• Ma relation
avec le roi Fahd est fraternelle
et nous nous concertons en permanence
• Le président Assad n’accepte
aucun compromis sur le Golan
• Des contacts sont en cours
à l’effet d’assainir le climat entre l’Egypte et le Soudan
• Le sommet de Téhéran
a réalisé du succès et je souhaite l’application de
ses résolutions
• Aucun problème ne nous
oppose à l’Administration US avec laquelle nos relations sont excellentes.
• Les coptes ne sont pas une
minorité et ils bénéficient des mêmes droits
que les musulmans.
• Arafat se porte bien et le
peuple palestinien a confiance en lui. Après Abou-Ammar, le terrorisme
sévira...
• Si l’alliance turco-israélienne
était utilisée contre la Syrie, une large brèche séparerait
la Turquie de la nation arabe.
• Les promesses de Netanyahu
ne sont jamais tenues...
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DISPOSITIF CONSIDÉRABLE APRÈS
LA TUERIE DE LOUXOR
Melhem Karam: - Croyez-vous que les dispositions prises après
l’effroyable tuerie de Louxor ont comblé toutes les brèches
et empêchent d’autres accidents similaires à l’avenir?
Président Moubarak: “Il s’agit de dispositions très
imposantes à multiples axes, visant à assurer le maximum
de sécurité. Aucun pays au monde, si puissant soit-il, ne
peut combler les brèches à cent pour cent: ni les Etats-Unis,
ni la Russie, ni la France ou tout autre Etat. Le principe consiste à
combattre le terrorisme. Si tous les Etats avaient conjugué leurs
efforts avec sincérité, nous en aurions fini avec ce fléau.
“Malheureusement, certains pays européens accordent le refuge
aux terroristes et sont devenus leur centre de ralliement.”
Melhem Karam: - L’ambassadeur de Grande-Bretagne s’est rendu depuis
quelques jours au ministère des Affaires étrangères
où il a évoqué ce sujet. A-t-il tenu des propos tranquillisants?
Président Moubarak: “L’ambassadeur britannique a rencontré
M. Amr Moussa, ministre des Affaires étrangères, mais je
ne suis rassuré que par les actes. Depuis des années, j’entends
d’eux des paroles rassurantes. Mais la question à poser est la suivante:
Est-il permis d’accorder l’asile à un meurtrier? Il ne s’agit donc
pas d’une opposition politique, ni de l’asile politique, ni de persécution.
En vérité, il s’agit de criminels ayant commis des meurtres.”
Melhem Karam: - Croyez-vous que le monde abrite le terrorisme et
se montre complaisant avec les terroristes?
Président Moubarak: “Des Etats combattent le terrorisme
et d’autres accueillent les terroristes. Pourquoi? Je l’ignore. Ils invoquent
la liberté d’expression... Quelle liberté d’expression? En
définitive, ils paieront très cher le prix de leur conduite.
Ces Etats vous parlent des droits de l’homme. De quel homme et de quels
droits? Et où sont les droits de l’innocent qu’on assassine çà
et là sans raison?
“Ces Etats ne réalisent pas jusqu’ici, paraît-il, qu’ils
ne resteront pas longtemps à l’abri des crimes de ces terroristes
et de ces tueurs.”
LONDRES, PRINCIPAL FOYER DE TERRORISME
Melhem Karam: - Comment traitez-vous avec l’état fondamentaliste
actif dans un certain nombre de camps pakistanais et afghans ayant émergé
avec violence depuis le plasticage de votre ambassade à Islamabad?
N’est-ce pas dans ces régions où réside le dangereux
foyer du fondamentalisme qui menace la stabilité égyptienne?
Président Moubarak: “Nous maintenons le contact
avec le gouvernement pakistanais qui réagit positivement. Mais ce
fait pose pour eux un problème, car l’affaire dépend de l’Afghanistan
où réside le foyer fondamentaliste, ainsi que dans les zones
frontalières au Pakistan.
“Un autre foyer consiste en la présence de certains éléments
terroristes dans des pays européens. L’un des courants du terrorisme
se trouve à Londres; il leur est permis de se déplacer librement,
de travailler à découvert, de collecter des fonds et de planifier
pour les opérations terroristes. Je ne sais pas si cela est toléré
au nom des droits de l’homme. Ce sont des criminels qui jouissent de la
sécurité à Londres.”
