa nation, quelle que soit la dimension de la cause. Que Dieu le préserve et l’aide à toujours servir les causes des Egyptiens, des Arabes et de l’homme.
Lorsque la moralité politique est évoquée, le nom du président Hosni Moubarak est également cité, comme si la direction sage n’a fleuri que sur sa terre. Lui qui porte le poids de lourdes charges sur ses épaules, n’a à aucun moment essayé de se faire prévaloir par une interview ou de frapper l’attention par quelque signe apparent. Il a donné une longue leçon de nature authentique, atteignant le summum de la civilité et de l’élégance de l’âme, sans montrer aucun complexe de supériorité. Dieu l’a gratifié du don de traiter les gens avec simplicité, étant toujours accaparé par les événements de la patrie et des soucis auxquels les citoyens sont confrontés.
Il vibre avec la famine et faiblit devant la pauvreté. Aussi, s’est-il employé à les éliminer en Egypte; puis, il s’est infiltré au fond de l’humanité souffrante.
Quant à la haute attention paternelle chez Hosni Moubarak, on peut dire que le Pouvoir contemporain n’en a pas connu de plus forte, à tel point qu’il est considéré comme le père des pauvres et des souffrants.
La formation militaire a pénétré dans son essence: tout en lui insufflant le courage et la discipline, elle a marqué son leadership de souplesse. Cela s’est traduit par la vertu de sentir les souffrances des gens, ce qui constitue l’une des qualités prééminentes du grand chef.
Aucun jour il n’a eu foi en la violence et n’a été un sanguinaire ou favorable à la fermeture des portes face au dialogue ou à la crispation. Au contraire, il s’est distingué par une présence responsable et puissante, doublée d’une tendance transcendante vers le renouveau.
Il n’est donc pas étonnant que le chef jouisse de l’admiration de la génération montante, autant que des aînés. Ce leader a nom Hosni Moubarak; il se distingue par une présence d’esprit sans égale et d’une perspicacité à toute épreuve.
Le dialogue a débuté par une question ayant ouvert la voie à une série de points d’interrogation auxquels le président Moubarak a répondu en toute franchise.
 
• Ma relation 
avec le roi Fahd est fraternelle et nous nous concertons en permanence
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

• Le président Assad n’accepte aucun compromis sur le Golan
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

• Des contacts sont en cours à l’effet d’assainir le climat entre l’Egypte et le Soudan
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

• Le sommet de Téhéran a réalisé du succès et je souhaite l’application de ses résolutions
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

• Aucun problème ne nous oppose à l’Administration US avec laquelle nos relations sont excellentes.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

• Les coptes ne sont pas une minorité et ils bénéficient des mêmes droits que les musulmans.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

• Arafat se porte bien et le peuple palestinien a confiance en lui. Après Abou-Ammar, le terrorisme sévira...
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

• Si l’alliance turco-israélienne était utilisée contre la Syrie, une large brèche séparerait la Turquie de la nation arabe.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

• Les promesses de Netanyahu ne sont jamais tenues...
 

DISPOSITIF CONSIDÉRABLE APRÈS LA TUERIE DE LOUXOR
Melhem Karam: - Croyez-vous que les dispositions prises après l’effroyable tuerie de Louxor ont comblé toutes les brèches et empêchent d’autres accidents similaires à l’avenir?
Président Moubarak: “Il s’agit de dispositions très imposantes à multiples axes, visant à assurer le maximum de sécurité. Aucun pays au monde, si puissant soit-il, ne peut combler les brèches à cent pour cent: ni les Etats-Unis, ni la Russie, ni la France ou tout autre Etat. Le principe consiste à combattre le terrorisme. Si tous les Etats avaient conjugué leurs efforts avec sincérité, nous en aurions fini avec ce fléau.
“Malheureusement, certains pays européens accordent le refuge aux terroristes et sont devenus leur centre de ralliement.”

Melhem Karam: - L’ambassadeur de Grande-Bretagne s’est rendu depuis quelques jours au ministère des Affaires étrangères où il a évoqué ce sujet. A-t-il tenu des propos tranquillisants?
Président Moubarak: “L’ambassadeur britannique a rencontré M. Amr Moussa, ministre des Affaires étrangères, mais je ne suis rassuré que par les actes. Depuis des années, j’entends d’eux des paroles rassurantes. Mais la question à poser est la suivante: Est-il permis d’accorder l’asile à un meurtrier? Il ne s’agit donc pas d’une opposition politique, ni de l’asile politique, ni de persécution. En vérité, il s’agit de criminels ayant commis des meurtres.”

