Il est apparu, en fait que “tout ne va pas pour le mieux”, comme ne
cessait de le ressasser le président Hariri, d’autant que les “promesses
du printemps” se sont rapidement volatilisées, laissant les citoyens
avec leurs problèmes restés sans solution.
Il y a lieu de signaler que le débat sur la loi de finances
avait été précédé d’un sommet libano-syrien
et de rencontres à Damas entre le Premier ministre, son homologue
syrien, le vice-président Khaddam et d’autres responsables damascènes.
Ces derniers ont, sans nul doute, contribué à rasséréner
l’atmosphère au sein de la Chambre des députés, où
le président Nabih Berri n’a à aucun moment caché
son hostilité à “l’annexe 9” du projet de budget, prévoyant
le relèvement de certaines taxes, dont celle de la mécanique
sur les voitures.
Selon certaines sources fiables, le président Hraoui aurait
fait part à son homologue syrien, lors de leur rencontre sur les
bords du Barada, de son insatisfaction quant à la manière
dont est gérée la chose publique et, surtout, de la persistance
de la crise socio-économique, rendue encore plus inquiétante
par le grand déficit budgétaire.
Il aurait même été question de procéder
à un changement ministériel, par la formation d’un Cabinet
de transition, chargé d’expédier les affaires courantes au
cours des quelques mois précédant l’élection présidentielle,
dont M. Hariri ne serait pas, forcément, le chef.
PAS DE CHANGEMENT MINISTÉRIEL
Cependant, celui-ci a infirmé les rumeurs relatives à
un changement ministériel, au cours de l’iftar qu’il a offert lundi
en l’honneur des notabilités békaaiotes. “Pourquoi opérer
un tel changement à l’approche de l’échéance présidentielle?”,
s’est-il demandé.
Malgré cela, les députés qui sont intervenus dans
le débat sur le budget n’ont pas ménagé le Premier
ministre - souvent en son absence - bien que M. Sanioura, ministre d’Etat
pour les Affaires financières, eut proposé au début
du débat, d’introduire de nouveaux éléments à
la loi de finances, dans le but d’apaiser les opposants.
Le même ministre a mis l’accent sur “la nécessité
pour l’Assemblée et le gouvernement de coopérer sans aucune
réserve dans l’intérêt national.”
Quant au président de la commission parlementaire des Finances,
Khalil Hraoui, il a insisté dans son rapport sur l’accroissement
des recettes, par le renforcement de la perception des impôts et
taxes et l’adoption de la “carte fiscale”. De même, il a préconisé
la révision de la loi relative à l’impôt sur le revenu,
de façon à modifier la proportion du prélèvement
sur cet impôt et son extension au produit des taux d’intérêt...
HOSS: LE DÉFICIT BUDGÉTAIRE À
L’ORIGINE DE LA CRISE
Premier à prendre la parole, le président Salim Hoss
a soutenu que le déficit budgétaire est la cause de la crise
économique. Aussi, s’est-il prononcé en faveur de la réduction
de ce déficit à titre prioritaire.
De même, il a blâmé le gouvernement d’avoir tardé
à prendre conscience de la gravité de ce déficit et
insisté sur la réforme administrative “qui exige un réformateur
modèle et une Autorité inspirant confiance, jouissant de
la crédibilité dans ce domaine.”
M. Hoss a, en conséquence, mis en garde contre “la négligence
d’un tel état de choses, dont la persistance aura pour conséquence
d’élargir encore la brèche entre les riches et les pauvres.”
A cet effet, il a pressé le gouvernement de reconsidérer
sa politique fiscale, de ne plus multiplier les impôts indirects,
jugeant abusives les taxes prévues dans “l’annexe 9”, même
après leur réduction par la commission parlementaire des
Finances et du Budget.
De son côté, M. Issam Farès, député
de Akkar, constate que le projet de budget ne traduit nullement la politique
d’austérité que le Cabinet prétend instaurer pour
combler le déficit, le chiffre global des dépenses étant
supérieur à celui de l’année précédente.
Mme Nayla Mouawad, député de Zghorta, annonce qu’elle
votera contre le budget et aurait voulu retirer sa confiance au gouvernement,
tout en sachant que cela aura pour conséquence de renflouer le Cabinet.