Melhem Karam: - Des contacts ont eu lieu entre l’Autorité,
les saboteurs établis en Egypte et ceux de l’extérieur. Quel
est votre avis à ce sujet?
Président Moubarak: “Cela n’est pas exact. Nous sommes
un Etat et ne dialoguons pas avec des criminels, mais avec des Etats. L’Etat
juge les meurtriers. Le dialogue avait été entamé
avec eux du temps de feu le président Anouar Sadate à la
fin des années 70. Il s’est poursuivi pendant des années,
à travers des personnes qui leur ont prodigué les conseils.
Nous leur avons organisé des cycles de conférences dans les
prisons, jusqu’à ce qu’il est apparu qu’il ne s’agissait pas d’une
question d’Islam. Ils se sont servis des armes, tout en étant des
agents à la solde de l’extérieur, afin de perturber la stabilité.
Ils sont très éloignés de l’Islam qui, à l’instar
des autres religions, n’incite pas à l’assassinat des innocents,
ni à l’effusion de sang. L’Islam n’engage pas au meurtre de “Shimaa”,
fille unique de ses parents. Ceux-ci avaient attendu longtemps pour avoir
un enfant, dont le meurtre a été pour eux une catastrophe;
ils vivent dans un état de frustration qu’aucun être humain
n’a connu jusqu’ici.
“L’Etat en Egypte ne dialogue pas avec des assassins ayant utilisé
des armes contre des innocents. Tout ce qui a été rapporté
à ce sujet est sans fondement.”
UN ÉTAT PALESTINIEN EST INÉLUCTABLE
Melhem Karam: Jusqu’à quel point les retraits partiels proposés
par le chef du gouvernement israélien contribuent-ils à ouvrir
une brèche dans le mur politique bouché? Ces retraits suffisent-ils
à remettre les négociations sur les rails?
Président Moubarak: “Avec tout mon respect au Premier
ministre d’Israël, la solution qu’il envisage d’adopter est éloignée
de ce qui avait fait l’objet d’un accord au temps de Yitzhak Rabin. L’idée
de restituer la terre est préférable et plus bénéfique
à la région que de s’en emparer par la force et que la situation
actuelle, parce qu’elle assure la sécurité à toutes
les parties. En définitive, un Etat palestinien doit être
créé; c’est inéluctable.”
Melhem Karam: - Avez-vous abouti à des résultats positifs
au terme de votre entrevue avec le colonel John Garang et celui-ci tient-il
toujours au système confédéral après vos entretiens?
Président Moubarak: “Je me suis entretenu avec lui autour
d’un point principal, à savoir: pas de partage du Soudan, car cela
signifierait la perpétuation du conflit. Si le partage était
réalisé, le Nord et le Sud du pays ne se calmeraient pas
et le peuple soudanais en paierait le prix.”
LE TEMPS DU LEADERSHIP MONDIAL EST RÉVOLU
Melhem Karam: - On parle d’une éventuelle visite au Caire
du président soudanais, Omar Al-Bachir. Est-ce exact?
Président Moubarak: “La nouvelle a été
publiée dans la Presse et des contacts sont effectués par
les canaux diplomatiques, en vue d’assainir le climat entre les deux pays.
“Mon cœur est ouvert à tous les problèmes du Soudan et
j’aime avoir avec ce pays des relations fraternelles, ainsi qu’une coopération
avec tous les Etats arabes et du globe. J’agis dans ce sens avec un esprit
ouvert et dans la mesure du possible. Car le temps du leadership est révolu:
le monde a changé et il s’agit, à présent, d’une question
de coopération à l’échelle planétaire. Les
Etats-Unis sont le plus grand Etat du globe: peuvent-ils diriger le monde?
Non, naturellement. Existe-t-il un Etat européen capable de mener
l’Europe?
“Il s’agit moins d’une question de leadership que de coopération,
d’entente et de dialogue entre les pays arabes, pour parvenir à
une conception unique de tous les problèmes, pour que nous puissions
œuvrer ensemble en vue de les résoudre.”