Melhem Karam: - Croyez-vous que le monde abrite le terrorisme et se montre complaisant avec les terroristes?
Président Moubarak: “Des Etats combattent le terrorisme et d’autres accueillent les terroristes. Pourquoi? Je l’ignore. Ils invoquent la liberté d’expression... Quelle liberté d’expression? En définitive, ils paieront très cher le prix de leur conduite. Ces Etats vous parlent des droits de l’homme. De quel homme et de quels droits? Et où sont les droits de l’innocent qu’on assassine çà et là sans raison?
“Ces Etats ne réalisent pas jusqu’ici, paraît-il, qu’ils ne resteront pas longtemps à l’abri des crimes de ces terroristes et de ces tueurs.”

LONDRES, PRINCIPAL FOYER DE TERRORISME
Melhem Karam: - Comment traitez-vous avec l’état fondamentaliste actif dans un certain nombre de camps pakistanais et afghans ayant émergé avec violence depuis le plasticage de votre ambassade à Islamabad? N’est-ce pas dans ces régions où réside le dangereux foyer du fondamentalisme qui menace la stabilité égyptienne?
Président Moubarak: “Nous maintenons  le contact avec le gouvernement pakistanais qui réagit positivement. Mais ce fait pose pour eux un problème, car l’affaire dépend de l’Afghanistan où réside le foyer fondamentaliste, ainsi que dans les zones frontalières au Pakistan.
“Un autre foyer consiste en la présence de certains éléments terroristes dans des pays européens. L’un des courants du terrorisme se trouve à Londres; il leur est permis de se déplacer librement, de travailler à découvert, de collecter des fonds et de planifier pour les opérations terroristes. Je ne sais pas si cela est toléré au nom des droits de l’homme. Ce sont des criminels qui jouissent de la sécurité à Londres.”

Melhem Karam: - Des contacts ont eu lieu entre l’Autorité, les saboteurs établis en Egypte et ceux de l’extérieur. Quel est votre avis à ce sujet?
Président Moubarak: “Cela n’est pas exact. Nous sommes un Etat et ne dialoguons pas avec des criminels, mais avec des Etats. L’Etat juge les meurtriers. Le dialogue avait été entamé avec eux du temps de feu le président Anouar Sadate à la fin des années 70. Il s’est poursuivi pendant des années, à travers des personnes qui leur ont prodigué les conseils. Nous leur avons organisé des cycles de conférences dans les prisons, jusqu’à ce qu’il est apparu qu’il ne s’agissait pas d’une question d’Islam. Ils se sont servis des armes, tout en étant des agents à la solde de l’extérieur, afin de perturber la stabilité. Ils sont très éloignés de l’Islam qui, à l’instar des autres religions, n’incite pas à l’assassinat des innocents, ni à l’effusion de sang. L’Islam n’engage pas au meurtre de “Shimaa”, fille unique de ses parents. Ceux-ci avaient attendu longtemps pour avoir un enfant, dont le meurtre a été pour eux une catastrophe; ils vivent dans un état de frustration qu’aucun être humain n’a connu jusqu’ici.
“L’Etat en Egypte ne dialogue pas avec des assassins ayant utilisé des armes contre des innocents. Tout ce qui a été rapporté à ce sujet est sans fondement.”

UN ÉTAT PALESTINIEN EST INÉLUCTABLE
Melhem Karam: Jusqu’à quel point les retraits partiels proposés par le chef du gouvernement israélien contribuent-ils à ouvrir une brèche dans le mur politique bouché? Ces retraits suffisent-ils à remettre les négociations sur les rails?
Président Moubarak: “Avec tout mon respect au Premier ministre d’Israël, la solution qu’il envisage d’adopter est éloignée de ce qui avait fait l’objet d’un accord au temps de Yitzhak Rabin. L’idée de restituer la terre est préférable et plus bénéfique à la région que de s’en emparer par la force et que la situation actuelle, parce qu’elle assure la sécurité à toutes les parties. En définitive, un Etat palestinien doit être créé; c’est inéluctable.”

