EXCLUSION DE LA TURQUIE... EDIFICATION
DE L’EUROPE ET INSINUATION ANGLOSAXONNE
LE SOMMET DE LUXEMBOURG A CRÉÉ UN ÉVÉNEMENT
HISTORIQUE EN TOURNANT LA PAGE DE YALTA
Massoud Yelmaz,
Premier ministre turc, qui s’était enhardi et a décidé
d’engager une bataille avec l’Union européenne en comptant sur son
amitié avec les Etats-Unis, a entendu dernièrement du président
Clinton, au cours de sa visite à Washington, les mêmes paroles
qui l’ont ramené à la raison et à sa dimension.
Après avoir menacé de retirer la candidature de la Turquie
à l’Union européenne, si cette candidature ne figurait pas
sur la liste des Etats envers lesquels l’Union adopterait une position
favorable, son ardeur s’est refroidie et il a commencé à
faire d’autres calculs.
Par ses nouveaux comportements, la Turquie paraît devoir engager
des batailles sur tous les fronts: elle affronte la Syrie, s’allie à
Israël, participe au sommet islamique de Téhéran pour
intervenir d’une manière suspecte, en entraver les travaux et se
retirer avant la fin du congrès. Toutes les accusations qui lui
sont collées ne sont pas déplacées et produisent un
écho. C’est pourquoi, nul ne s’est étonné de la voir
exclue du Marché commun européen. Lorsque les Quinze ont
considéré que la candidature de la Turquie à l’U.E.
ne remplissait pas les conditions économiques et politiques requises,
ils s’exprimaient au nom du monde.
Quand la Turquie a annoncé qu’elle arrêtait le dialogue
politique avec Bruxelles, elle faisait de la provocation et du sabotage,
après l’accord intervenu entre les quinze leaders au sommet de Luxembourg,
sur les règles et les conditions conformément auxquelles
seront acceptées les demandes de candidature présentées
par onze Etats pour faire partie de l’Union européenne, dont les
travaux commenceront, officiellement, le 30 mars prochain.
La Turquie a été éloignée, provisoirement,
du processus d’élargissement de l’unité européenne,
parce qu’elle ne répondait pas à ces conditions. Le Premier
ministre turc, Massoud Yelmaz a déclaré: “Pas de dialogue
politique entre la Turquie et l’Union européenne avant de savoir
si Ankara a retiré la demande d’adhésion à l’U.E.
présentée en 1987.”
Les leaders réunis à Luxembourg étaient enclins
à élargir à vingt-six le nombre des Etats membres
de l’U.E. Cela signifie que toutes les candidatures présentées,
sauf celle de la Turquie, ont été agréées,
celle-ci n’ayant pas rempli les conditions politiques et économiques
requises.
Le chancelier allemand, Helmut Kohl, a émis cette réflexion:
“Tout ce qui s’est produit confirme la justesse et le réalisme de
la vision futuriste, l’élargissement de l’Union devant être
proclamé le 30 mars prochain.”
Comme prévu, les onze candidats seront répartis en deux
groupes: dans le premier figureront la Pologne, la Hongrie, la République
tchèque, la Slovénie, l’Estonie et Chypre. Ceux-ci négocieront
leur affiliation à partir du mois d’avril et seront admis, à
condition de prouver qu’ils en sont dignes.
Le second groupe comprendra la Roumanie, la Bulgarie, la Slovaquie,
la Lituanie et Litvia. Ces derniers négocieront leur partenariat,
comme prélude à leur adhésion définitive. Entre-temps,
ils recevront une assistance financière.
Comme l’a dit un haut fonctionnaire en vue: “La salle d’attente disposera
du conditionnement de l’air. Ainsi, l’élargissement considéré
comme une nécessité et une chance historique pour l’Europe
au sommet de Madrid en décembre 1995, est devenu un fait palpable
à Luxembourg. Le chancelier Kohl a, également, dit: “L’élargissement
du cadre de l’Union européenne est un cadeau à l’Allemagne.”
Quant à la Turquie, elle a reçu
un châtiment qu’elle mérite, parce qu’elle ne s’est comportée
que par dépit et pour causer du tort aux Arabes. Et, aussi, afin
de torpiller tous les plans visant à consacrer leur souveraineté,
ce qui semble gêner Ankara. L’Europe élargie allant de l’Atlantique
à l’Oural, rappelle l’avertissement lancé depuis près
d’un quart de siècle par le général de Gaulle: “L’Europe
doit être européenne ou ne pas être.”
Dans son dernier ouvrage intitulé: “Ainsi était de Gaulle”,
Alain Peyrefitte relate cette vision futuriste du général
de Gaulle, premier président de la Vème République
française quand il a dit: “Je dois réprimander les Allemands.
Je suis avec l’Europe et non avec la protection américaine de l’Europe.
Le sujet part, avec franchise, de l’entente franco-allemande et si celle-ci
réussit, l’Europe existera, mais cela ne peut être sous des
formes technocratiques ou parlementaires. Les technocrates et les députés
créent un forum pour la parole et les discours. Ainsi, ils voient
l’Europe. Je signifie par là Spaak, Monnet et Maurice Faure. Ceci
n’est pas une politique européenne, mais des illusions face auxquelles
les Européens capituleront, en appelant les Américains, en
vérité, à élaborer la politique de l’Europe.”
Aujourd’hui, une anxiété émerge autour de la dimension
politique des Américains, davantage que de se concentrer sur le
manque de vision et d’initiative des quinze dirigeants des Etats et des
gouvernements qui se sont réunis à Luxembourg. Les observateurs
disent que l’ouverture de l’Europe sur l’Est méritait plus d’éclat.
Puis, les Français se demandent: “La marginalisation de ce sommet
rare et historique part-elle de la volonté de dresser sur elle un
mur de silence de la part de la partie américaine?” C’est que les
Quinze ont créé un fait historique: ils ont tourné
la page de Yalta et placé devant eux un objectif, à savoir:
assurer plus de production réussie après avoir fait évoluer
les institutions.
Nous devons réaliser dans sa
réalité, la réaction manifestée par le président
Jacques Chirac et son entente totale autour de l’Europe avec son Premier
ministre, Lionel Jospin. “Ainsi, l’idée de l’élargissement
paraît acceptable: ou bien nous poursuivons l’édification
par étapes, partant des quinze; puis, des vingt et des vingt-cinq
membres; c’est ce qui se produit aujourd’hui. Ou bien nous édifions
une Europe véritable à partir de zones fortes, en la plaçant
au niveau de nos chaînes et de nos ondes. Ou une Europe d’inspiration
anglo-saxonne avec des partenaires de l’Est rassemblés sous forme
de cercle. Ou encore, l’édification d’un bloc autour du rassemblement
s’étendant d’Ukraine, à la Russie et à la Turquie.”
C’est pourquoi, toutes les parties concernées sont appelées
à faire connaître leur conception de l’Europe futuriste, à
condition de prendre en considération qu’ils sont dans l’horizon
de l’an 2050, le grand gagnant de l’exclusion de la Turquie étant,
naturellement, la Grèce qui refuse de faciliter son retour historique
dans la famille européenne. Elle ne lèvera pas le veto, sauf
si des mentions voyantes figurent dans le texte définitif, les plus
importantes étant le respect des droits des minorités et
le règlement des conflits à travers la Cour internationale
de Justice à La Haye. |
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