Melhem Karam: - Estimez-vous que le sommet islamique de Téhéran
a réussi?
Président Moubarak: “Il a réussi dans une large mesure
et je souhaite que ses résolutions soient mises à exécution.”
POURQUOI AVOIR BOYCOTTÉ LE SOMMET DE
TÉHÉRAN?
Melhem Karam: - Pourquoi n’y avez-vous pas pris part personnellement?
Président Moubarak: “Maintes raisons m’ont empêché
de m’y rendre et j’y ai délégué le ministre des Affaires
étrangères. Quant aux raisons, certaines peuvent être
évoquées et d’autres, pas. D’abord, il n’existe pas de relations
diplomatiques entre Le Caire et Téhéran. Cependant, dès
mon entrée en fonctions, je me suis soucié d’ouvrir une nouvelle
page avec l’Iran. Des discussions ont eu lieu à ce sujet et ils
ont dit: Nous ne traitons pas avec l’Etat de camp David. Certains jusqu’ici
ne veulent pas comprendre la vérité de camp David qui a été
un cadre général à des principes consignés
dans deux documents: l’un concerne la cause égyptienne et l’autre
la cause palestinienne. Il s’agit donc d’un document de principes ou de
titres de problèmes faisant l’objet de pourparlers; aussi, n’était-il
contraignant pour personne.
“Le document palestinien était riche en titres et en principes.
S’ils avaient utilisé dans le passé le document de camp David,
l’affaire palestinienne aurait été réglée mieux
qu’aujourd’hui. L’un des points de camp David exigeait un retrait israélien
à des positions situées en dehors de Gaza et de Cisjordanie
devant faire l’objet d’accord lors des négociations. Les Israéliens
avaient agréé ce point précis.
“Maintenant, une controverse est instituée autour de la question
du redéploiement des forces israéliennes dans une proportion
allant de 8 à 10% seulement, comme on le dit.”
LA CLARTÉ EST MON PRINCIPE DE BASE
Melhem Karam: - Monsieur le Président, considérez-vous
que l’Iran entreprend, actuellement, une action efficace pour s’ouvrir
sur le monde?
Président Moubarak: “Il tente de le faire et je sens
que le président Khatami œuvre en vue d’une ouverture sur l’univers.
Il fait montre de souplesse dans les idées qu’il avance. J’accueille
favorablement cet esprit d’ouverture, mais il reste certains problèmes
à trancher.
“Le fait pour moi d’avoir envoyé le ministre des Affaires étrangères
à Téhéran à l’effet de prendre part au sommet
islamique, était un indice clair. Mon principe de traiter avec les
Etats est la clarté, à condition que cela soit réciproque.”
Melhem Karam: - Quelle est la dimension de la participation iranienne,
éthiopienne et ougandaise dans la guerre soudanaise? Israël
s’emploie-t-il à séparer le Nord du Sud?
Président Moubarak: “Je ne dispose pas d’une preuve tangible
permettant d’affirmer qu’Israël y est impliqué. Et en même
temps, je n’aimerais pas lancer les accusations à la légère
sans les corroborer par des preuves sûres.”
Melhem Karam: - S.M. le roi Fahd Ben Abdel-Aziz, “Serviteur des deux
saintes mosquées”, a joué un grand rôle dans votre
réconciliation avec les autorités qatariotes. Puis, vous
vous êtes rendu à Ryad, ce que d’aucuns ont considéré
comme une hâte à faire escalader le conflit médiatique;
puis, une précipitation dans la réconciliation. Ces événements
n’affectent-ils pas la crédibilité du rôle et de la
politique de l’Egypte?
Président Moubarak: “La relation avec le roi Fahd est
fraternelle. Nous nous consultons en permanence et il me place, en permanence,
dans l’image de la situation. Nous n’avons pas précipité
le conflit et, d’ailleurs, nous ne l’avons pas provoqué, au départ.
Il n’y avait aucun conflit avec Qatar, hormis sur un point: la cause palestinienne.
Notre point de vue était clair, en ce sens que nous avons lié
notre présence à la conférence de Doha, au progrès
qui serait réalisé dans le processus de paix qui était
bloqué et continue à trébucher. Nous avons affirmé
que si un progrès était réalisé dans ce processus,
nous prendrions part à la conférence de Doha qui ne
posait pas de problème.