Melhem Karam: - Avez-vous abouti à des résultats positifs au terme de votre entrevue avec le colonel John Garang et celui-ci tient-il toujours au système confédéral après vos entretiens?
Président Moubarak: “Je me suis entretenu avec lui autour d’un point principal, à savoir: pas de partage du Soudan, car cela signifierait la perpétuation du conflit. Si le partage était réalisé, le Nord et le Sud du pays ne se calmeraient pas et le peuple soudanais en paierait le prix.”

LE TEMPS DU LEADERSHIP MONDIAL EST RÉVOLU
Melhem Karam: - On parle d’une éventuelle visite au Caire du président soudanais, Omar Al-Bachir. Est-ce exact?
Président Moubarak: “La nouvelle a été publiée dans la Presse et des contacts sont effectués par les canaux diplomatiques, en vue d’assainir le climat entre les deux pays.
“Mon cœur est ouvert à tous les problèmes du Soudan et j’aime avoir avec ce pays des relations fraternelles, ainsi qu’une coopération avec tous les Etats arabes et du globe. J’agis dans ce sens avec un esprit ouvert et dans la mesure du possible. Car le temps du leadership est révolu: le monde a changé et il s’agit, à présent, d’une question de coopération à l’échelle planétaire. Les Etats-Unis sont le plus grand Etat du globe: peuvent-ils diriger le monde? Non, naturellement. Existe-t-il un Etat européen capable de mener l’Europe?
“Il s’agit moins d’une question de leadership que de coopération, d’entente et de dialogue entre les pays arabes, pour parvenir à une conception unique de tous les problèmes, pour que nous puissions œuvrer ensemble en vue de les résoudre.”
Melhem Karam: - Estimez-vous que le sommet islamique de Téhéran a réussi?
Président Moubarak: “Il a réussi dans une large mesure et je souhaite que ses résolutions soient mises à exécution.”

POURQUOI AVOIR BOYCOTTÉ LE SOMMET DE TÉHÉRAN?
Melhem Karam: - Pourquoi n’y avez-vous pas pris part personnellement?
Président Moubarak: “Maintes raisons m’ont empêché de m’y rendre et j’y ai délégué le ministre des Affaires étrangères. Quant aux raisons, certaines peuvent être évoquées et d’autres, pas. D’abord, il n’existe pas de relations diplomatiques entre Le Caire et Téhéran. Cependant, dès mon entrée en fonctions, je me suis soucié d’ouvrir une nouvelle page avec l’Iran. Des discussions ont eu lieu à ce sujet et ils ont dit: Nous ne traitons pas avec l’Etat de camp David. Certains jusqu’ici ne veulent pas comprendre la vérité de camp David qui a été un cadre général à des principes consignés dans deux documents: l’un concerne la cause égyptienne et l’autre la cause palestinienne. Il s’agit donc d’un document de principes ou de titres de problèmes faisant l’objet de pourparlers; aussi, n’était-il contraignant pour personne.
“Le document palestinien était riche en titres et en principes. S’ils avaient utilisé dans le passé le document de camp David, l’affaire palestinienne aurait été réglée mieux qu’aujourd’hui. L’un des points de camp David exigeait un retrait israélien à des positions situées en dehors de Gaza et de Cisjordanie devant faire l’objet d’accord lors des négociations. Les Israéliens avaient agréé ce point précis.
“Maintenant, une controverse est instituée autour de la question du redéploiement des forces israéliennes dans une proportion allant de 8 à 10% seulement, comme on le dit.”

LA CLARTÉ EST MON PRINCIPE DE BASE
Melhem Karam: - Monsieur le Président, considérez-vous que l’Iran entreprend, actuellement, une action efficace pour s’ouvrir sur le monde?
Président Moubarak: “Il tente de le faire et je sens que le président Khatami œuvre en vue d’une ouverture sur l’univers. Il fait montre de souplesse dans les idées qu’il avance. J’accueille favorablement cet esprit d’ouverture, mais il reste certains problèmes à trancher.
“Le fait pour moi d’avoir envoyé le ministre des Affaires étrangères à Téhéran à l’effet de prendre part au sommet islamique, était un indice clair. Mon principe de traiter avec les Etats est la clarté, à condition  que cela soit réciproque.”

