AU COURS DU DÉBAT SUR LE PROJET DE BUDGET 98
LE GOUVERNEMENT MIS SUR LA SELLETTE PAR LES DÉPUTÉS TANT LOYALISTES QU'OPPOSANTS

 Cette semaine a été particulièrement dure pour le Cabinet Hariri. En effet, malgré le climat relativement calme ayant marqué les séances parlementaires consacrées à l’examen du projet de budget 98 les députés, tant loyalistes qu’opposants, n’ont pas manqué de critiquer la politique financière du gouvernement “ayant conduit le pays à la situation si peu enviable dans laquelle il se débat.”

Il est apparu, en fait que “tout ne va pas pour le mieux”, comme ne cessait de le ressasser le président Hariri, d’autant que les “promesses du printemps” se sont rapidement volatilisées, laissant les citoyens avec leurs problèmes restés sans solution.
Il y a lieu de signaler que le débat sur la loi de finances avait été précédé d’un sommet libano-syrien et de rencontres à Damas entre le Premier ministre, son homologue syrien, le vice-président Khaddam et d’autres responsables damascènes. Ces derniers ont, sans nul doute, contribué à rasséréner l’atmosphère au sein de la Chambre des députés, où le président Nabih Berri n’a à aucun moment caché son hostilité à “l’annexe 9” du projet de budget, prévoyant le relèvement de certaines taxes, dont celle de la mécanique sur les voitures.
Selon certaines sources fiables, le président Hraoui aurait fait part à son homologue syrien, lors de leur rencontre sur les bords du Barada, de son insatisfaction quant à la manière dont est gérée la chose publique et, surtout, de la persistance de la crise socio-économique, rendue encore plus inquiétante par le grand déficit budgétaire.
Il aurait même été question de procéder à un changement ministériel, par la formation d’un Cabinet de transition, chargé d’expédier les affaires courantes au cours des quelques mois précédant l’élection présidentielle, dont M. Hariri ne serait pas, forcément, le chef.

PAS DE CHANGEMENT MINISTÉRIEL
Cependant, celui-ci a infirmé les rumeurs relatives à un changement ministériel, au cours de l’iftar qu’il a offert lundi en l’honneur des notabilités békaaiotes. “Pourquoi opérer un tel changement à l’approche de l’échéance présidentielle?”, s’est-il demandé.
Malgré cela, les députés qui sont intervenus dans le débat sur le budget n’ont pas ménagé le Premier ministre - souvent en son absence - bien que M. Sanioura, ministre d’Etat pour les Affaires financières, eut proposé au début du débat, d’introduire de nouveaux éléments à la loi de finances, dans le but d’apaiser les opposants.
Le même ministre a mis l’accent sur “la nécessité pour l’Assemblée et le gouvernement de coopérer sans aucune réserve dans l’intérêt national.”
Quant au président de la commission parlementaire des Finances, Khalil Hraoui, il a insisté dans son rapport sur l’accroissement des recettes, par le renforcement de la perception des impôts et taxes et l’adoption de la “carte fiscale”. De même, il a préconisé la révision de la loi relative à l’impôt sur le revenu, de façon à modifier la proportion du prélèvement sur cet impôt et son extension au produit des taux d’intérêt...

HOSS: LE DÉFICIT BUDGÉTAIRE À L’ORIGINE DE LA CRISE
Premier à prendre la parole, le président Salim Hoss a soutenu que le déficit budgétaire est la cause de la crise économique. Aussi, s’est-il prononcé en faveur de la réduction de ce déficit à titre prioritaire.
De même, il a blâmé le gouvernement d’avoir tardé à prendre conscience de la gravité de ce déficit et insisté sur la réforme administrative “qui exige un réformateur modèle et une Autorité inspirant confiance, jouissant de la crédibilité dans ce domaine.”
M. Hoss a, en conséquence, mis en garde contre “la négligence d’un tel état de choses, dont la persistance aura pour conséquence d’élargir encore la brèche entre les riches et les pauvres.” A cet effet, il a pressé le gouvernement de reconsidérer sa politique fiscale, de ne plus multiplier les impôts indirects, jugeant abusives les taxes prévues dans “l’annexe 9”, même après leur réduction par la commission parlementaire des Finances et du Budget.
De son côté, M. Issam Farès, député de Akkar, constate que le projet de budget ne traduit nullement la politique d’austérité que le Cabinet prétend instaurer pour combler le déficit, le chiffre global des dépenses étant supérieur à celui de l’année précédente.
Mme Nayla Mouawad, député de Zghorta, annonce qu’elle votera contre le budget et aurait voulu retirer sa confiance au gouvernement, tout en sachant que cela aura pour conséquence de renflouer le Cabinet.
Et de conclure: “Le ralentissement du développement économique par rapport à l’accroissement démographique, se traduira par la baisse de la moyenne du revenu pour les citoyens dont la pauvreté ne cesse de croître.”