“Je suis, en principe, pour la liquidation des problèmes entre
les Arabes les uns avec les autres. Nous n’aimons pas vivre dans un climat
d’abus et de complications.”
Melhem Karam: - Quels sont les différends apparents et cachés
opposant le Caire à Washington? Et pourquoi la Presse américaine
soulève-t-elle le problème des coptes d’Egypte?
Président Moubarak: “Il n’y a pas de différend
entre nous et l’Administration américaine. Au contraire, nos relations
sont excellentes. Quant au lobby juif, c’est lui qui soulève le
problème des coptes, en s’imaginant que ceux-ci sont un jouet entre
ses mains qu’il manipule de temps à autre. Bien avant la révolution,
quand quelqu’un voulait susciter des problèmes en Egypte, il évoquait
le problème des coptes et des minorités.
“Les coptes ne sont pas une minorité en Egypte; ce sont des
ayants-droit à l’instar des musulmans. Nous ne nous immiscons pas
dans les religions et respectons la liberté de croyance. Les mêmes
milieux avaient soulevé ce problème au temps d’Abdel-Nasser
et de Sadate. De quoi s’agit-il? En réalité, il n’y a pas
de problème avec les coptes. On dit que la construction des églises
requiert un permis; c’est exact et ceci remonte à un temps éloigné
pour une seule raison: il existe une majorité musulmane, ainsi que
des extrémistes de part et d’autre. La sagesse consiste à
ne pas fournir l’occasion de provoquer les incidents. En dépit de
cela, nous n’avons aucune fois refusé l’octroi de permis pour l’édification
d’une église, sauf si cela devait fomenter des divisions entre les
musulmans et les chrétiens.
“Certains extrémistes sont poussés de l’extérieur
et ils ont intérêt à entretenir un état d’instabilité.
Etant entendu, aussi, que la construction d’une mosquée a besoin
d’un permis. J’ai approuvé beaucoup de requêtes en vue de
l’édification d’églises davantage que durant les cinquante
dernières années, car il s’agit de lieux de culte.”
Melhem Karam: - Croyez-vous que votre position envers la conférence
de Doha a eu des séquelles sur le plan de vos relations avec l’Amérique?
Président Moubarak: “Pas du tout, les relations avec
Washington étant bonnes. Notre position était claire. J’avais
précisé que je prendrai part à la conférence
de Doha, si des progrès étaient réalisés dans
le processus de paix au P.-O. Puis, j’ai rencontré l’émir
de Qatar et il n’y a eu aucun conflit entre nous. Mais il en est qui s’emploient
à brouiller les cartes entre nous.”
Melhem Karam: - Dans quelle mesure une coordination égypto-arabe
est instituée contre le terrorisme et êtes-vous satisfait
du niveau atteint par cette coordination?
Président Moubarak: “Il existe, effectivement, une coordination
entre nous et plusieurs Etats arabes dans ce domaine, car s’ils ne coopèrent
pas dans la lutte contre le terrorisme, ils en seront la victime.”
ARAFAT SE PORTE BIEN
Melhem Karam: - Quels sont vos renseignements à propos de
la santé du président Yasser Arafat, autour de laquelle bien
des rumeurs sont propagées ces derniers temps? Vous le voyez souvent;
que direz-vous de son état de santé?
Président Moubarak: “Sa santé est excellente et
il ne souffre de rien. Ceux qui propagent les rumeurs, tentent de semer
la confusion parmi les Palestiniens. Mais que tous sachent que s’il arrivait
quelque chose à Yasser Arafat, l’opération ne sera pas du
tout facile. Car tout le peuple palestinien a confiance en Arafat et sa
parole est écoutée; c’est une vérité que nous
ne devons pas ignorer. Ah! s’ils pouvaient comprendre cela, parce qu’après
Arafat, les rangs palestiniens se scinderont. Il n’est pas dans l’intérêt
de l’opération de paix de propager des rumeurs laissant croire que
l’état de santé d’Abou-Ammar laisserait à désirer.