Melhem Karam: - Quelle est la dimension de la participation iranienne, éthiopienne et ougandaise dans la guerre soudanaise? Israël s’emploie-t-il à séparer le Nord du Sud?
Président Moubarak: “Je ne dispose pas d’une preuve tangible permettant d’affirmer qu’Israël y est impliqué. Et en même temps, je n’aimerais pas lancer les accusations à la légère sans les corroborer par des preuves sûres.”

Melhem Karam: - S.M. le roi Fahd Ben Abdel-Aziz, “Serviteur des deux saintes mosquées”, a joué un grand rôle dans votre réconciliation avec les autorités qatariotes. Puis, vous vous êtes rendu à Ryad, ce que d’aucuns ont considéré comme une hâte à faire escalader le conflit médiatique; puis, une précipitation dans la réconciliation. Ces événements n’affectent-ils pas la crédibilité du rôle et de la politique de l’Egypte?
Président Moubarak: “La relation avec le roi Fahd est fraternelle. Nous nous consultons en permanence et il me place, en permanence, dans l’image de la situation. Nous n’avons pas précipité le conflit et, d’ailleurs, nous ne l’avons pas provoqué, au départ. Il n’y avait aucun conflit avec Qatar, hormis sur un point: la cause palestinienne. Notre point de vue était clair, en ce sens que nous avons lié notre présence à la conférence de Doha, au progrès qui serait réalisé dans le processus de paix qui était bloqué et continue à trébucher. Nous avons affirmé que si un progrès était réalisé dans ce processus, nous prendrions part à la conférence de Doha  qui ne posait pas de problème.
“Je suis, en principe, pour la liquidation des problèmes entre les Arabes les uns avec les autres. Nous n’aimons pas vivre dans un climat d’abus et de complications.”

Melhem Karam: - Quels sont les différends apparents et cachés opposant le Caire à Washington? Et pourquoi la Presse américaine soulève-t-elle le problème des coptes d’Egypte?
Président Moubarak: “Il n’y a pas de différend entre nous et l’Administration américaine. Au contraire, nos relations sont excellentes. Quant au lobby juif, c’est lui qui soulève le problème des coptes, en s’imaginant que ceux-ci sont un jouet entre ses mains qu’il manipule de temps à autre. Bien avant la révolution, quand quelqu’un voulait susciter des problèmes en Egypte, il évoquait le problème des coptes et des minorités.
“Les coptes ne sont pas une minorité en Egypte; ce sont des ayants-droit à l’instar des musulmans. Nous ne nous immiscons pas dans les religions et respectons la liberté de croyance. Les mêmes milieux avaient soulevé ce problème au temps d’Abdel-Nasser et de Sadate. De quoi s’agit-il? En réalité, il n’y a pas de problème avec les coptes. On dit que la construction des églises requiert un permis; c’est exact et ceci remonte à un temps éloigné pour une seule raison: il existe une majorité musulmane, ainsi que des extrémistes de part et d’autre. La sagesse consiste à ne pas fournir l’occasion de provoquer les incidents. En dépit de cela, nous n’avons aucune fois refusé l’octroi de permis pour l’édification d’une église, sauf si cela devait fomenter des divisions entre les musulmans et les chrétiens.
“Certains extrémistes sont poussés de l’extérieur et ils ont intérêt à entretenir un état d’instabilité. Etant entendu, aussi, que la construction d’une mosquée a besoin d’un permis. J’ai approuvé beaucoup de requêtes en vue de l’édification d’églises davantage que durant les cinquante dernières années, car il s’agit de lieux de culte.”

Melhem Karam: - Croyez-vous que votre position envers la conférence de Doha a eu des séquelles sur le plan de vos relations avec l’Amérique?
Président Moubarak: “Pas du tout, les relations avec Washington étant bonnes. Notre position était claire. J’avais précisé que je prendrai part à la conférence de Doha, si des progrès étaient réalisés dans le processus de paix au P.-O. Puis, j’ai rencontré l’émir de Qatar et il n’y a eu aucun conflit entre nous. Mais il en est qui s’emploient à brouiller les cartes entre nous.”

Melhem Karam: - Dans quelle mesure une coordination égypto-arabe est instituée contre le terrorisme et êtes-vous satisfait du niveau atteint par cette coordination?
Président Moubarak: “Il existe, effectivement, une coordination entre nous et plusieurs Etats arabes dans ce domaine, car s’ils ne coopèrent pas dans la lutte contre le terrorisme, ils en seront la victime.”