TOK POUR LA CONVERSION DE L’OR
Quant à M. Gebrane Tok, député de Bécharré, qui a parlé au nom du “bloc pour le développement et le changement”, il propose d’user de l’or dont dispose la BDL, pour en tirer profit modérément et faire face au déficit budgétaire. “Si nous avions agi dans ce sens, soutient-il, la conversion de l’or aurait valu au Trésor des rentrées de l’ordre de 4 milliards de dollars et il aurait été possible de doubler ce chiffre en l’espace de dix ans, à travers les intérêts provenant des bons du Trésor.”
M. Sami Khatib critique l’émission de bons du Trésor en devises selon la formule du “zéro coupon”. De même, il critique la troïka “pour avoir élaboré un plan de réforme, transgressant ainsi la Constitution”, avant de se demander: “Le citoyen qui vit dans des conditions dramatiques, peut-il se serrer davantage la ceinture?”
“Les gens veulent améliorer leur standing de vie avant l’agrandissement de l’aéroport; assurer leurs frais d’hospitalisation avant la Cité sportive et le palais des congrès”. Au nom du bloc parlementaire démocratique, il demande à l’Etat de rendre justice aux retraités et de transformer le CDR en ministère du Plan.
“La confiance ne sera pas accordée au Pouvoir, conclut-il, tant qu’on ne rétablira pas l’Etat des institutions”. Enfin, il émet des réserves par rapport au projet de budget.
M. Talal Méraabi, député de Akkar, interroge le gouvernement sur les raisons ayant empêché la réactivation des organismes de contrôle, ainsi que le regroupement de certains départements ministériels et conseils. Il insiste sur la compression des dépenses improductives et exprime ses craintes de ce que “le coût de la dette publique engloutira, prochainement, toutes les réserves de l’Etat”.
M. Ammar Moussawi, député du “Hezbollah”, évalue le déficit budgétaire à 59% et tire la sonnette d’alarme, disant que la situation actuelle ne peut plus se perpétuer...

KHATIB: DEMANDE EN INVALIDATION DU BUDGET?
L’intervention la plus violente a été, sans conteste, celle de M. Zaher el-Khatib qui a disséqué, littéralement, la loi de finances, chiffres à l’appui, tout en étayant ses dires par des études d’experts économistes et financiers, avant de s’écrier, à l’adresse du gouvernement (dont le chef, M. Hariri était absent): “Le peuple appelle la malédiction de Dieu sur une telle équipe ministérielle dont la politique inconséquente ne fait que l’appauvrir chaque jour davantage.”
Enfin, il annonce qu’il présenterait une demande en invalidation du projet de budget 98 au Conseil constitutionnel, s’il venait à être ratifié par la Chambre.
De son côté, M. Emile Naufal, député de Jbeil, concentre ses critiques sur l’audiovisuel, disant que “le président du Conseil a brisé le miroir, dès que les émissions télévisées, captées dans les pays du proche et lointain voisinages, donnaient une image défavorable du gouvernement”...

SIT-IN PLACE DE L’ÉTOILE
Fait à signaler: les deux CGTL - celles reconnue par le gouvernement et “l’indépendante”, ont décidé d’observer un sit-in, place de l’Etoile, mercredi et jeudi, en signe de protestation contre les nouveaux impôts et taxes prévus par “l’annexe 9”.
Bref, la loi de finances a fourni aux opposants plus d’un sujet leur ayant permis de prendre à partie l’équipe haririenne et de dénoncer sa mauvaise gestion de la chose publique, autant que ses violations répétées de la Constitution et des lois ou règlements en vigueur. En ce qui concerne, notamment, les adjudications publiques organisées pour les petits projets, les grands travaux étant adjugés de gré à gré, alors que le Sérail paraît avoir renoncé au système du BOT, ce dernier ne surchargeant nullement le Trésor et empêchant les abus...
Pour toutes ces raisons, les observateurs s’attendent à ce que le projet de budget soit approuvé à une faible majorité, ce qui n’est nullement dans l’intérêt du gouvernement...

NADIM EL-HACHEM


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