Les Israéliens et les autres doivent comprendre cela. Qu’ils cessent
donc d’enjoliver l’image de quelqu’un pour en faire un éventuel
successeur à Arafat. Croyez-moi, ce serait une catastrophe.”
Melhem Karam: - Qu’auriez-vous à dire à propos de l’exécution
des quatre Jordaniens en Irak, pour avoir fait le trafic des pièces
de rechange de voitures?
Président Moubarak: “Tout le monde s’adonne au commerce.
Doit-on à cause de cela condamner tous les gens: les Turcs, les
Iraniens, les Irakiens, les Syriens et quiconque fait du commerce? Ce qui
s’est produit est douloureux et la situation est aujourd’hui très
tendue entre Bagdad et Amman.”
Melhem Karam: - Et qu’en est-il de la situation entre les Etats-Unis
et l’Irak?
Président Moubarak: “Les Etats-Unis sont déterminés
à découvrir les armes de destruction massive, à tout
prix.”
Melhem Karam: “L’Irak restera-t-il éloigné de la communauté
arabe ou bien y a-t-il des conditions qu’il est appelé à
remplir en vue de son intégration?
Président Moubarak: “La première condition est
qu’il respecte les résolutions du Conseil de Sécurité.
Puis, l’exécution des quatre ressortissants jordaniens a compliqué
l’affaire avec la Jordanie qui était l’ami de l’Irak.”
LE LOBBY JUIF, DIVISÉ
Melhem Karam: - Pensez-vous que Netanyahu irait jusqu’à annihiler
les acquis de Madrid et d’Oslo?
Président Moubarak: “Il a dénoncé tous
les accords et ce qu’il propose autour du redéploiement des troupes
le confirme.”
Melhem Karam: - Comment est l’état des rapports entre l’Amérique
et Netanyahu après que le président Clinton eut refusé
de recevoir le Premier ministre israélien à la Maison-Blanche?
Président Moubarak: “Je ne veux pas évoquer ce
sujet. Cependant, il est clair que la partie américaine n’est nullement
satisfaite de l’impasse dans laquelle se trouve l’opération de paix.
Je ne sais quelles sont les circonstances empêchant les USA d’entreprendre
une initiative destinée à convaincre le gouvernement de Tel-Aviv
de respecter et d’appliquer les accords précédemment conclus.”
Melhem Karam: - Sur quoi se base Netanyahu dans son refus et son
intransigeance?
Président Moubarak: “Sur le lobby juif d’Amérique,
lequel est divisé. Quoi qu’il en soit, le moment viendra où
il faudra traiter cette crise, car la paix ne sera pas instaurée,
si la situation doit persister de la même manière. Netanyahu
m’a entretenu, une fois, de la paix avec la Syrie et a soulevé certains
points dont j’ai fait état aux Syriens, lesquels n’ont pas jugé
nécessaire d’y répondre. Il s’agissait de reconsidérer
certains documents et non de les abroger. Deux jours plus tard, il a fait
une déclaration contraire, disant qu’il n’était pas disposé
à évacuer le Golan.
“Puis, les Israéliens m’ont entretenu de nouveau et je leur
ai dit: “Il n’y a pas de solution avec la Syrie, sans qu’elle ait l’assurance
que vous êtes parvenus à un règlement équitable
avec les Palestiniens. Je leur ai dit, également, que la formule
“Liban, d’abord”, vise à frapper ensuite la Syrie. Cela est rejeté.
Donnez la confiance aux Palestiniens, d’abord. Le Liban veut un règlement
du conflit régional; de même que la Syrie.”
ISRAËL DOIT TRANCHER D’ABORD SON CONFLIT
AVEC LES PALESTINIENS
Melhem Karam: - Les négociations peuvent-elles réussir
entre les Palestiniens et les Israéliens? Et cela suffira-t-il ou
bien faudra-t-il les généraliser au plan arabe?
Président Moubarak: “En tout premier lieu, Israël
doit régler son conflit avec les Palestiniens, ce qui encouragera
les Libanais et les Syriens. Puis, le règlement de l’affaire palestinienne
dissipera la tension entre les Arabes et les Israéliens.
