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FAUTE D’INTERLOCUTEUR |
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Dans
le climat délétère qui nous empoisonne, il n’est pas
toujours opportun de soulever les lièvres”, dit le dicton. Et de
dénoncer les effets corrupteurs et les espiègleries d’une
classe politique qui se dit sans vergogne, incorruptible et invulnérable,
experte dans l’art de pratiquer le pire, alors qu’à l’école
des vertus républicaines et de la morale, elle devrait se conformer.
Les Libanais déconcertés, manifestent par tous les moyens leurs doléances et leur révolte, partout où vivent des milliers de chômeurs, de démunis et de déplacés. Il n’y en a pas moins dans les écoles et les universités où, étudiants et enseignants, se partagent la hargne, contre leurs gouvernants. Soucieux de leur avenir, ils opteront incontestablement pour une nouvelle démocratie à leur mesure, différente de la contrefaçon qui leur est imposée. Il est naturel et même urgent que les tenants du pouvoir prennent conscience de cette réalité nationale. D’aucuns nous disent: “Assez faire profession d’apocalypse! Quel est le pays au monde qui est aujourd’hui en meilleure posture?” A tous ces discoureurs, une réponse simple, mais combien éloquente s’impose: “Quelle a été durant cette dernière décennie, la politique constructive suivie par le gouvernement en place à l’égard des exclus, des laissés-pour-compte, des statuts sociaux, des entreprises en difficulté, pour ne citer que ces cas? Quelle a été la politique économique et financière face au marasme économico-social sans précédent, face à un pouvoir d’achat bien inférieur à celui des pays du tiers-monde? Les Libanais, en l’absence d’un Etat interlocuteur et régulateur, ne peuvent plus supporter les séquelles et querelles de l’Etatisme et de l’affairisme conjugués à la fois. Un système politique tel que le nôtre, dont la liberté
est le principe, se renie lui-même s’il la refuse à ceux qui
le critiquent pacifiquement et légalement. Il n’en a pas moins,
pour première obligation de la protéger contre ses sempiternels
ennemis. Voilà le cas de conscience dans lequel devraient se battre
au quotidien les leaders d’une authentique démocratie! Nous les
voyons tous pris dans un dilemme: étouffer la liberté de
leurs adversaires politiques, advienne que pourra, alors que la démocratie
implique de se frayer un chemin entre les deux. Car, la liberté
est indivisible et si dans l’ordre politique, elle ne doit être marchandée
à personne, elle se trouve du même coup exposée aux
intrigues de ceux qui la haïssent. Toute la question est de savoir
si, pour la sauver, il existe un autre recours que la démocratie.
Nous croyons aux institutions, à la force des lois, pour contrôler
le pouvoir politique. Nous sommes persuadés que le meilleur moyen
pour règler l’horloge au Liban est de limiter le pouvoir par le
pouvoir, de multiplier les pôles de contrôle en veillant à
éviter toute collusion entre eux, comme c’est le cas. Ce ne sera
pas une mince affaire que d’arriver à l’âge institutionnel,
l’important serait de prendre au sérieux la démocratie. Pour
qu’une telle démarche soit possible, il sera nécessaire que
les Libanais soient capables de penser le Liban de demain comme un lieu
commun et ne pas regarder ailleurs, de comprendre une fois pour toutes
la règle du jeu du Liban nouveau, en luttant pour lui et non contre
lui, de sauver ce qui peut et ce qui doit l’être de l’idée
de liberté dont il a fait depuis des lustres son apanage et sa fierté.
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![]() “Comprendre les règles du jeu de ce Liban nouveau, c’est être en mesure non de lutter contre lui, mais de sauver ce qui peut et doit l’être de l’idée de liberté”. (Générations 2000)
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