ARAFAT SE PORTE BIEN
Melhem Karam: - Quels sont vos renseignements à propos de la santé du président Yasser Arafat, autour de laquelle bien des rumeurs sont propagées ces derniers temps? Vous le voyez souvent; que direz-vous de son état de santé?
Président Moubarak: “Sa santé est excellente et il ne souffre de rien. Ceux qui propagent les rumeurs, tentent de semer la confusion parmi les Palestiniens. Mais que tous sachent que s’il arrivait quelque chose à Yasser Arafat, l’opération ne sera pas du tout facile. Car tout le peuple palestinien a confiance en Arafat et sa parole est écoutée; c’est une vérité que nous ne devons pas ignorer. Ah! s’ils pouvaient comprendre cela, parce qu’après Arafat, les rangs palestiniens se scinderont. Il n’est pas dans l’intérêt de l’opération de paix de propager des rumeurs laissant croire que l’état de santé d’Abou-Ammar laisserait à désirer. Les Israéliens et les autres doivent comprendre cela. Qu’ils cessent donc d’enjoliver l’image de quelqu’un pour en faire un éventuel successeur à Arafat. Croyez-moi, ce serait une catastrophe.”

Melhem Karam: - Qu’auriez-vous à dire à propos de l’exécution des quatre Jordaniens en Irak, pour avoir fait le trafic des pièces de rechange de voitures?
Président Moubarak: “Tout le monde s’adonne au commerce. Doit-on à cause de cela condamner tous les gens: les Turcs, les Iraniens, les Irakiens, les Syriens et quiconque fait du commerce? Ce qui s’est produit est douloureux et la situation est aujourd’hui très tendue entre Bagdad et Amman.”

Melhem Karam: - Et qu’en est-il de la situation entre les Etats-Unis et l’Irak?
Président Moubarak: “Les Etats-Unis sont déterminés à découvrir les armes de destruction massive, à tout prix.”

Melhem Karam: “L’Irak restera-t-il éloigné de la communauté arabe ou bien y a-t-il des conditions qu’il est appelé à remplir en vue de son intégration?
Président Moubarak: “La première condition est qu’il respecte les résolutions du Conseil de Sécurité. Puis, l’exécution des quatre ressortissants jordaniens a compliqué l’affaire avec la Jordanie qui était l’ami de l’Irak.”

LE LOBBY JUIF, DIVISÉ
Melhem Karam: - Pensez-vous que Netanyahu irait jusqu’à annihiler les acquis de Madrid et d’Oslo?
Président Moubarak: “Il a dénoncé tous les accords et ce qu’il propose autour du redéploiement des troupes le confirme.”

Melhem Karam: - Comment est l’état des rapports entre l’Amérique et Netanyahu après que le président Clinton eut refusé de recevoir le Premier ministre israélien à la Maison-Blanche?
Président Moubarak: “Je ne veux pas évoquer ce sujet. Cependant, il est clair que la partie américaine n’est nullement satisfaite de l’impasse dans laquelle se trouve l’opération de paix. Je ne sais quelles sont les circonstances empêchant les USA d’entreprendre une initiative destinée à convaincre le gouvernement de Tel-Aviv de respecter et d’appliquer les accords précédemment conclus.”

Melhem Karam: - Sur quoi se base Netanyahu dans son refus et son intransigeance?
Président Moubarak: “Sur le lobby juif d’Amérique, lequel est divisé. Quoi qu’il en soit, le moment viendra où il faudra traiter cette crise, car la paix ne sera pas instaurée, si la situation doit persister de la même manière. Netanyahu m’a entretenu, une fois, de la paix avec la Syrie et a soulevé certains points dont j’ai fait état aux Syriens, lesquels n’ont pas jugé nécessaire d’y répondre. Il s’agissait de reconsidérer certains documents et non de les abroger. Deux jours plus tard, il a fait une déclaration contraire, disant qu’il n’était pas disposé à évacuer le Golan.
“Puis, les Israéliens m’ont entretenu de nouveau et je leur ai dit: “Il n’y a pas de solution avec la Syrie, sans qu’elle ait l’assurance que vous êtes parvenus à un règlement équitable avec les Palestiniens. Je leur ai dit, également, que la formule “Liban, d’abord”, vise à frapper ensuite la Syrie. Cela est rejeté. Donnez la confiance aux Palestiniens, d’abord. Le Liban veut un règlement du conflit régional; de même que la Syrie.”