“Les données soumises par le gouvernement israélien actuel
diffèrent de celles qui émanaient du Cabinet de Tel-Aviv
du temps de Rabin. J’ignore à quoi pense Netanyahu. La création
d’un Etat palestinien ne peut constituer une menace à l’Etat hébreu.
On ne peut dresser une clôture entre eux. Il y aurait entre eux une
coopération, y compris la lutte contre la violence et le terrorisme.”
Melhem Karam: Cela est-il possible à votre avis?
Président Moubarak: “De la façon dont je vois
les choses, cela paraît difficile pour le moment.”
MARCHÉS ARABE ET ISLAMIQUE
Melhem Karam: - Vous étiez enthousiaste pour le Marché
commun arabe et au sommet de Théréran il a été
question d’un marché islamique: les deux marchés peuvent-ils
se porter préjudice?
Président Moubarak: “Pas du tout. Nous pouvons commencer
par le marché arabe et il n’est pas nécessaire que tous les
Etats arabes en fassent partie, mais ceux d’entre eux dont les circonstances
sont similaires. Si un marché islamique devait être créé,
par la suite, il pourrait coordonner ses activités avec le marché
arabe.
“Quoi qu’il en soit, je crois que la création d’un marché
arabe est plus facile que le marché islamique, en raison de l’éloignement
des distances et de la diversité de la situation politico-économique
entre les pays islamiques.
“Mais ce qui est plus important, c’est le rassemblement économique
arabe, pareil à ceux d’Europe, d’Amérique et d’Asie. Malheureusement,
nous n’avons pas encore réalisé la gravité du non-rassemblement
arabe, car à longue échéance, les pertes seront considérables.
“Nous resterons uniquement un marché de consommation et n’aurons
pas d’emplois à offrir à notre main-d’œuvre, parce que notre
région manquera d’usines et d’autres entreprises créatrices
d’emplois. Nous serons submergés par les marchandises importées
de l’extérieur. Que ferons-nous, alors, de la main-d’œuvre dans
le monde arabe, que ce soit au Liban, en Syrie, en Egypte et ailleurs?”
Melhem Karam: - Pourquoi Israël refuse-t-il de procéder
à un recensement des Palestiniens vivant à Jérusalem?
Président Moubarak: “Pour ne pas leur donner le droit
de revendiquer la Ville sainte.”
LA SITUATION EN ALGÉRIE
Melhem Karam: - Comment jugez-vous la situation en Algérie?
Président Moubarak: “Ce qui s’y passe m’endolorit le
cœur. Je crois que le gouvernement algérien est en mesure de faire
face à la situation. Quant à ceux qui entreprennent les opérations
terroristes et les tueries, ils représentent un phénomène
intrus qui n’existait pas auparavant dans ce pays.
“Je pense que toute immixtion ou médiation étrangère
visant à régler le conflit, se retournera, négativement,
contre l’Algérie. Le gouvernement d’Alger peut régler ses
problèmes et nul ne doit intervenir pour mondialiser le conflit,
car cela le rendrait plus complexe.”
Melhem Karam: - Pourrait-il y avoir un retrait israélien du
Golan?
Président Moubarak: “Pas de solution avec la Syrie avant
qu’elle soit assurée qu’Israël évacuera le Golan. Ceci
pourra se réaliser s’il existe en Israël un gouvernement souple
désireux d’instaurer la paix. Il s’agit d’une position ferme du
président Hafez Assad à propos de laquelle il n’accepte aucun
compromis et sur laquelle il ne peut transiger.”
Melhem Karam: - Stanley Fisher, président du Fonds international,
a déclaré que le programme de la réforme économique
en Egypte évoluait lentement; que les investissements continuaient
à y affluer, sans être affectés par la tuerie de Louxor.
Que reste-t-il à exécuter du programme de réforme
et quel est le volume des investissements actuels et futurs?
Président Moubarak: “Nous persévérons dans
l’opération de la réforme. Le tourisme a été
affecté dans une grande mesure par le massacre de Louxor et je crois
que cela prendra quelque temps. Cependant, l’économie ne compte
pas uniquement sur le tourisme; elle a d’autres ressources. Le tourisme
n’a pas affecté notre économie comme l’imaginent les extrémistes.