Et de conclure: “Le ralentissement du développement économique
par rapport à l’accroissement démographique, se traduira
par la baisse de la moyenne du revenu pour les citoyens dont la pauvreté
ne cesse de croître.”
TOK POUR LA CONVERSION DE L’OR
Quant à M. Gebrane Tok, député de Bécharré,
qui a parlé au nom du “bloc pour le développement et le changement”,
il propose d’user de l’or dont dispose la BDL, pour en tirer profit modérément
et faire face au déficit budgétaire. “Si nous avions agi
dans ce sens, soutient-il, la conversion de l’or aurait valu au Trésor
des rentrées de l’ordre de 4 milliards de dollars et il aurait été
possible de doubler ce chiffre en l’espace de dix ans, à travers
les intérêts provenant des bons du Trésor.”
M. Sami Khatib critique l’émission de bons du Trésor
en devises selon la formule du “zéro coupon”. De même, il
critique la troïka “pour avoir élaboré un plan de réforme,
transgressant ainsi la Constitution”, avant de se demander: “Le citoyen
qui vit dans des conditions dramatiques, peut-il se serrer davantage la
ceinture?”
“Les gens veulent améliorer leur standing de vie avant l’agrandissement
de l’aéroport; assurer leurs frais d’hospitalisation avant la Cité
sportive et le palais des congrès”. Au nom du bloc parlementaire
démocratique, il demande à l’Etat de rendre justice aux retraités
et de transformer le CDR en ministère du Plan.
“La confiance ne sera pas accordée au Pouvoir, conclut-il, tant
qu’on ne rétablira pas l’Etat des institutions”. Enfin, il émet
des réserves par rapport au projet de budget.
M. Talal Méraabi, député de Akkar, interroge le
gouvernement sur les raisons ayant empêché la réactivation
des organismes de contrôle, ainsi que le regroupement de certains
départements ministériels et conseils. Il insiste sur la
compression des dépenses improductives et exprime ses craintes de
ce que “le coût de la dette publique engloutira, prochainement, toutes
les réserves de l’Etat”.
M. Ammar Moussawi, député du “Hezbollah”, évalue
le déficit budgétaire à 59% et tire la sonnette d’alarme,
disant que la situation actuelle ne peut plus se perpétuer...
KHATIB: DEMANDE EN INVALIDATION DU BUDGET?
L’intervention la plus violente a été, sans conteste,
celle de M. Zaher el-Khatib qui a disséqué, littéralement,
la loi de finances, chiffres à l’appui, tout en étayant ses
dires par des études d’experts économistes et financiers,
avant de s’écrier, à l’adresse du gouvernement (dont le chef,
M. Hariri était absent): “Le peuple appelle la malédiction
de Dieu sur une telle équipe ministérielle dont la politique
inconséquente ne fait que l’appauvrir chaque jour davantage.”
Enfin, il annonce qu’il présenterait une demande en invalidation
du projet de budget 98 au Conseil constitutionnel, s’il venait à
être ratifié par la Chambre.
De son côté, M. Emile Naufal, député de
Jbeil, concentre ses critiques sur l’audiovisuel, disant que “le président
du Conseil a brisé le miroir, dès que les émissions
télévisées, captées dans les pays du proche
et lointain voisinages, donnaient une image défavorable du gouvernement”...
SIT-IN PLACE DE L’ÉTOILE
Fait à signaler: les deux CGTL - celles reconnue par le gouvernement
et “l’indépendante”, ont décidé d’observer un sit-in,
place de l’Etoile, mercredi et jeudi, en signe de protestation contre les
nouveaux impôts et taxes prévus par “l’annexe 9”.
Bref, la loi de finances a fourni aux opposants plus d’un sujet leur
ayant permis de prendre à partie l’équipe haririenne et de
dénoncer sa mauvaise gestion de la chose publique, autant que ses
violations répétées de la Constitution et des lois
ou règlements en vigueur. En ce qui concerne, notamment, les adjudications
publiques organisées pour les petits projets, les grands travaux
étant adjugés de gré à gré, alors que
le Sérail paraît avoir renoncé au système du
BOT, ce dernier ne surchargeant nullement le Trésor et empêchant
les abus...
Pour toutes ces raisons, les observateurs s’attendent à ce que
le projet de budget soit approuvé à une faible majorité,
ce qui n’est nullement dans l’intérêt du gouvernement...