ISRAËL DOIT TRANCHER D’ABORD SON CONFLIT AVEC LES PALESTINIENS
Melhem Karam: - Les négociations peuvent-elles réussir entre les Palestiniens et les Israéliens? Et cela suffira-t-il ou bien faudra-t-il les généraliser au plan arabe?
Président Moubarak: “En tout premier lieu, Israël doit régler son conflit avec les Palestiniens, ce qui encouragera les Libanais et les Syriens. Puis, le règlement de l’affaire palestinienne dissipera la tension entre les Arabes et les Israéliens.
“Les données soumises par le gouvernement israélien actuel diffèrent de celles qui émanaient du Cabinet de Tel-Aviv du temps de Rabin. J’ignore à quoi pense Netanyahu. La création d’un Etat palestinien ne peut constituer une menace à l’Etat hébreu. On ne peut dresser une clôture entre eux. Il y aurait entre eux une coopération, y  compris la lutte contre la violence et le terrorisme.”

Melhem Karam: Cela est-il possible à votre avis?
Président Moubarak: “De la façon dont je vois les choses, cela paraît difficile pour le moment.”

MARCHÉS ARABE ET ISLAMIQUE
Melhem Karam: - Vous étiez enthousiaste pour le Marché commun arabe et au sommet de Théréran il a été question d’un marché islamique: les deux marchés peuvent-ils se porter préjudice?
Président Moubarak: “Pas du tout. Nous pouvons commencer par le marché arabe et il n’est pas nécessaire que tous les Etats arabes en fassent partie, mais ceux d’entre eux dont les circonstances sont similaires. Si un marché islamique devait être créé, par la suite, il pourrait coordonner ses activités avec le marché arabe.
“Quoi qu’il en soit, je crois que la création d’un marché arabe est plus facile que le marché islamique, en raison de l’éloignement des distances et de la diversité de la situation politico-économique entre les pays islamiques.
“Mais ce qui est plus important, c’est le rassemblement économique arabe, pareil à ceux d’Europe, d’Amérique et d’Asie. Malheureusement, nous n’avons pas encore réalisé la gravité du non-rassemblement arabe, car à longue échéance, les pertes seront considérables.
“Nous resterons uniquement un marché de consommation et n’aurons pas d’emplois à offrir à notre main-d’œuvre, parce que notre région manquera d’usines et d’autres entreprises créatrices d’emplois. Nous serons submergés par les marchandises importées de l’extérieur. Que ferons-nous, alors, de la main-d’œuvre dans le monde arabe, que ce soit au Liban, en Syrie, en Egypte et ailleurs?”

Melhem Karam: - Pourquoi Israël refuse-t-il de procéder à un recensement des Palestiniens vivant à Jérusalem?
Président Moubarak: “Pour ne pas leur donner le droit de revendiquer la Ville sainte.”

LA SITUATION EN ALGÉRIE
Melhem Karam: - Comment jugez-vous la situation en Algérie?
Président Moubarak: “Ce qui s’y passe m’endolorit le cœur. Je crois que le gouvernement algérien est en mesure de faire face à la situation. Quant à ceux qui entreprennent les opérations terroristes et les tueries, ils représentent un phénomène intrus qui n’existait pas auparavant dans ce pays.
“Je pense que toute immixtion ou médiation étrangère visant à régler le conflit, se retournera, négativement, contre l’Algérie. Le gouvernement d’Alger peut régler ses problèmes et nul ne doit intervenir pour mondialiser le conflit, car cela le rendrait plus complexe.”

Melhem Karam: - Pourrait-il y avoir un retrait israélien du Golan?
Président Moubarak: “Pas de solution avec la Syrie avant qu’elle soit assurée qu’Israël évacuera le Golan. Ceci pourra se réaliser s’il existe en Israël un gouvernement souple désireux d’instaurer la paix. Il s’agit d’une position ferme du président Hafez Assad à propos de laquelle il n’accepte aucun compromis et sur laquelle il ne peut transiger.”