Les investissements se poursuivent. Mais les propriétaires d’hôtels
et ceux qui y travaillent ont pâti de la régression du mouvement
touristique. Les extrémistes causent du tort aux gens, mais la vitalité
reviendra à ce secteur, s’il plaît à Dieu. Quand j’étais
à Louxor, j’ai vu une grande délégation américaine
formée de près de trois-cents touristes; d’autres groupes
sont attendus et nous avons pris des mesures sécuritaires strictes
et intensives.”
TOURISME UNIVERSITAIRE ET FAMILIAL
Melhem Karam: - Le gouvernement égyptien a-t-il pris des
dispositions exceptionnelles pour dédommager les habitants de Louxor
et les sites environnants dont le tourisme constitue la principale ressource?
Président Moubarak: “Le gouvernement a fait le nécessaire.
Puis, nous avons promu le tourisme universitaire, scolaire et familial.
Nous avons prolongé le congé de la fête à l’effet
de renforcer le tourisme intérieur et de permettre au citoyen égyptien
de connaître son pays.”
Melhem Karam: - Quelles ont été les répercussions
du mot que le président Hafez Assad a prononcé au sommet
de Téhéran au nom des pays arabes? Sa prise de position contre
l’alliance militaire turco-israélienne a-t-elle provoqué
le retrait de la salle du président Suleiman Demirel?
Président Moubarak: “La question est délicate.
J’en ai discuté avec le chef de l’Etat turc quand il m’a rendu visite
en Egypte. Je lui ai dit que ses propos relatifs à l’alliance avec
Israël ne sont pas clairs pour les Arabes. Les gens craignent que
cette alliance soit utilisée contre la Syrie ou tout autre pays
arabe et là réside sa gravité. Si cela venait à
se produire, elle provoquerait une large brèche dans les rapports
entre la nation arabe et la Turquie.”
Melhem Karam: - Comment concevez-vous l’avenir de l’opération
de paix après l’an 2.000 et le changement du pouvoir en Israël?
Président Moubarak: “Je ne peux prévoir ce que
sera la situation dans cette étape. Si elle se poursuit de la même
manière, Dieu seul peut connaître ce qu’il en sera à
l’avenir.”
JE SOUHAITE QUE NETANYAHU SE MONTRE SOUPLE
Melhem Karam: - Pensez-vous que le processus de paix restera bloqué
tant que Netanyahu sera au pouvoir?
Président Moubarak: “Je souhaite que Netanyahu fasse
montre de souplesse dans l’intérêt de la sécurité
d’Israël et de la région. Et ce, en favorisant l’opération
de paix, tout en restituant leurs droits et leurs terres aux Palestiniens.
De cette façon, toutes les parties conjugueront leurs efforts pour
combattre les terroristes, qu’ils soient israéliens ou palestiniens.“
Melhem Karam: - Netanyahu ne vous a-t-il pas demandé d’entreprendre
une initiative pour le sauver?
Président Moubarak: “Je me suis entretenu maintes fois
avec lui et il m’a donné beaucoup de promesses sans tenir aucune
d’elles. Je donnais des conseils à Rabin qui avait une grande expérience
et j’ai échangé les vues avec Netanyahu sans obtenir de lui
aucun résultat.”
Melhem Karam: - Le sommet tripartite qui vous a réuni à
Ryad avec le “Serviteur des deux saintes mosquées” a-t-il normalisé,
définitivement, vos relations avec Qatar?
Président Moubarak: “Aucun conflit ne nous oppose à
Qatar. Quand j’ai rencontré l’émir, notre entretien n’a pas
duré plus de vingt minutes. Cependant, nous craignons ceux qui œuvrent
dans le noir. Ils ont accusé des éléments égyptiens
d’avoir trempé dans un complot, en faisant allusion à deux
officiers égyptiens en retraite travaillant dans l’émirat
depuis sept ans. Notre principe est clair, et nous n’en dévions
pas: nous ne nous immiscons pas dans les affaires intérieures des
autres pays et ne chargeons personne de participer à aucune opération
dirigée contre le régime où elle vit. Ceci ne s’est
pas produit et ne se produira pas. Tels sont nos principes et notre politique.