Melhem Karam: - Stanley Fisher, président du Fonds international, a déclaré que le programme de la réforme économique en Egypte évoluait lentement; que les investissements continuaient à y affluer, sans être affectés par la tuerie de Louxor. Que reste-t-il à exécuter du programme de réforme et quel est le volume des investissements actuels et futurs?
Président Moubarak: “Nous persévérons dans l’opération de la réforme. Le tourisme a été affecté dans une grande mesure par le massacre de Louxor et je crois que cela prendra quelque temps. Cependant, l’économie ne compte pas uniquement sur le tourisme; elle a d’autres ressources. Le tourisme n’a pas affecté notre économie comme l’imaginent les extrémistes. Les investissements se poursuivent. Mais les propriétaires d’hôtels et ceux qui y travaillent ont pâti de la régression du mouvement touristique. Les extrémistes causent du tort aux gens, mais la vitalité reviendra à ce secteur, s’il plaît à Dieu. Quand j’étais à Louxor, j’ai vu une grande délégation américaine formée de près de trois-cents touristes; d’autres groupes sont attendus et nous avons pris des mesures sécuritaires strictes et intensives.”

TOURISME UNIVERSITAIRE ET FAMILIAL
Melhem Karam: - Le gouvernement égyptien a-t-il pris des dispositions exceptionnelles pour dédommager les habitants de Louxor et les sites environnants dont le tourisme constitue la principale ressource?
Président Moubarak: “Le gouvernement a fait le nécessaire. Puis, nous avons promu le tourisme universitaire, scolaire et familial. Nous avons prolongé le congé de la fête à l’effet de renforcer le tourisme intérieur et de permettre au citoyen égyptien de connaître son pays.”

Melhem Karam: - Quelles ont été les répercussions du mot que le président Hafez Assad a prononcé au sommet de Téhéran au nom des pays arabes? Sa prise de position contre l’alliance militaire turco-israélienne a-t-elle provoqué le retrait de la salle du président Suleiman Demirel?
Président Moubarak: “La question est délicate. J’en ai discuté avec le chef de l’Etat turc quand il m’a rendu visite en Egypte. Je lui ai dit que ses propos relatifs à l’alliance avec Israël ne sont pas clairs pour les Arabes. Les gens craignent que cette alliance soit utilisée contre la Syrie ou tout autre pays arabe et là réside sa gravité. Si cela venait à se produire, elle provoquerait une large brèche dans les rapports entre la nation arabe et la Turquie.”

Melhem Karam: - Comment concevez-vous l’avenir de l’opération de paix après l’an 2.000 et le changement du pouvoir en Israël?
Président Moubarak: “Je ne peux prévoir ce que sera la situation dans cette étape. Si elle se poursuit de la même manière, Dieu seul peut connaître ce qu’il en sera à l’avenir.”

JE SOUHAITE QUE NETANYAHU SE MONTRE SOUPLE
Melhem Karam: - Pensez-vous que le processus de paix restera bloqué tant que Netanyahu sera au pouvoir?
Président Moubarak: “Je souhaite que Netanyahu fasse montre de souplesse dans l’intérêt de la sécurité d’Israël et de la région. Et ce, en favorisant l’opération de paix, tout en restituant leurs droits et leurs terres aux Palestiniens. De cette façon, toutes les parties conjugueront leurs efforts pour combattre les terroristes, qu’ils soient israéliens ou palestiniens.“

Melhem Karam: - Netanyahu ne vous a-t-il pas demandé d’entreprendre une initiative pour le sauver?
Président Moubarak: “Je me suis entretenu maintes fois avec lui et il m’a donné beaucoup de promesses sans tenir aucune d’elles. Je donnais des conseils à Rabin qui avait une grande expérience et j’ai échangé les vues avec Netanyahu sans obtenir de lui aucun résultat.”

Melhem Karam: - Le sommet tripartite qui vous a réuni à Ryad avec le “Serviteur des deux saintes mosquées” a-t-il normalisé, définitivement, vos relations avec Qatar?
Président Moubarak: “Aucun conflit ne nous oppose à Qatar. Quand j’ai rencontré l’émir, notre entretien n’a pas duré plus de vingt minutes. Cependant, nous craignons ceux qui œuvrent dans le noir. Ils ont accusé des éléments égyptiens d’avoir trempé dans un complot, en faisant allusion à deux officiers égyptiens en retraite travaillant dans l’émirat depuis sept ans. Notre principe est clair, et nous n’en dévions pas: nous ne nous immiscons pas dans les affaires intérieures des autres pays et ne chargeons personne de participer à aucune opération dirigée contre le régime où elle vit. Ceci ne s’est pas produit et ne se produira pas. Tels sont nos principes et notre politique. Je leur ai dit: Jugez les deux officiers s’ils sont accusés de comploter. Pourquoi ne l’ont-ils pas fait au moment où ils se trouvaient à Qatar?”