Je leur ai dit: Jugez les deux officiers s’ils sont accusés de comploter.
Pourquoi ne l’ont-ils pas fait au moment où ils se trouvaient à
Qatar?”
ORGANISME DE SÉCURITÉ VIGILANT
ET ACTIF
Melhem Karam: - Un groupe extrémiste a planifié l’assassinat
d’un certain nombre de personnalités publiques, mais les organismes
de sécurité ont découvert le plan et mis la main sur
les planificateurs. La vigilance de la sécurité préventive
peut-elle déjouer les tentatives de sabotage en Egypte avant leur
exécution?
Président Moubarak: “L’organisme de notre sécurité
est actif, fort et a une très grande expérience. Ses éléments
accomplissent le meilleur travail. Les planificateurs des assassinats sont
des criminels stipendiés affranchis de tout patriotisme. Ils se
rendent à Londres où ils obtiennent de l’argent et vivent
sans être inquiétés.”
Melhem Karam: - Croyez-vous que le rapprochement qui s’est opéré,
facilite la tenue d’un sommet arabe et le climat est-il devenu plus propice
à la rencontre des souverains et chefs d’Etat?
Président Moubarak: “Des raisons impérieuses doivent
favoriser la tenue d’une telle réunion. Nous devons régler
les différends avant le sommet, pour que ce dernier ne soit pas
torpillé au cas où il venait à se tenir. Nous ne sommes
pas disposés à accueillir un sommet qui exploserait de l’intérieur.
Les résolutions de l’ancien sommet du Caire sont valables jusqu’à
ce jour. La conférence a affirmé que la paix est un choix
stratégique et nous avons approuvé les décisions à
l’unanimité. Attendons quelque temps, chaque sommet requérant
des causes sérieuses et un ordre du jour étudié avant
d’être convoqué à siéger.”
L’ÉTAT DE PALESTINE SERA CRÉÉ
TÔT OU TARD
Melhem Karam: - Comment imaginez-vous l’avenir de la Palestine;
de Jérusalem, en particulier et du monde arabe, en général,
à l’orée du troisième millénaire?
Président Moubarak: “L’Etat de Palestine sera créé
tôt ou tard, sinon il n’y aura pas de paix dans la région.
Je crains qu’à sa place il y ait des opérations terroristes
et la violence partout.”
Melhem Karam: - Et qu’en est-il de la situation en Libye?
Président Moubarak: “Nous avons beaucoup tenté
avec des pays européens et l’Amérique et chaque fois on nous
accusait d’encourager la Libye. Nous ne pouvons forcer le colonel Kazzafi
à livrer ses concitoyens. L’affaire est bloquée et doit avoir
une fin.”
Melhem Karam: - Croyez-vous à ce qu’a annoncé le commandement
des groupes terroristes en Afghanistan, lequel a décliné
toute responsabilité dans la tuerie de Louxor qu’il a condamnée?
Président Moubarak: “Il est facile de diffuser des communiqués
et il n’y a pas de dialogue avec ces terroristes. La place du criminel
est au tribunal et nous refusons de dialoguer avec lui.”
RAPPROCHEMENT SYRO-IRAKIEN
Melhem Karam: - On constate un rapprochement entre Damas et Bagdad
durant la dernière période. Y aurait-il un rapprochement
similaire entre Bagdad et Le Caire?
Président Moubarak: “Il n’y a pas de problème
avec Bagdad, sauf celui en rapport avec l’application des résolutions
du Conseil de Sécurité.”
Melhem Karam: - Et qu’auriez-vous à dire du Liban?
Président Moubarak: “Nous sommes très soucieux
de préserver le Liban. Quand Israël a avancé la formule
“Liban, d’abord”, il visait à compromettre les relations libano-syriennes.
Lorsque les Israéliens m’en ont ouvert question, je leur ai dit:
Cela paraît comme si vous voulez compromettre la solidarité
entre le Liban et la Syrie. Vous devez respecter les accords conclus avec
les Palestiniens, pour engendrer la confiance souhaitée. Le Liban
et la Syrie se prêteront, alors, à la solution ensemble, pour
garantir la stabilité. Le lien doit être maintenu entre les
deux pays dans leur intérêt mutuel.” |