ORGANISME DE SÉCURITÉ VIGILANT ET ACTIF
Melhem Karam: - Un groupe extrémiste a planifié l’assassinat d’un certain nombre de personnalités publiques, mais les organismes de sécurité ont découvert le plan et mis la main sur les planificateurs. La vigilance de la sécurité préventive peut-elle déjouer les tentatives de sabotage en Egypte avant leur exécution?
Président Moubarak: “L’organisme de notre sécurité est actif, fort et a une très grande expérience. Ses éléments accomplissent le meilleur travail. Les planificateurs des assassinats sont des criminels stipendiés affranchis de tout patriotisme. Ils se rendent à Londres où ils obtiennent de l’argent et vivent sans être inquiétés.”

Melhem Karam: - Croyez-vous que le rapprochement qui s’est opéré, facilite la tenue d’un sommet arabe et le climat est-il devenu plus propice à la rencontre des souverains et chefs d’Etat?
Président Moubarak: “Des raisons impérieuses doivent favoriser la tenue d’une telle réunion. Nous devons régler les différends avant le sommet, pour que ce dernier ne soit pas torpillé au cas où il venait à se tenir. Nous ne sommes pas disposés à accueillir un sommet qui exploserait de l’intérieur. Les résolutions de l’ancien sommet du Caire sont valables jusqu’à ce jour. La conférence a affirmé que la paix est un choix stratégique et nous avons approuvé les décisions à l’unanimité. Attendons quelque temps, chaque sommet requérant des causes sérieuses et un ordre du jour étudié avant d’être convoqué à siéger.”

L’ÉTAT DE PALESTINE SERA CRÉÉ TÔT OU TARD
Melhem Karam: - Comment imaginez-vous l’avenir de la Palestine; de Jérusalem, en particulier et du monde arabe, en général, à l’orée du troisième millénaire?
Président Moubarak: “L’Etat de Palestine sera créé tôt ou tard, sinon il n’y aura pas de paix dans la région. Je crains qu’à sa place il y ait des opérations terroristes et la violence partout.”

Melhem Karam: - Et qu’en est-il de la situation en Libye?
Président Moubarak: “Nous avons beaucoup tenté avec des pays européens et l’Amérique et chaque fois on nous accusait d’encourager la Libye. Nous ne pouvons forcer le colonel Kazzafi à livrer ses concitoyens. L’affaire est bloquée et doit avoir une fin.”

Melhem Karam: - Croyez-vous à ce qu’a annoncé le commandement des groupes terroristes en Afghanistan, lequel a décliné toute responsabilité dans la tuerie de Louxor qu’il a condamnée?
Président Moubarak: “Il est facile de diffuser des communiqués et il n’y a pas de dialogue avec ces terroristes. La place du criminel est au tribunal et nous refusons de dialoguer avec lui.”

RAPPROCHEMENT SYRO-IRAKIEN
Melhem Karam: - On constate un rapprochement entre Damas et Bagdad durant la dernière période. Y aurait-il un rapprochement similaire entre Bagdad et Le Caire?
Président Moubarak: “Il n’y a pas de problème avec Bagdad, sauf celui en rapport avec l’application des résolutions du Conseil de Sécurité.”

Melhem Karam: - Et qu’auriez-vous à dire du Liban?
Président Moubarak: “Nous sommes très soucieux de préserver le Liban. Quand Israël a avancé la formule “Liban, d’abord”, il visait à compromettre les relations libano-syriennes. Lorsque les Israéliens m’en ont ouvert question, je leur ai dit: Cela paraît comme si vous voulez compromettre la solidarité entre le Liban et la Syrie. Vous devez respecter les accords conclus avec les Palestiniens, pour engendrer la confiance souhaitée. Le Liban et la Syrie se prêteront, alors, à la solution ensemble, pour garantir la stabilité. Le lien doit être maintenu entre les deux pays dans leur intérêt mutuel.” 

 
 

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